Document public
Titre : | Arrêt relatif à la compétence judiciaire en matière de divorce, de responsabilité parentale et d’obligations alimentaires : MPA (Espagne) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 01/08/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-501/20 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Espagne [Mots-clés] Divorce [Mots-clés] Responsabilité [Mots-clés] Contribution alimentaire [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Domicile [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Ressortissant UE [Mots-clés] Respect de la législation et des décisions de justice [Mots-clés] Conflit de compétence [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice familiale |
Mots-clés: | compétence ; Droit de la famille ; résidence ; Résidence habituelle |
Résumé : |
En 2015, deux agents contractuels de la Commission européenne, résidant auparavant en Guinée-Bissau, ont déménagé au Togo avec leurs enfants mineurs, en raison de leur affectation à la délégation de l’Union européenne auprès de cet État tiers. La mère étant ressortissante espagnole et le père ressortissant portugais, les enfants, nés en Espagne, possèdent la double nationalité espagnole et portugaise. Depuis la séparation de fait du couple en 2018, la mère et les enfants continuent à résider au domicile conjugal au Togo et le père réside dans un hôtel dans ce même État.
En 2019, la mère a introduit une demande en divorce devant une juridiction espagnole, accompagnée, notamment, de demandes portant sur les modalités d’exercice de la garde des enfants et des responsabilités parentales ainsi que sur la pension alimentaire pour ceux-ci. Cette juridiction s’est toutefois déclarée territorialement incompétente au motif que les parties n’avaient pas leur résidence habituelle en Espagne. Saisie en appel par la mère, l’Audiencia Provincial de Barcelona (cour provinciale de Barcelone, Espagne) a décidé de poser plusieurs questions préjudicielles à la Cour afin de pouvoir statuer, au vu de la situation particulière des époux et de leurs enfants, sur la compétence des juridictions espagnoles en vertu des règlements no 2201/2003 (1) et no 4/2009 (2). Dans son arrêt, la Cour précise les éléments pertinents aux fins de la détermination de la résidence habituelle des parties figurant comme critère de compétence dans lesdits règlements. Elle spécifie également les conditions dans lesquelles une juridiction saisie peut reconnaître sa compétence pour statuer en matière de divorce, de responsabilité parentale et d’obligations alimentaires lorsqu’aucune juridiction d’un État membre n’est normalement compétente. Appréciation de la Cour La notion de « résidence habituelle » des époux, figurant dans les chefs de compétence alternatifs prévus à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2201/2003, doit être interprétée de manière autonome et uniforme. Elle se caractérise non seulement par la volonté de la personne concernée de fixer le centre habituel de sa vie dans un lieu déterminé, mais aussi par une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné. La même définition vaut également pour la notion de « résidence habituelle » en matière d’obligations alimentaires, au sens des critères de compétence de l’article 3, sous a) et b), du règlement no 4/2009, celle-ci devant être guidée par les mêmes principes et caractérisée par les mêmes éléments que dans le protocole de La Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires. La qualité d’agents contractuels de l’Union des époux concernés, affectés dans une délégation de cette dernière auprès d’un État tiers et dont il est allégué, comme en l’espèce, qu’ils y jouissent du statut diplomatique, n’est pas susceptible d’influencer l’interprétation de la notion de « résidence habituelle » au sens des dispositions précitées. Quant à la résidence habituelle de l’enfant, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2201/2003 en matière de responsabilité parentale, celle-ci constitue également une notion autonome. Elle exige, à tout le moins, une présence physique dans un État membre donné, n’ayant nullement un caractère temporaire ou occasionnel et traduisant une certaine intégration de cet enfant dans un environnement social et familial. À cet égard, le lien constitué par la nationalité de la mère et par la résidence de celle-ci, avant son mariage, dans l’État membre dont relève la juridiction saisie en matière de responsabilité parentale n’est pas pertinent aux fins de reconnaître la compétence de cette juridiction, tandis qu’est insuffisante la circonstance que les enfants mineurs sont nés dans cet État membre et en possèdent la nationalité. Cette interprétation de la notion de « résidence habituelle » pourrait conduire à ce que, au vu des circonstances de l’espèce, aucune juridiction d’un État membre ne soit compétente, en vertu des règles de compétence générales du règlement no 2201/2003, pour statuer sur une demande de dissolution du lien matrimonial et en matière de responsabilité parentale. Dans un tel cas, les articles 7 et 14 de ce règlement seraient susceptibles d’autoriser une juridiction saisie d’appliquer, respectivement pour l’une et l’autre matière, les règles de compétence de droit interne, avec toutefois une portée différente. En matière matrimoniale, une telle compétence résiduelle de la juridiction de l’État membre saisie est exclue lorsque le défendeur est un ressortissant d’un autre État membre, sans pour autant s’opposer à la compétence des juridictions de ce dernier État membre en vertu de son droit interne. En revanche, en matière de responsabilité parentale, le fait que le défendeur soit ressortissant d’un autre État membre ne constitue pas un obstacle à ce que la juridiction de l’État membre saisie reconnaisse sa compétence. Un autre cadre est prévu en matière d’obligations alimentaires, lorsque l’ensemble des parties au litige ne résident pas habituellement dans un État membre. Dans ce cas, l’article 7 du règlement no 4/2009 pose quatre conditions cumulatives afin qu’une juridiction d’un État membre puisse exceptionnellement constater sa compétence en vertu de l’état de nécessité (forum necessitatis). Premièrement, la juridiction saisie doit vérifier qu’aucune juridiction d’un État membre n’est compétente en vertu des articles 3 à 6 du règlement no 4/2009. Deuxièmement, le litige en cause doit posséder un lien étroit avec un État tiers, ce qui est le cas lorsque l’ensemble des parties y résident habituellement. Troisièmement, la condition que la procédure ne puisse raisonnablement être introduite ou conduite ou se révèle impossible dans l’État tiers nécessite que, au vu du cas d’espèce, l’accès à la justice dans l’État tiers soit, en droit ou en fait, entravé, notamment par des conditions procédurales discriminatoires ou contraires au procès équitable. Enfin, le litige doit présenter un lien suffisant avec l’État membre de la juridiction saisie, celui-ci pouvant être fondé, notamment, sur la nationalité de l’une des parties. Notes 1 Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000 (JO 2003, L 338, p. 1). 2 Règlement (CE) no 4/2009 du Conseil, du 18 décembre 2008, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires (JO 2009, L 7, p. 1). |
ECLI : | :EU:C:2022:619 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=263727 |