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Titre : | Arrêt relatif au fait que, si le principe de la sanction prononcée pour complicité d’apologie publique d’actes de terrorisme n’est pas remis en cause, la lourdeur de la peine d’emprisonnement infligée à un ancien membre d’un groupe terroriste pour des propos tenus à la radio viole l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme : Rouillan c. France |
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est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 23/06/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 28000/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Répression [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Peine de prison [Mots-clés] Préjudice |
Mots-clés: | préjudice moral |
Résumé : |
Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme dit qu'il y a eu violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qui concerne la lourdeur de la sanction pénale infligée.
L’affaire concerne la condamnation pénale de J-M R, ancien membre du groupe terroriste Action directe, à dix-huit mois d’emprisonnement, dont dix avec sursis probatoire, pour complicité d’apologie publique d’actes de terrorisme, en raison de propos tenus lors d’une émission de radio en 2016 qui ont ensuite été publiés sur le site internet d’un journal. La Cour considère que la condamnation pénale du requérant pour complicité d’apologie d’actes de terrorisme a constitué une ingérence dans son droit à la liberté d’expression et reconnaît que cette ingérence était prévue par la loi et avait pour but légitime la défense de l’ordre et la prévention des infractions pénales. Examinant ensuite la nécessité de l’ingérence dans une société démocratique au sens de l’article 10 § 2, la Cour admet tout d’abord que les propos litigieux doivent être regardés comme une incitation indirecte à l’usage de la violence terroriste, et n’aperçoit aucune raison sérieuse de s’écarter du sens et de la portée qu’en a retenus le tribunal correctionnel dans le cadre d’une décision dûment motivée, dont les motifs ont été repris par la cour d’appel et la Cour de cassation. Elle précise ensuite qu’elle ne voit en l’espèce aucun motif sérieux de s’écarter de l’appréciation retenue par les juridictions internes s’agissant du principe de la sanction. A cet égard, elle considère que les motifs retenus pour justifier la sanction du requérant, reposant sur la lutte contre l’apologie du terrorisme et sur la prise en considération de la personnalité de l’intéressé, apparaissent à la fois « pertinents » et « suffisants » pour fonder l’ingérence litigieuse qui doit être regardée comme répondant, dans son principe, à un besoin social impérieux. Toutefois, après avoir rappelé que, lorsque la liberté d’expression est en jeu, les autorités doivent faire preuve de retenue dans l’usage de la voie pénale, tout spécialement s’agissant du prononcé d’une peine d’emprisonnement, la Cour estime que, dans les circonstances particulières de l’espèce, les motifs retenus par les juridictions internes dans la mise en balance qu’il leur appartenait d’effectuer ne suffisent pas à la mettre en mesure de considérer qu’une telle peine d’emprisonnement de dix-huit mois prononcée à l’encontre du requérant était, alors même qu’il a été sursis à son exécution pour une durée de dix mois, proportionnée au but légitime poursuivi. Elle conclut donc à une violation de l’article 10 de la Convention eu égard à la lourdeur de la sanction pénale infligée au requérant. La Cour dit que le constat de violation de la Convention constitue en lui-même une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral subi par le requérant et que la France doit verser au requérant 15 000 euros pour frais et dépens. |
ECLI : | CE:ECHR:2022:0623JUD002800019 |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-217717 |