Document public
Titre : | Arrêt relatif à l’enregistrement et au stockage généralisé et indifférencié des données des internautes, aux fins de lutte contre les infractions pénales graves : G.D. (Irlande) |
Auteurs : | Grande chambre, Cour de justice de l'Union européenne, Auteur ; Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/04/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C‑140/20 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Irlande [Mots-clés] Technologies du numérique [Mots-clés] Internet [Mots-clés] Fournisseur d'accès à internet (FAI) [Mots-clés] Informatique et libertés [Mots-clés] Données personnelles [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Infraction [Mots-clés] Sécurité publique [Mots-clés] Prévention [Mots-clés] Politique publique [Mots-clés] Politique pénale [Mots-clés] Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne |
Résumé : |
En 2015, G.D. a été condamné à la réclusion à perpétuité pour meurtre. Au cours de la procédure d’appel devant la Court of Appeal (Cour d’appel, Irlande), il a contesté, sans succès, l’admissibilité de certains éléments de preuve à charge reposant sur des données de téléphonie conservées conformément à la législation nationale.
Parallèlement au recours en appel au pénal, G.D. a engagé une procédure civile devant la High Court (Haute Cour) afin de contester la validité de certaines dispositions du Communications (Retention of Data) Act 2011 [loi de 2011 sur les communications (conservation des données)] en vertu desquelles les données de téléphonie susmentionnées avaient été conservées et avaient pu être consultées. Par décision du 6 décembre 2018, la High Court (Haute Cour) a fait droit à la demande de G.D. tendant à ce que soit constatée l’incompatibilité de l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la loi de 2011 avec l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58, lu à la lumière des articles 7 et 8 ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Le gouvernement irlandais a contesté cette décision devant la Supreme Court (Cour suprême), qui a saisi la Cour de justice de l’Union européenne. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO 2002, L 201, p. 37), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009 (JO 2009, L 337, p. 11), lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon la Cour : « 1) L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques), telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des mesures législatives prévoyant, à titre préventif, aux fins de la lutte contre la criminalité grave et de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique, une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation. En revanche, ledit article 15, paragraphe 1, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, ne s’oppose pas à des mesures législatives prévoyant, aux fins de la lutte contre la criminalité grave et de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique, – une conservation ciblée des données relatives au trafic et des données de localisation qui soit délimitée, sur la base d’éléments objectifs et non discriminatoires, en fonction de catégories de personnes concernées ou au moyen d’un critère géographique, pour une période temporellement limitée au strict nécessaire, mais renouvelable ; – une conservation généralisée et indifférenciée des adresses IP attribuées à la source d’une connexion, pour une période temporellement limitée au strict nécessaire ; – une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives à l’identité civile des utilisateurs de moyens de communications électroniques, et – le recours à une injonction faite aux fournisseurs de services de communications électroniques, au moyen d’une décision de l’autorité compétente soumise à un contrôle juridictionnel effectif, de procéder, pour une durée déterminée, à la conservation rapide des données relatives au trafic et des données de localisation dont disposent ces fournisseurs de services, dès lors que ces mesures assurent, par des règles claires et précises, que la conservation des données en cause est subordonnée au respect des conditions matérielles et procédurales y afférentes et que les personnes concernées disposent de garanties effectives contre les risques d’abus. 2) L’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58, telle que modifiée par la directive 2009/136, lu à la lumière des articles 7, 8, 11 et de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale en vertu de laquelle le traitement centralisé des demandes d’accès à des données conservées par les fournisseurs de services de communications électroniques, émanant de la police dans le cadre de la recherche et de la poursuite d’infractions pénales graves, incombe à un fonctionnaire de police, assisté par une unité instituée au sein de la police jouissant d’un certain degré d’autonomie dans l’exercice de sa mission et dont les décisions peuvent faire ultérieurement l’objet d’un contrôle juridictionnel. 3) Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction nationale limite dans le temps les effets d’une déclaration d’invalidité qui lui incombe, en vertu du droit national, à l’égard d’une législation nationale imposant aux fournisseurs de services de communications électroniques une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation, en raison de l’incompatibilité de cette législation avec l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58, telle que modifiée par la directive 2009/136, lu à la lumière de la charte des droits fondamentaux. L’admissibilité des éléments de preuve obtenus au moyen d’une telle conservation relève, conformément au principe d’autonomie procédurale des États membres, du droit national, sous réserve du respect, notamment, des principes d’équivalence et d’effectivité. » |
ECLI : | EU:C:2022:258 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Technologies du numérique |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=E6E9BDD99A56D0CDA24D0B3D6A9B8049 |