Document public
Titre : | Décision 2022-031 du 8 février 2022 relative à une tierce intervention devant la Cour européenne des droits de l'homme portant observations concernant le décès de Rémi Fraisse, en 2014, dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre |
Titre précédent : | |
Accompagne : |
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Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 08/02/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2022-031 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Position suivie d’effet [Géographie] France [Mots-clés] Déontologie [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Manifestation [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Maintien de l'ordre public [Mots-clés] Militaire [Mots-clés] Gendarmerie [Mots-clés] Arme [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité |
Mots-clés: | Grenade ; Grenade offensive |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été autorisé par la Cour européenne des droits de l’homme à intervenir dans la procédure Fraisse c. France (requête n° 47626/21), portant sur les circonstances du décès de Rémi Fraisse dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre, au regard des règles déontologiques professionnelles qui encadrent l’action de toute personne exerçant une activité de sécurité. Il avait déjà rendu une décision le 25 novembre 2016 (décision n° 2016-109).
Devant la Cour, le Défenseur des droits a limité ses observations aux constats et recommandations de portée générale qu’il a formulés dans cette décision. Concernant la présence de l’autorité civile sur le terrain des opérations, le Défenseur des droits réaffirme sa nécessité et souligne que depuis sa décision du 25 novembre 2016, en accord avec ses recommandations, cette présence sur le terrain a été rappelée par les autorités aux préfets en 2017. Le Défenseur des droits déplore en revanche l’insuffisance de la formation du corps préfectoral ainsi que l’absence de disposition législative imposant la traçabilité des missions données au commandement de la force publique et de l’autorisation d’emploi de la force, pourtant nécessaire à l’engagement d’une action en responsabilité et au respect du principe de la transparence. Le Défenseur des droits a ensuite appelé l’attention de la Cour sur l’absence de clarté du cadre juridique relatif au recours à la force et aux armes au regard de l’article 2 de la Convention, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour. Le Défenseur des droits constate une superposition de régimes juridiques distincts et complexes en matière d’usage des armes. Il souligne l’absence de précision de l’article L. 211-9 du code de sécurité intérieure. Celui-ci qui prévoit la possibilité d’exercer la force publique en cas d’attroupement, est utilisé par ailleurs pour recourir à la force à l’encontre de groupes insérés dans des manifestations composées de très nombreux participants, dont un certain nombre ne participent pas à un attroupement au sens de l’article 431-1 du code pénal et sont des manifestants pacifiques. Ces derniers ne bénéficient plus alors de la protection qu’ils sont légitimement en droit d’attendre de la loi. Cette situation est d’autant plus préoccupante au regard des moyens et en particulier des armes employés dans la mise en œuvre du recours à la force pour obtenir la dispersion d’un attroupement et de l’insuffisance du régime des sommations qui n’annoncent pas explicitement l’usage des armes. Le Défenseur des droits relève la dangerosité de l’usage de certaines armes de force intermédiaire dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre et rappelle que celles-ci ne doivent pas être utilisées lorsque des moyens moins dangereux peuvent l’être au regard des circonstances. Le Défenseur des droits souligne en pratique les difficultés d’un usage réellement gradué de la force et des armes, exigence légale dont ne sauraient s’affranchir les forces de l’ordre. Pour décider en connaissance de cause de la gradation de l’usage des armes, encore convient-il de pouvoir distinguer les effets et la dangerosité de chacune de ces armes. Or, la complexité du cadre juridique, l’imprécision des textes et la classification actuelle des armes ne permettent pas de déterminer, en pratique, quelle arme est la plus dangereuse, ni la mieux adaptée à la menace, et dès lors d’en faire un usage réellement gradué. Le Défenseur des droits indique à la Cour les recommandations qu’il a formulées à cet égard. Il a recommandé ainsi dans décision du 25 novembre 2016 que la législation soit suffisamment précise pour effectuer un usage réellement gradué de la force et ainsi éviter que des agents se trouvent dans la situation de pouvoir utiliser de leur propre initiative un tir de grenade lacrymogène au lance grenades ou d'employer des grenades à effet de souffle, comme cela été le cas dans la situation de Rémi Fraisse. Le Défenseur des droits indique à la Cour les autres recommandations qu’il a formulées et les suites qui y ont été données par les autorités, rappelant la jurisprudence de la Cour selon laquelle les Etats doivent adopter des dispositions spécifiques réglementant strictement l’utilisation des armes pendant les manifestations, énoncer des directives concernant leur mode d’emploi, prévoir des formations adaptées et des garanties adéquates et effectives contre l’arbitraire, l’abus de la force et les accidents évitables. Enfin, se prononçant spécifiquement sur la grenade offensive (modèle OF-F1) à l’origine des blessures mortelles de Remi Fraisse, le Défenseur des droits a indiqué que cette arme ne répondait pas aux critères d’absolue nécessité et de proportionnalité dans le cadre du recours à la force. Il a rappelé ses conclusions adoptées dans sa décision du 25 novembre 2016, en particulier sa recommandation tendant à interdire définitivement l’utilisation de cette arme. Le Défenseur des droits regrette cependant que l’usage d’une nouvelle arme (grenade GM2L) ait été autorisé dans les opérations de maintien de l’ordre. Si cette grenade est sans explosif, ni effet de souffle, sa dangerosité est encore sujette à caution*. Le Défenseur des droits indique à la Cour ses autres recommandations et les suites données à celles-ci par les autorités. (*) : Défenseur des droits, décision-cadre n°2020-131,9 juillet 2020. A ce jour, le Défenseur des droits n'a pas reçu communication du cadre d’emploi relatif à la grenade GM2L. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
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