Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation de la liberté d'expression concernant une peine d’emprisonnement avec sursis infligée à une militante des Femen pour exhibition sexuelle dans une église : Bouton c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/01/2023 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 22636/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Féminisme [Mots-clés] Sanction [Mots-clés] Peine de prison [Mots-clés] Sursis [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Interruption volontaire de grossesse (IVG) [Mots-clés] Liberté de pensée, de conscience et de religion [Mots-clés] Lieu de culte |
Résumé : |
Dans son arrêt de chambre, rendu dans l’affaire Bouton c. France, la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’affaire concerne la condamnation de la requérante à une peine d’emprisonnement avec sursis, militante féministe membre des Femen, pour des faits d’exhibition sexuelle commis dans l’église de la Madeleine à Paris lors d’une «performance » visant à dénoncer la position de l’Église catholique sur l’avortement. La Cour rappelle tout d’abord qu’une peine de prison infligée dans le cadre d’un débat politique ou d’intérêt général n’est compatible avec la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple, la diffusion d’un discours de haine ou d’incitation à la violence. En l’espèce, l’action de la requérante à laquelle aucun comportement injurieux ou haineux n’a été reproché, avait pour seul objectif de contribuer au débat public sur les droits des femmes. La Cour constate ensuite que la sanction pénale qui a été infligée à la requérante en répression du délit d’exhibition sexuelle n’avait pas pour objet de punir une atteinte à la liberté de conscience et de religion mais la nudité de sa poitrine dans un lieu public. Si les circonstances de lieu ainsi que les symboles auxquels elle avait eu recours devaient être nécessairement pris en compte, en tant qu’éléments de contexte, pour l’appréciation des intérêts divergents en jeu, la Cour en déduit que les juridictions internes n’avaient pas, eu égard à l’objet de l’incrimination en cause, à procéder à la mise en balance entre la liberté d’expression revendiquée par la requérante et le droit à la liberté de conscience et de religion protégé par l’article 9 de la Convention. La Cour note enfin que si les juridictions internes n’ont pas fait abstraction des déclarations de la requérante au cours de l’enquête pénale, elles se sont toutefois bornées à examiner la question de la nudité de sa poitrine dans un lieu de culte, sans prendre en considération le sens donné à sa performance ni les explications fournies sur le sens donné à leur nudité par les militantes des Femen. Dans ces conditions, la Cour considère que les motifs retenus par les juridictions internes ne suffisent pas à ce qu’elle regarde la peine infligée à la requérante, compte tenu de sa nature ainsi que de sa lourdeur et de la gravité de ses effets, comme proportionnée aux buts légitimes poursuivis. La Cour en conclut que les juridictions n’ont pas procédé à la mise en balance entre les intérêts en présence de manière adéquate et que l’ingérence dans la liberté d’expression de la requérante que constitue la peine d’emprisonnement avec sursis qui a été prononcée à son encontre n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ». Il y a donc eu violation de l’article 10 de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2022:1013JUD002263619 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-219707 |