Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que la notion d’emprisonnement n’est pas applicable au placement sous contrainte d’un demandeur d’asile dans un service psychiatrique hospitalier : IA (Autriche) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 31/03/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C‑231/21 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Autriche [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Mesure d'éloignement [Mots-clés] Règlement Dublin [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Santé mentale [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Maladie [Mots-clés] Psychiatrie [Mots-clés] Établissement de santé [Mots-clés] Hospitalisation d'office [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Décision de justice [Mots-clés] Sécurité publique |
Mots-clés: | délai ; Ordre public |
Résumé : |
Au mois d’octobre 2016, IA, ressortissant marocain, est entré en Italie en provenance de la Libye. La police italienne a alors procédé à l’enregistrement de ses données personnelles et biométriques.
IA s’est ensuite rendu en Autriche où il a introduit une demande d’asile le 20 février 2017. Le 1er mars 2017, les autorités autrichiennes ont demandé aux autorités italiennes de prendre IA en charge. Cette demande est restée sans réponse. Le 30 mai 2017, les autorités autrichiennes ont informé les autorités italiennes que ladite demande de prise en charge était réputée acceptée et que le délai maximal de six mois pour effectuer le transfert avait commencé à courir le 2 mai 2017. Par une décision du 12 août 2017, l’Office a, d’une part, rejeté la demande d’asile de IA comme étant irrecevable et, d’autre part, ordonné son éloignement vers l’Italie. Le 25 septembre 2017, IA a introduit un recours contre cette décision devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche). Il s’est ultérieurement désisté de ce recours. Entre le 20 septembre 2017 et le 6 octobre 2017, IA a, à sa demande, reçu des soins psychiatriques dans un hôpital de Vienne (Autriche). Le transfert de IA vers l’Italie, qui était prévu pour le 23 octobre 2017, n’a pas pu avoir lieu car, entre le 6 octobre 2017 et le 4 novembre 2017, celui-ci était placé, sans l’avoir demandé, dans le service psychiatrique d’un hôpital de Vienne. Ce placement a été déclaré licite par un tribunal de district viennois, d’abord à titre provisoire, par une première ordonnance du 6 octobre 2017, puis, jusqu’au 17 novembre 2017, par une seconde ordonnance du 17 octobre 2017. Ladite juridiction a autorisé le placement de IA au motif que ce dernier constituait, en raison de sa maladie mentale, une menace grave et substantielle pour lui-même et pour autrui. Le 25 octobre 2017, les autorités autrichiennes ont informé les autorités italiennes que, conformément à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III, le délai de transfert de IA avait été porté à douze mois en raison de son placement dans un service psychiatrique hospitalier. Le placement de IA a pris fin prématurément le 4 novembre 2017. À cette date, il a été placé, à sa demande, dans un service psychiatrique hospitalier dont il est sorti le 6 novembre 2017. Le 6 décembre 2017, IA a été transféré par avion vers l’Italie sous escorte policière et en compagnie d’un médecin. Le 22 décembre 2017, IA a introduit une demande d’asile en Italie à laquelle il a été fait droit le 24 avril 2018. Par la suite, IA a introduit un recours devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) contre son transfert de l’Autriche vers l’Italie, au motif que celui-ci avait eu lieu après l’expiration, le 2 novembre 2017, du délai de six mois prévu à l’article 29, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement Dublin III et était donc illégal car tardif. Par un arrêt du 14 février 2020, cette juridiction a rejeté ce recours comme étant non fondé. Elle a considéré que, le 25 octobre 2017, les autorités autrichiennes ont informé les autorités italiennes de la prolongation du délai de transfert de six mois, conformément à l’article 29, paragraphe 2, du règlement Dublin III, en raison de la détention de l’intéressé. Ce délai de transfert, qui devait expirer le 2 novembre 2017, a ainsi été prolongé de six mois, jusqu’au 2 mai 2018. Dès lors, le transfert de IA, intervenu le 6 décembre 2017, n’était pas tardif. Le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) a considéré que le placement de IA dans un établissement psychiatrique, contre son gré, par une ordonnance juridictionnelle repose, conformément aux conditions prévues à l’article 3 de l’UbG, sur le constat que, en raison de sa maladie mentale, cette personne mettait gravement et substantiellement en danger sa vie ainsi que celle d’autrui. Or, selon cette juridiction, une détention pour cause de maladie mentale constitue une mesure privative de liberté, ainsi qu’il ressort des articles 6, 52 et 53 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que de l’article 5, paragraphe 1, sous e), de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. En revanche, aux fins du prolongement du délai de transfert en raison d’un « emprisonnement », au sens de l’article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement Dublin III, il ne serait pas nécessaire que la détention s’effectue dans une prison ni qu’elle soit fondée sur une décision judiciaire de culpabilité. L’élément déterminant serait que l’État de transfert soit empêché de procéder au transfert de la personne intéressée vers l’État membre compétent, lorsque cette personne est soustraite au contrôle des autorités administratives par une décision judiciaire. Saisi par IA d’un recours en Revision contre cet arrêt du Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral), la juridiction de renvoi considère que la question essentielle se posant pour déterminer si, en l’occurrence, le transfert de IA vers l’Italie était légal est celle de savoir si la notion d’« emprisonnement », au sens de l’article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement Dublin III, notion qui, du reste, n’est pas définie dans ce règlement, doit être comprise comme incluant une détention telle que celle en cause au principal, à savoir le placement dans le service psychiatrique d’un hôpital pour cause de maladie mentale, contre ou sans la volonté de l’intéressé, qui a été déclaré licite par un tribunal. La juridiction de renvoi considère que cette question pourrait appeler une réponse affirmative, pour les motifs retenus par le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral). Elle estime cependant qu’une réponse en sens contraire est également envisageable en raison, d’une part, du fait que le « placement sans demande [de l’intéressé] », au sens des articles 8 et suivants de l’UbG, est avant tout une mesure médicale qui est simplement déclarée licite par le tribunal, mesure qui ne semble pas nécessairement être couverte par le terme « Inhaftierung » dans la version en langue allemande, « imprisonment » dans la version en langue anglaise ou encore « emprisonnement » dans la version en langue française. D’autre part, la juridiction de renvoi estime que les maladies graves qui empêchent provisoirement un transfert vers l’État membre responsable ne peuvent fonder une prolongation du délai de transfert conformément à l’article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement Dublin III, ainsi que le confirmerait la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 février 2017, C. K. e.a., C 578/16 PPU, EU:C:2017:127, point 89). Dans l’hypothèse où la Cour serait amenée à considérer qu’un placement dans un service psychiatrique hospitalier relève de la notion d’« emprisonnement », au sens de l’article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement Dublin III, la juridiction de renvoi estime nécessaire de savoir quelle serait, en l’occurrence, la durée précise de la prolongation du délai de transfert. À cet égard, il pourrait être considéré que le délai de transfert peut être prolongé à concurrence de la durée soit de la période pendant laquelle IA était effectivement placé, contre son gré, dans un service psychiatrique hospitalier, soit de la période présumée de l’« emprisonnement » notifiée à l’État membre requis conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement d’exécution, assortie, le cas échéant, d’un délai raisonnable pour organiser le transfert. Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes : « 1) Convient-il de considérer également comme un emprisonnement au sens de l’article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement [Dublin III], le placement de l’intéressé dans le service psychiatrique d’un hôpital contre ou sans sa volonté (en l’occurrence en raison d’un danger pour lui-même et pour autrui résultant de sa maladie mentale), qui a été déclaré licite par un tribunal ? 2) Dans le cas où la première question appelle une réponse affirmative : a) en cas d’emprisonnement par l’État membre requérant, le délai prévu à l’article 29, paragraphe 2, première phrase, du règlement [Dublin III] peut-il en tout état de cause être porté à un an avec effet contraignant pour l’intéressé ? b) si tel n’est pas le cas, pour quelle durée la prolongation peut-elle être autorisée, par exemple uniquement pour – la durée de la période d’emprisonnement effective, ou bien – la durée globale prévisionnelle de l’emprisonnement, sur la base de la date de la notification de l’État membre responsable conformément à l’article 9, paragraphe 2, du règlement [d’exécution], le cas échéant, prolongé d’un délai raisonnable pour la réorganisation du transfert ? » Selon la Cour de justice de l’Union européenne : « L’article 29, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doit être interprété en ce sens que la notion d’« emprisonnement », visée par cette disposition, n’est pas applicable au placement sous contrainte d’un demandeur d’asile dans un service psychiatrique hospitalier, autorisé par une décision judiciaire au motif que cette personne, en raison d’une maladie mentale, pose un danger caractérisé pour elle-même ou pour la société. » |
ECLI : | EU:C:2022:237 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=256942 |