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Titre : | Arrêt relatif au fait qu'en cas d’impossibilité de localisation d’une personne poursuivie en justice, celle-ci peut être jugée ou condamnée par défaut mais a le droit, par la suite, d’obtenir la réouverture du procès sur le fond de l’affaire en sa présence : IR (Bulgarie) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 19/05/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-569/20 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Bulgarie [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Décision de justice [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Droit à un procès équitable |
Résumé : |
En cas d’impossibilité de localisation d’une personne poursuivie en justice, celle-ci peut être jugée ou condamnée par défaut mais a le droit, par la suite, d’obtenir la réouverture du procès sur le fond de l’affaire en sa présence
Toutefois, ce droit peut lui être refusé si elle s’est délibérément soustraite à l’action en justice en empêchant les autorités de l’informer de la tenue du procès Des poursuites pénales avaient été engagées en Bulgarie contre IR, accusé d’avoir participé à un groupe criminel organisé en vue de commettre des infractions fiscales, passibles de peines privatives de liberté. Un premier acte d’accusation lui avait été notifié personnellement et IR avait indiqué une adresse à laquelle il pouvait être contacté. À l’ouverture de la phase juridictionnelle de la procédure, celui-ci n’avait cependant pas pu y être trouvé, de sorte que le Spetsializiran nakazatelen sad (tribunal pénal spécialisé, Bulgarie, ci-après la « juridiction de renvoi ») n’avait pas pu le convoquer à l’audience. L’avocat désigné d’office par cette juridiction n’était par ailleurs pas entré en contact avec lui. En outre, l’acte d’accusation qui avait été notifié à IR ayant été entaché d’une irrégularité, il avait été déclaré nul et la procédure avait été clôturée. Après l’établissement d’un nouvel acte d’accusation et la réouverture de la procédure, IR avait, à nouveau, été recherché sans avoir pu être localisé. La juridiction de renvoi en a finalement déduit qu’IR avait pris la fuite et que, dans ces circonstances, l’affaire pouvait être jugée en son absence. Toutefois, afin que l’intéressé soit correctement informé des garanties procédurales dont il dispose, la juridiction de renvoi se demande de quelle hypothèse prévue par la directive 2016/343 (1) relève la situation d’IR qui, après avoir eu communication du premier acte d’accusation et avant le déclenchement de la phase juridictionnelle de la procédure pénale, a pris la fuite (2). La Cour répond que les articles 8 et 9 de la directive 2016/343 doivent être interprétés en ce sens qu’une personne poursuivie, que les autorités nationales compétentes, en dépit de leurs efforts raisonnables, ne réussissent pas à localiser et à laquelle ces autorités n’ont, de ce fait, pas réussi à remettre les informations relatives au procès dirigé contre elle, peut faire l’objet d’un procès et, le cas échéant, d’une condamnation par défaut. Dans ce cas, cette personne doit néanmoins, en principe, avoir la possibilité, après la communication de cette condamnation, de se prévaloir directement du droit, conféré par cette directive, d’obtenir la réouverture du procès ou l’accès à une voie de droit équivalente conduisant à un nouvel examen, en sa présence, du fond de l’affaire. La Cour précise toutefois que ce droit peut être refusé à ladite personne s’il ressort d’indices précis et objectifs que celle-ci a reçu des informations suffisantes pour savoir qu’un procès allait être tenu contre elle et a, par des actes délibérés et dans l’intention de se soustraire à l’action de la justice, empêché les autorités de l’informer officiellement de la tenue de ce procès. Appréciation de la Cour : La Cour rappelle, tout d’abord, que l’article 8, paragraphe 4, et l’article 9 de la directive 2016/343, concernant le champ d’application et la portée du droit à un nouveau procès, doivent être considérés comme ayant un effet direct. Ce droit est réservé aux personnes dont le procès est mené par défaut alors même que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive ne sont pas réunies. Par contre, la faculté offerte par la directive 2016/343 aux États membres de mener, lorsque les conditions prévues au paragraphe 2 de son article 8 sont réunies, un procès par défaut et d’exécuter la décision sans prévoir le droit à un nouveau procès, repose sur le postulat que l’intéressé, dûment informé, a renoncé volontairement et de manière non équivoque à exercer le droit d’assister à son procès. Cette interprétation garantit le respect de la finalité de la directive 2016/343, qui consiste à renforcer le droit à un procès équitable dans le cadre des procédures pénales, de manière à augmenter la confiance des États membres dans le système de justice pénale des autres États membres, et à assurer le respect des droits de la défense, tout en évitant qu’une personne, qui, bien qu’étant informée de la tenue d’un procès, a renoncé à y assister sans équivoque, puisse, après une condamnation par défaut, revendiquer la tenue d’un nouveau procès et ainsi abusivement entraver l’effectivité des poursuites ainsi que la bonne administration de la justice. S’agissant de l’information relative à la tenue du procès et aux conséquences d’un défaut de comparution, la Cour précise que c’est à la juridiction nationale concernée de vérifier si un document officiel, mentionnant sans équivoque la date et le lieu fixés pour le procès et, en cas de défaut de représentation par un avocat mandaté, les conséquences d’un éventuel défaut de comparution, a été émis à l’attention de l’intéressé. Il incombe, par ailleurs, à cette juridiction de vérifier si ce document a été notifié en temps utile de manière à permettre à l’intéressé, s’il décide de prendre part au procès, de préparer utilement sa défense. Concernant, plus particulièrement, les personnes poursuivies ayant pris la fuite, la Cour constate que la directive 2016/343 s’oppose à une réglementation nationale qui écarte le droit à un nouveau procès au seul motif que la personne concernée a pris la fuite et que les autorités n’ont pas réussi à la localiser. Ce n’est que lorsqu’il ressort d’indices précis et objectifs que la personne concernée, tout en ayant été informée officiellement qu’elle est accusée d’avoir commis une infraction pénale et, sachant ainsi qu’un procès va être tenu contre elle, fait délibérément en sorte d’éviter de recevoir officiellement les informations relatives à la date et au lieu du procès, que cette personne peut être réputée avoir été informée de la tenue du procès et avoir renoncé volontairement et de manière non équivoque à exercer son droit d’assister à celui-ci, situation qui relève de l’hypothèse visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2016/343 (3). L’existence de tels indices précis et objectifs peut notamment être constatée lorsque ladite personne a communiqué volontairement une adresse erronée aux autorités nationales compétentes en matière pénale ou ne se trouve plus à l’adresse qu’elle a communiquée. Par ailleurs, pour déterminer si l’information qui a été fournie à l’intéressé a été suffisante, une attention particulière doit être accordée, d’une part, à la diligence dont ont fait preuve les autorités publiques pour informer l’intéressé et, d’autre part, à la diligence dont a fait preuve celui-ci pour recevoir lesdites informations. La Cour précise en outre que cette interprétation respecte le droit à un procès équitable, énoncé aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Notes : 1. Directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1). 2. Plus particulièrement, l’article 8 de la directive 2016/343 traite du droit d’assister à son propre procès. Selon le paragraphe 2 de cet article, les États membres peuvent prévoir qu’un procès pouvant donner lieu à une décision statuant sur la culpabilité ou l’innocence de l’intéressé peut se tenir en son absence, pour autant que celui-ci ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution, ou que l’intéressé, ayant été informé de la tenue du procès, soit représenté par un avocat qu’il a mandaté ou désigné par l’État. Selon l’article 8, paragraphe 4, de cette directive, lorsque les États membres prévoient la possibilité que des procès se tiennent en l’absence de l’intéressé, mais qu’il n’est pas possible de respecter les conditions fixées audit paragraphe 2, parce que celui-ci ne peut être localisé en dépit des efforts raisonnables consentis à cet effet, les États membres peuvent néanmoins prévoir qu’une décision puisse être prise et exécutée. Dans de tels cas, les États membres veillent à ce que les personnes concernées, lorsqu’elles sont informées de ladite décision, en particulier au moment de leur arrestation, soient également informés de la possibilité de contester cette décision et de leur droit à un nouveau procès ou à une autre voie de droit, conformément à l’article 9 de ladite directive. Plus particulièrement, en vertu de cet article 9, les suspects ou les personnes poursuivies doivent disposer du droit à un nouveau procès, lorsqu’ils n’ont pas assisté à leur procès et que les conditions prévues à l’article 8, paragraphe 2, de cette directive n’étaient pas réunies. 3. Sous réserve des besoins particuliers des personnes vulnérables visées aux considérants 42 et 43 de la directive 2016/343. |
ECLI : | EU:C:2022:401 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
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