Document public
Titre : | Ordonnance relative au refus par un État membre d’origine de l’une de deux mères de transcrire l’acte de naissance les désignant toutes deux mères pour cet enfant au registre de l’état civil national : Rzecznik Praw Obywatelskich (Pologne) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 24/06/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-2/21 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Pologne [Géographie] Union européenne (UE) [Mots-clés] Ressortissant UE [Mots-clés] Droit européen [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Famille homoparentale [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Refus [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics |
Mots-clés: | LGBTI |
Résumé : |
K.S., ressortissante polonaise, et S.V.D., ressortissante irlandaise, se sont mariées en Irlande en 2018.
Au cours de l’année 2018, leur fille, S.R.S. – D., est née en Espagne. La naissance de cette dernière a été enregistrée par le bureau de l’état civil espagnol sur la base d’une déclaration conjointe de la mère de l’enfant, K.S., et de son épouse, S.V.D. Cet acte de naissance désigne K.S. et S.V.D., respectivement, en tant que « mère A » et « mère B ». K.S. et S.V.D. ont demandé la transcription de l’acte de naissance délivré par les autorités espagnoles de S.R.S. – D., qui a la nationalité polonaise, au registre de l’état civil polonais. Par une décision du 16 avril 2019, cette demande a été rejetée par le chef du bureau de l’état civil, au motif qu’une telle transcription serait contraire aux principes fondamentaux de l’ordre juridique de la République de Pologne. K.S. et S.V.D. n’ayant pas contesté cette décision de rejet, cette dernière est devenue définitive le 30 avril 2019. Le 25 septembre 2019, K.S. a adressé une demande d’assistance au médiateur national, exposant que S.R.S. – D. n’avait aucun document d’identité, la demande de délivrance d’un passeport polonais pour cet enfant ayant été rejetée en raison de l’absence de transcription de l’acte de naissance de celui-ci au registre de l’état civil polonais. Par une lettre du 17 février 2019, les autorités irlandaises responsables en matière de documents d’identité ont informé ce médiateur que ledit enfant n’était pas de nationalité irlandaise et n’avait, par conséquent, droit ni à une carte d’identité ni à un passeport. Le médiateur national a alors formé, au nom de K.S. et de S.V.D., un recours devant la juridiction de renvoi contre la décision du chef du bureau de l’état civil, du 16 avril 2019, refusant de transcrire au registre de l’état civil polonais l’acte de naissance que les autorités espagnoles avaient délivré pour la fille de celles-ci. Au cours de la procédure devant la juridiction de renvoi, l’autorité administrative de première instance a également rejeté une demande de délivrance d’une carte d’identité pour S.R.S. – D., au motif que, dans le droit polonais, un enfant ne peut avoir pour parents qu’une femme et un homme. La juridiction de renvoi ayant jugé légitime d’attendre la décision de l’autorité administrative de seconde instance, le médiateur national a, par une lettre du 30 juillet 2020, indiqué que la décision de rejet de la demande de délivrance d’une carte d’identité avait été confirmée en seconde instance. Selon la juridiction de renvoi, les dispositions actuellement applicables ne garantissent pas de manière effective le droit à la libre circulation d’un enfant comme S.R.S. – D., qui « est incontestablement une citoyenne polonaise » et, partant, une citoyenne de l’Union, dès lors que les documents nécessaires à l’exercice de cette liberté, à savoir une carte d’identité ou un passeport polonais, ne peuvent être délivrés à cet enfant en raison du fait que les parents inscrits dans l’acte de naissance de celui-ci sont deux femmes qui se sont mariées conformément à la loi applicable à l’une d’elles. Cette juridiction expose, en outre, que l’application pratique de ces dispositions du droit polonais rendent difficile, pour les autorités publiques, y compris les juridictions, d’accorder une protection efficace à un enfant mineur, en prenant en considération son intérêt supérieur. La juridiction de renvoi admet que les questions d’état civil ainsi que les règles relatives au mariage qui s’y rattachent sont des matières relevant de la compétence des États membres et que le droit de l’Union ne porte pas atteinte à cette compétence. Elle considère que les différences existant entre les règles applicables dans les différents États membres ne sauraient toutefois porter atteinte à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Cette juridiction indique que, dans l’hypothèse où il serait constaté que le refus de transcrire l’acte de naissance d’un enfant viole les dispositions de l’article 20, paragraphe 2, sous a), et de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, lues en combinaison avec celles de l’article 7, de l’article 21, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 2, de la Charte, elle serait en mesure d’ordonner aux autorités polonaises de transcrire littéralement cet acte de naissance, ce qui permettrait ensuite de délivrer un document d’identité qui garantirait à l’enfant concerné de pouvoir traverser les frontières intérieures de l’Union, et qui protègerait la vie privée et familiale de ce dernier. Dans ces conditions, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Krakowie (tribunal administratif de voïvodie de Cracovie, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante : « Les dispositions combinées de l’article 20, paragraphe 2, sous a), et de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, lues en combinaison avec l’article 7, l’article 21, paragraphe 1, et l’article 24, paragraphe 2, de la [Charte], doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce que les autorités d’un État membre dont un enfant mineur est ressortissant refusent à celui-ci la transcription de son acte de naissance, délivré par un autre État membre, laquelle transcription est nécessaire pour lui permettre d’obtenir un document d’identité de l’État membre dont il est ressortissant, au motif que le droit national de ce dernier État membre ne prévoit pas la parentalité de couples de même sexe et que cet acte de naissance désigne comme parents des personnes de même sexe ? » La Cour ordonne : Les articles 20 et 21 TFUE , lus en combinaison avec les articles 7 et 24 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi qu’avec l’article 4, paragraphe 3, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, doivent être interprétés en ce sens que, s’agissant d’un enfant mineur, citoyen de l’Union dont l’acte de naissance délivré par les autorités d’un État membre désigne comme ses parents deux personnes de même sexe, l’État membre dont cet enfant est ressortissant est obligé, d’une part, de lui délivrer une carte d’identité ou un passeport, sans requérir la transcription préalable d’un acte de naissance dudit enfant au registre de l’état civil national, ainsi que, d’autre part, de reconnaître, à l’instar de tout autre État membre, le document émanant d’un autre État membre permettant au même enfant d’exercer sans entrave, avec chacune de ces deux personnes, son droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. |
ECLI : | EU:C:2022:502 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Droits - Libertés |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=262081 |