Document public
Titre : | Décision 2022-096 du 20 mai 2022 relative au refus de séjour opposé à un jeune majeur ressortissant guinéen pris en charge par l’aide sociale à l’enfance à l’âge de 16 ans ayant formulé à titre principal une demande de titre de séjour « vie privée et familiale » et, à titre subsidiaire, une demande d’admission exceptionnelle |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Droits fondamentaux des étrangers, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 20/05/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2022-096 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Documents internes] Visa CEDH [Géographie] Guinée [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Aide sociale à l'enfance (ASE) [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Jeune [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Refus [Mots-clés] Préfecture [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Papiers d'identité [Mots-clés] Âge [Mots-clés] Evaluation [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics |
Mots-clés: | Obligation de quitter le territoire français |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative au refus d’admission au séjour opposé à un jeune ressortissant guinéen pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) à l’âge de 16 ans.
À sa majorité, l’intéressé a décidé de déposer une première demande d’admission au séjour à titre principal sur le fondement de la vie privée et familiale au sens de l’article L.313-11 7° devenu L.423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et, à titre subsidiaire, en sa qualité d’ancien mineur isolé sur le fondement de l’article L.313-15 devenu L.435-3 dudit code. Dans ce cadre, il a produit des documents d’état civil qui ont été examinés et jugés irrecevables par la préfecture en charge de l’examen de sa demande. Par arrêté du 19 janvier 2021, le préfet a refusé sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, considérant qu’au regard des documents produits, l’intéressé ne justifiait pas de son identité et partant, de sa qualité d’ancien mineur isolé. Le préfet a également considéré qu’il n’était pas dénué d’attaches familiales dans son pays d’origine et qu’il ne pouvait se prévaloir de liens personnels et familiaux en France d’une intensité et stabilité suffisantes. Le réclamant a contesté cette décision devant le tribunal administratif dans le cadre d’un recours en annulation. Au terme de son instruction, la Défenseure des droits constate que l’intéressé avait formulé, à titre principal, une demande de titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale qui doit en principe être délivré de plein droit – y compris lorsque l’intéressé sollicite une admission exceptionnelle au séjour – dès lors que peut être caractérisée l’existence de liens personnels et familiaux en France, conformément à l’article L.313-11 7° du CESEDA applicable au moment de la décision litigieuse, devenu L.423-23. La Défenseure des droits considère qu’en l’espèce, le réclamant justifie de tels liens au regard de son insertion dans la société française et de l’absence de liens familiaux dans son pays d’origine et que l’autorité préfectorale aurait dû prendre en compte sa vie privée et familiale telle que protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Dans sa décision de refus, l’autorité préfectorale s’est principalement fondée sur la preuve de la minorité de l’intéressé dans le cadre de son placement à l’ASE, condition de l’admission exceptionnelle au séjour prévue par l’article L.313-15 devenu L.435-3 du CESEDA et sollicitée à titre subsidiaire par l’intéressé. Dans ce cadre, elle a remis en cause l’authenticité des documents d’état civil produits par l’intéressé pour considérer qu’il ne justifiait pas de son identité et partant, de sa minorité lors de son placement à l’ASE. L’autorité préfectorale a également considéré qu’il n’était pas dénué d’attaches familiales dans son pays d’origine où demeurait notamment son père, pourtant depuis lors décédé. À ce titre, la Défenseure des droits rappelle que le contrôle de l’authenticité des actes d’état civil devait être effectué dans les conditions prescrites par l’article 47 du code civil et qu’en l’espèce, un tel examen aurait dû permettre aux autorités de constater que les documents d’état civil et de nationalité produits par le réclamant, qui comportaient tous les mêmes mentions concernant son identité (nom, prénom, date et lieu de naissance), étaient suffisants pour justifier de son identité. La Défenseure des droits considère que la minorité du réclamant évaluée par l’autorité judiciaire au moment de sa prise en charge par l’ASE n’aurait pas dû être remise en cause par l’autorité préfectorale et qu’ainsi, sa situation aurait dû être examinée au regard des conditions fixées à l’article L.313-15 devenu L.435-3 du CESEDA qu’il satisfait. En conséquence, la Défenseure des droits décide de présenter des observations devant le tribunal administratif saisi du litige. |
Suivi de la décision : |
Par un jugement du 18 juillet 2022, le tribunal administratif a annulé l’arrêté du préfet pris à l’encontre de l’intéressé, considérant qu’il avait été pris en méconnaissance des dispositions de l’article L. 313-15 du CESEDA, et l’a enjoint de lui délivrer, dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement, une carte de séjour temporaire d’une durée d’une année. Dans sa décision, le tribunal souligne que l’autorité préfectorale a considéré que la minorité de l’intéressé n’était pas justifiée en écartant la valeur probante des documents d’état civil au regard notamment de leur légalisation. Sur ce point, reprenant les termes de l’avis rendu par le Conseil d’État le 21 juin 2022, le tribunal rappelle que l’absence ou l’irrégularité de la légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations de l’acte et considère qu’en l’espèce, le préfet n’était pas fondé à remettre en cause la réalité et l’authenticité des légalisations effectuées. Le tribunal rappelle également que le contexte de fraude généralisée en République de Guinée ne saurait faire obstacle à l’examen de la force probante d’un acte d’état civil au regard de l’article 47 du code civil et que la force probante d’un jugement supplétif transcrit dans les registres de l’état civil s’impose en principe à l’autorité administrative. Le tribunal écarte les irrégularités formelles relevées par l’administration pour considérer que le motif tiré de l’absence de justification par le demandeur de son identité et de son âge et, par suite, de ce qu’il a bien été confié à l’ASE entre 16 et 18 ans et qu’il était dans l’année suivante son 18ème anniversaire, est entaché d’erreur d’appréciation. Enfin, le tribunal rappelle que la nature des liens familiaux dans le pays d’origine, et non leur existence même, doit être appréciée dans le cadre de l’appréciation globale de la situation de l’intéressé prévue par l’article L.313-15 du CESEDA, en prenant en compte le caractère réel et sérieux du suivi de la formation et l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de l’étranger dans la société française. Le jugement reprend ainsi les observations de la Défenseure des droits, bien qu’il ne se prononce pas sur l’atteinte à la vie privée et familiale de l’intéressé invoquée dans la requête. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
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