Résumé :
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Dans son arrêt de chambre, rendu après une audience publique tenue le 18 octobre 2022, dans l’affaire Pagerie c. France, la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu non-violation de l’article 2 du Protocole n° 4 (liberté de circulation) de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’affaire concerne l’assignation à résidence sur le territoire de la commune d’Angers, ordonnée, par le ministre de l’Intérieur, à l’égard du requérant dans le cadre de l’état d’urgence déclaré après la vague d’attentats terroristes commise sur le territoire français en novembre 2015. Celui-ci fut soumis à des obligations strictes, pendant plus de treize mois, comprenant l’obligation de se présenter trois fois par jour dans un commissariat et l’interdiction de quitter son domicile entre 20h et 6h.
À titre liminaire, la Cour souligne qu’elle est pleinement consciente des difficultés de la lutte contre le terrorisme et qu’en la matière, la Convention impose aux États de concilier la protection de la population avec la garantie effective des droits protégés. Dans le cadre de son contrôle, la Cour accorde une attention particulière à la nature et à la portée concrète des garanties contre les abus et le risque d’arbitraire.
En l’espèce, la Cour considère tout d’abord que la loi du 3 avril 1955, qui constitue la base légale des mesures contestées, fixe avec une clarté suffisante l’étendue et les modalités du pouvoir d’appréciation conféré au ministre de l’Intérieur et prévoit des garanties adaptées contre les risques d’abus et d’arbitraire.
S’agissant ensuite de la nécessité de l’assignation à résidence, la Cour relève que le ministre de l’Intérieur s’est fondé sur un ensemble d’éléments permettant de caractériser un « comportement » du requérant de nature à susciter des raisons sérieuses de penser qu’il constituait une menace pour la sécurité et l’ordre publics, dans une perspective de prévention du passage à l’acte terroriste. Elle note que la mesure a fait l’objet de réexamens réguliers, la situation personnelle du requérant ayant effectivement été réétudiée à huit reprises par le ministre de l’Intérieur. Par ailleurs, la Cour relève que l’ensemble des décisions administratives prises à l’encontre du requérant a fait l’objet d’un contrôle juridictionnel, permettant à celui-ci de faire valoir ses arguments devant les juridictions internes, qui ont réexaminé avec sérieux la justification de son assignation à résidence lors de chacune de ses prolongations.
Compte tenu du besoin impérieux que constitue la prévention d’actes terroristes, du comportement du requérant, des garanties procédurales dont il a effectivement bénéficié, et du réexamen périodique de la nécessité de la mesure d’assignation à résidence, la Cour conclut que cette mesure n’était pas disproportionnée. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 2 du Protocole n° 4.
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