Document public
Titre : | Arrêt relatif à la détention provisoire irrégulière et arbitraire du président de la branche turque d’Amnesty International : Taner Kılıç (no 2) c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 31/05/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 208/18 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Détention provisoire [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Droit à la liberté et à la sûreté [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Victime [Mots-clés] Preuve [Mots-clés] Préjudice [Mots-clés] Indemnisation [Mots-clés] Responsabilité [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Mots-clés: | préjudice moral |
Résumé : |
L’affaire concerne la mise et le maintien en détention provisoire de M. Kılıç qui, à l’époque des faits, était le président de la branche turque de l’organisation Amnesty International. M. Kılıç fut arrêté en juin 2017, soupçonné d’appartenance à l’organisation FETÖ/PDY1. Les autorités lui reprochèrent en particulier l’utilisation alléguée de la messagerie ByLock ainsi que d’autres faits.
Dans cet arrêt de chambre, rendu le 31 mai 2022, la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 (absence de raisons plausibles justifiant la mise et le maintien en détention provisoire) de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour juge que le Gouvernement n’a pas pu démontrer que, à la date de la mise en détention provisoire de M. Kılıç ou aux phases subséquentes de la détention provisoire, les éléments de preuve cités par les juges nationaux satisfaisaient au critère de « soupçons plausibles » requis par l’article 5 de la Convention, et pouvaient ainsi convaincre un observateur objectif que l’intéressé avait pu commettre l’infraction reprochée pour laquelle il avait été détenu. La Cour estime que l’interprétation et l’application des dispositions légales invoquées par les autorités internes ont été déraisonnables au point de conférer à la privation de liberté subie par M. Kılıç un caractère irrégulier et arbitraire, et elle conclut à l’absence de raisons plausibles de soupçonner M. Kılıç d’avoir commis une infraction, tant à la date de sa mise en détention provisoire qu’après la prolongation de celle-ci. S’agissant de la violation de l’article 5 § 3 (absence de motivation des décisions relatives à la détention provisoire), la Cour rappelle que la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne détenue d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention. En l’espèce, en l’absence de telles raisons, elle estime qu’il y a eu violation de l’article 5 § 3. S’agissant de la violation de l’article 5 § 5 (absence de recours en réparation en cas de détention provisoire injustifiée), la Cour estime que la voie d’indemnisation prévue à l’article 141 du code de procédure pénale (CPP) ne saurait constituer un recours en réparation au sens de l’article 5 § 5 de la Convention pour ce qui est des griefs tirés de l’absence de raisons plausibles de soupçonner une personne d’avoir commis une infraction et du défaut de motifs pertinents et suffisants propres à justifier une détention provisoire. S’agissant de la violation de l’article 10 (liberté d’expression), la Cour considère que la mise en détention provisoire de M. Kılıç, dans le cadre de la seconde procédure pénale dirigée contre lui, en raison d’actes directement liés à son activité de défenseur des droits de l’homme s’analyse en une contrainte réelle et effective et constitue par conséquent une « ingérence » dans l’exercice par l’intéressé de son droit à la liberté d’expression. Pour la Cour, l’ingérence subie par M. Kılıç dans l’exercice de ses droits et libertés garantis par l’article 10 de la Convention ne peut être justifiée puisqu’elle n’était pas prévue par la loi. La Cour dit, à l’unanimité, que la Turquie doit verser au requérant 8 500 euros pour dommage matériel, 16 000 euros pour dommage moral, et 10 000 euros pour frais et dépens. Elle rejette, par cinq voix contre deux, le surplus de la demande de satisfaction équitable du requérant. |
ECLI : | CE:ECHR:2022:0531JUD000020818 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Privation de liberté |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-217625 |