Document public
Titre : | Arrêt relatif à la détermination de la loi applicable en matière d'obligation alimentaire en cas d'enlèvement international d'enfant : W. J. (Pologne) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/05/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C‑644/20 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Pologne [Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Enlèvement d'enfant étranger à l'étranger [Mots-clés] Contribution alimentaire [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Garde de l'enfant [Mots-clés] Droit européen [Mots-clés] Législation |
Mots-clés: | compétence ; Résidence habituelle |
Résumé : |
A. P. et W. J., des ressortissants de nationalité polonaise, qui résidaient et exerçaient une activité professionnelle au Royaume-Uni au moins depuis l’année 2012, ont donné naissance à L. J. et à J. J., qui sont respectivement nés au mois de juin 2015 et au mois de mai 2017 au Royaume-Uni. Ces deux enfants ont les nationalités polonaise et britannique.
Au cours de l’automne de l’année 2017, A. P. et sa fille L. J. se sont rendues en Pologne pour y séjourner jusqu’au 7 octobre 2017, en raison de l’expiration de la durée de validité de la carte d’identité de A. P. Durant ce séjour, A. P. a informé W. J. de son intention de prolonger la durée de son séjour en Pologne, ce à quoi ce dernier a consenti. A. P. est retournée au Royaume-Uni le 7 octobre 2017, d’où elle est repartie le lendemain, en emmenant avec elle son fils J. J. Quelques jours plus tard, A. P. a informé W. J. de son intention de rester de manière permanente en Pologne avec L. J. et J. J. (ci-après les « enfants »), ce que W. J. a refusé. Au mois d’avril 2019, les enfants résidaient dans une localité polonaise avec A. P., ainsi qu’avec leurs grands-parents, leur oncle et une cousine également mineure, que L. J. fréquentait l’école maternelle, tandis que J. J. restait sous la garde de A. P. ainsi que sous le contrôle de structures médicales en raison de son état de santé nécessitant une hospitalisation périodique. La juridiction de renvoi relève également que A. P. a bénéficié des prestations d’assistance sociale en Pologne au titre de la garde de ses enfants. W. J. a introduit, au titre de la convention de La Haye de 1980, une demande de retour des enfants auprès de l’autorité centrale britannique. Le 3 janvier 2018, la demande a été transmise au Sąd Rejonowy (tribunal d’arrondissement, Pologne) compétent, lequel a, par ordonnance du 26 février 2018, rejeté cette demande. Le 7 novembre 2018, les enfants, représentés par A. P., ont introduit devant le Sąd Rejonowy w Pile (tribunal d’arrondissement de Piła, Pologne), une demande de versement de pension alimentaire mensuelle, à l’égard de W. J., lequel s’est constitué partie au procès et n’a pas soulevé d’exception d’incompétence. Par jugement du 11 avril 2019, cette juridiction a condamné W. J. à verser à chacun des enfants une pension alimentaire mensuelle à compter du 7 novembre 2018, en application de la loi polonaise. W. J. a interjeté appel de l’ordonnance du 26 février 2018, citée au point 20 du présent arrêt, ainsi que du jugement du 11 avril 2019, cité au point précédent du présent arrêt. Par ordonnance du 24 mai 2019, le Sąd Okręgowy (tribunal régional, Pologne) compétent, saisi de l’appel contre l’ordonnance du 26 février 2018, a enjoint à A. P. de remettre les enfants à W. J. au plus tard le 26 juin 2019, aux motifs que les enfants faisaient l’objet d’une retenue illégale en Pologne, que leur résidence habituelle immédiatement avant cette retenue se situait au Royaume-Uni et qu’il n’existait pas de risque grave que leur retour dans cet État les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière les place dans une situation intolérable, au sens de l’article 13, paragraphe 1, sous b), de la convention de La Haye de 1980. Au soutien de l’appel introduit contre le jugement du 11 avril 2019, mentionné au point 22 du présent arrêt, qu’il a introduit devant la juridiction de renvoi, le Sąd Okręgowy w Poznaniu (tribunal régional de Poznań, Pologne), W. J. a invoqué un moyen tiré d’une erreur d’appréciation factuelle en ce qu’il n’aurait pas été tenu compte de l’ordonnance du 24 mai 2019, mentionnée au point précédent du présent arrêt, imposant à A. P. de remettre les enfants à leur père au plus tard le 26 juin 2019, ce qui rendrait injustifié de faire peser une obligation alimentaire sur ce dernier. Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi relève, en premier lieu, que ladite ordonnance du 24 mai 2019 est définitive et que son exécution implique le retour des enfants au Royaume-Uni, puisque la résidence habituelle de W. J. est toujours située sur le territoire de cet État. A. P. n’a cependant pas remis les enfants à W. J. dans le délai imparti, les recherches pour les retrouver n’ayant, jusqu’à la date de l’introduction du renvoi préjudiciel, pas abouti. La juridiction de renvoi souligne, en deuxième lieu, que les juridictions polonaises sont compétentes en vertu de l’article 5 du règlement nº 4/2009, ce qui n’est pas contesté par W. J. qui n’a pas soulevé d’exception d’incompétence. En troisième lieu, elle précise qu’il lui appartient de déterminer la loi applicable à l’obligation alimentaire en cause. À cet égard, la juridiction de renvoi souligne que la loi polonaise, sur le fondement de laquelle le Sąd Rejonowy w Pile (tribunal d’arrondissement de Piła) a rendu son jugement, ne saurait être appliquée que dans l’hypothèse où les enfants, malgré leur retenue illicite en Pologne et la décision judiciaire ordonnant leur retour au Royaume-Uni, auraient acquis, après leur arrivée en 2017, une résidence habituelle en Pologne, ce qui justifierait que la loi applicable soit déterminée sur le fondement de l’article 3, paragraphe 2, du protocole de La Haye, d’autres critères de rattachement à la loi polonaise étant, selon la juridiction de renvoi, exclus. Cela étant, la juridiction de renvoi se demande si cette disposition ne doit pas être interprétée en s’inspirant de l’article 10 du règlement nº 2201/2003 qui s’oppose, en principe, à ce que la compétence juridictionnelle en matière de responsabilité parentale soit transférée vers l’État membre dans lequel l’enfant aurait eu sa nouvelle résidence habituelle, en cas de déplacement ou de non-retour illicites de cet enfant dans cet État membre. Or, s’il était admis que les enfants ne peuvent pas acquérir une nouvelle résidence habituelle dans l’État où ils sont retenus illicitement, la loi applicable à l’obligation alimentaire, en cause au principal, serait, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 1, du protocole de La Haye, la loi du Royaume-Uni, en tant que loi de l’État dans lequel les enfants ont conservé leur résidence habituelle. Néanmoins, la juridiction de renvoi fait observer que, à la différence du règlement nº 2201/2003, ni le règlement nº 4/2009 ni le protocole de La Haye ne contiennent de règles spécifiques déterminant les liens entre, d’une part, la résidence habituelle et, d’autre part, respectivement, la compétence judiciaire en matière d’obligations alimentaires et la loi applicable en cette matière, lorsque le créancier d’aliments est un enfant retenu illicitement dans un État membre. Ce constat pourrait permettre de conclure que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du protocole de La Haye, la retenue illicite d’un enfant sur le territoire d’un État membre n’a aucune incidence sur l’acquisition par cet enfant de sa résidence habituelle dans cet État membre, de sorte que la loi dudit État membre peut, en tant que loi de la nouvelle résidence habituelle, devenir applicable à l’obligation alimentaire dès le moment où un tel changement de résidence est survenu. C’est dans ces conditions que le Sąd Okręgowy w Poznaniu (tribunal régional de Poznań) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante : « L’article 3, paragraphes 1 et 2, du protocole de La Haye [...] doit-il être interprété en ce sens qu’un enfant créancier [d’aliments] peut acquérir une nouvelle résidence habituelle dans un État où il est retenu de manière illicite, lorsqu’une juridiction a ordonné son retour dans l’État où il avait sa résidence habituelle immédiatement avant le non-retour illicite ? » Selon la Cour de justice de l’Union européenne : « L’article 3 du protocole de La Haye, du 23 novembre 2007, sur la loi applicable aux obligations alimentaires, approuvé, au nom de la Communauté européenne, par la décision 2009/941/CE du Conseil, du 30 novembre 2009, doit être interprété en ce sens que, aux fins de la détermination de la loi applicable à la créance alimentaire d’un enfant mineur déplacé par l’un de ses parents sur le territoire d’un État membre, la circonstance qu’une juridiction de cet État membre a ordonné, dans le cadre d’une procédure distincte, le retour de cet enfant dans l’État où il résidait habituellement avec ses parents immédiatement avant son déplacement, ne suffit pas à empêcher que ledit enfant puisse acquérir une résidence habituelle sur le territoire de cet État membre. » |
ECLI : | EU:C:2022:371 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=259145 |