Titre : | Décision 2022-002 du 7 janvier 2022 relative à une tierce intervention devant la Cour européenne des droits de l'homme concernant le placement en rétention administrative d’enfants accompagnant leurs parents |
est cité par : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 07/01/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2022-002 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Visa de la CIDE [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Petite enfance [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Torture [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Droit à la liberté et à la sûreté [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Covid-19 [Mots-clés] Crise sanitaire [Mots-clés] Epidémie |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été autorisé par la Cour européenne des droits de l’homme à intervenir dans la procédure A.C. et M.C c. France (requête n° 4289/21), portant sur la question de la conformité du placement en centre de rétention administrative (CRA) d’enfants accompagnant leurs parents avec les articles 3, 5 et 8 de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Face au recours persistant au placement en rétention administrative d’enfants accompagnant leurs parents, le Défenseur des droits rappelle que, depuis 2016, la loi interdit une telle mesure. Il observe toutefois que ce principe souffre de plusieurs dérogations qui tendent davantage à légaliser la pratique de la rétention administrative qu’à la prohiber et que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est jamais pris en compte de manière suffisante. La multiplication des placements en rétention de familles avec enfants semble souvent dictée par des considérations administratives, selon lesquelles il est plus facile de reconduire des personnes retenues de façon contrainte. Dans certaines situations, les mesures provisoires prononcées par la Cour ne sont pas respectées par les autorités françaises. Le Défenseur des droits a également constaté que malgré le contexte d’urgence sanitaire résultant de la pandémie de COVID-19, les mesures d’enfermement des étrangers en situations irrégulière en CRA n’ont pas cessé, alors même que les reconduites à la frontière étaient parfois impossibles et cela au risque de créer un danger pour la vie des personnes retenues ainsi que des personnels des centres de rétention. Dans ses observations, le Défenseur des droits fait état des réclamations individuelles qu’il reçoit. Déplorant que les impératifs et contraintes de l’administration priment sur l’intérêt supérieur des enfants, il rappelle avec fermeté son opposition à ces placements ainsi que la nécessité de faire évoluer la législation et les pratiques. Le Défenseur des droits a réitéré sa recommandation tendant à ce que la loi soit modifiée conformément aux obligations internationales de la France, notamment de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), pour proscrire, en toutes circonstances, la rétention administrative des mineurs. Le Défenseur des droits rappelle également que la CIDE telle qu’interprétée par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, prohibe la rétention administrative des enfants, qu’ils soient accompagnés ou non. Sur la question de la conformité de ces mesures avec la Convention, le Défenseur des droits a rappelé qu’une telle mesure est susceptible de constituer un traitement contraire à l’article 3. En effet, à ce jour, l’État français a été condamné à huit reprises pour le placement en rétention administrative d’enfants, notamment dans l’arrêt M.D et A.D c. France, la Cour ayant pris en compte des critères d’appréciation tels que : l’âge des enfants, la durée de rétention, leur état de santé et le caractère adapté des locaux à la présence d’enfants. Le Défenseur des droits a constaté que le placement en rétention des enfants entraînait une dégradation de leur état de santé et avait des conséquences néfastes sur leur développement futur. Il a souligné que de nombreuses études démontraient que les enfants réagissent à l’enfermement avec une extrême détresse, de la peur, et une détérioration de leur état physique et psychique, aggravant ainsi les traumatismes liés à l’exil. Il a enfin rappelé que, comme le souligne la Cour, leur situation prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal et que les États ont une obligation de protection à leur égard. Par ailleurs, la rétention administrative des enfants peut entrainer un constat de violation de l’article 5 de la Convention. Le Défenseur des droits s’est interrogé sur l’existence d’une base légale interne suffisante dans la mesure où les arrêtés de placement en rétention ne sont pris qu’à l’encontre des parents et non des enfants les accompagnant. Il a rappelé à la Cour qu’elle doit examiner si les autorités ont recouru à cette mesure, après avoir vérifié concrètement qu’aucune autre moins attentatoire à la liberté ne pouvait être mise en œuvre et qu’elle devrait interpréter l’article 5 à l’aune de des dispositions de la CIDE. En outre, concernant la conformité de la mesure à l’article 8, le Défenseur des droits a mobilisé la jurisprudence de la Cour qui, statuant sur le placement d’enfants en rétention administrative, a conclu à sa disproportion à l’objectif poursuivi lorsque la réalité du risque de fuite n’est pas démontrée, que l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas pris en compte par les autorités, qu’aucune alternative n’a été recherchée et que des diligences n’ont pas été mises en œuvre pour exécuter au plus vite la mesure d’expulsion et limiter la durée de l’enfermement. Enfin, et bien que l’arrêt Popov ait constitué une avancée significative dans la prohibition de l’enfermement des enfants migrants, le Défenseur des droits a invité la Cour à aligner sa jurisprudence sur les exigences de la CIDE : prohiber la rétention administrative des enfants en toutes circonstances afin de garantir une protection renforcée des enfants migrants, lesquels sont particulièrement vulnérables. Cet alignement jurisprudentiel s’avère d’autant plus justifié eu égard aux prises de position de plusieurs instances européennes. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
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