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Titre : | Arrêt relatif à l'obligation d’examiner l’existence d’une relation de dépendance entre ce citoyen et ledit membre de sa famille pouvant contraindre ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union en cas de refus du droit de séjour : XU et QP (Espagne) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/05/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C‑451/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Union européenne (UE) [Géographie] Espagne [Géographie] Venezuela [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Droit européen [Mots-clés] Ressortissant pays tiers [Mots-clés] Ressortissant UE [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Refus [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Regroupement familial [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles |
Mots-clés: | Présomption |
Résumé : |
XU est un enfant né au Venezuela d’une mère vénézuélienne qui en a la garde exclusive. Il réside en Espagne avec sa mère, le ressortissant espagnol qu’elle a épousé et l’enfant qu’elle a eu avec ce dernier, de nationalité espagnole. QP, de nationalité péruvienne, a épousé une ressortissante espagnole, avec laquelle il a eu un enfant, de nationalité espagnole. XU et QP sont, chacun, membres de la famille d’un citoyen de l’Union possédant la nationalité de l’État dans lequel ils résident et n’ayant jamais exercé son droit de libre circulation dans un autre État membre.
XU et QP se sont vu refuser leurs demandes d’obtention d’une carte de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union (1) au motif que ce dernier ne disposait pas, pour lui-même et pour les membres de sa famille, de ressources financières suffisantes (2). Seule la situation économique du beau-père, dans le cas de XU, et de l’épouse, dans le cas de QP, a été prise en compte par l’administration compétente, à savoir la Subdelegación del Gobierno en Toledo (sous-délégation du gouvernement à Tolède, Espagne). Les recours formés contre ces décisions de rejet ayant été accueillis, l’administration a interjeté appel des jugements rendus à cet égard devant la juridiction de renvoi. Cette juridiction s’interroge sur la compatibilité, avec le droit de l’Union (3), d’une pratique consistant à refuser automatiquement le regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un ressortissant espagnol qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif de la situation économique de ce dernier. Une telle pratique pourrait aboutir à ce que ce ressortissant espagnol doive quitter le territoire de l’Union. Selon ladite juridiction, tel pourrait être le cas dans les deux affaires, compte tenu de l’obligation de vie commune imposée par la réglementation espagnole applicable au mariage (4). Dans son arrêt, la Cour juge, en substance, que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre rejette une demande de regroupement familial, introduite au profit d’un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui possède la nationalité de cet État membre et qui n’a jamais exercé sa liberté de circulation, au seul motif que ce citoyen de l’Union ne dispose pas, pour lui et ce membre de sa famille, de ressources suffisantes, sans qu’il ait été examiné s’il existe, entre ce citoyen de l’Union et le membre de sa famille, une relation de dépendance telle que, en cas de refus d’octroi d’un droit de séjour dérivé à ce dernier, le même citoyen de l’Union serait contraint de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble et serait ainsi privé de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Elle donne ensuite plusieurs précisions pour apprécier s’il existe, dans chaque cas de figure, une relation de dépendance de nature à justifier l’octroi au ressortissant d’un pays tiers d’un droit de séjour dérivé au titre du droit de l’Union. Appréciation de la Cour S’agissant du regroupement familial et de l’exigence de disposer de ressources suffisantes, à titre liminaire, la Cour rappelle que le droit de l’Union ne s’applique pas, en principe, à une demande de regroupement familial d’un ressortissant d’un pays tiers avec un membre de sa famille, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et qu’il ne s’oppose dès lors pas, en principe, à une réglementation d’un État membre subordonnant un tel regroupement familial à une condition de ressources suffisantes. Cependant, l’imposition systématique, sans aucune exception, d’une telle condition peut méconnaître le droit de séjour dérivé qui doit être reconnu, dans des situations très particulières, en vertu de l’article 20 TFUE, au ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, notamment, si le refus d’un tel droit contraignait ledit citoyen à quitter le territoire de l’Union, le privant ainsi de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut de citoyen de l’Union. Tel est le cas s’il existe, entre ce ressortissant d’un pays tiers et le citoyen de l’Union, membre de sa famille, une relation de dépendance telle qu’elle aboutirait à ce que ce dernier soit contraint d’accompagner le ressortissant d’un pays tiers en cause et de quitter le territoire de l’Union, pris dans son ensemble. En ce qui concerne l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C 532/19, la Cour précise, dans un premier temps, qu’une relation de dépendance, de nature à justifier l’octroi d’un droit de séjour dérivé, au titre de l’article 20 TFUE, n’existe pas au seul motif que le ressortissant d’un État membre, majeur et n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, et son conjoint, majeur et ressortissant d’un pays tiers, sont tenus de vivre ensemble, en application des règles de l’État membre dont le citoyen de l’Union est ressortissant et dans lequel le mariage a été contracté. La Cour examine, dans un second temps, si une telle relation de dépendance peut exister lorsque ce ressortissant et son conjoint, ressortissant d’un État membre n’ayant jamais exercé sa liberté de circulation, sont les parents d’un mineur, ressortissant du même État membre et n’ayant pas exercé sa liberté de circulation. En effet, pour apprécier le risque que l’enfant concerné, citoyen de l’Union, soit contraint de quitter le territoire de l’Union si son parent, ressortissant d’un pays tiers, se voyait refuser l’octroi d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre concerné, il faut déterminer si ce parent assume la garde effective de l’enfant et s’il existe une relation de dépendance effective entre eux, en tenant compte du droit au respect de la vie familiale (5) et de l’obligation de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant (6). La circonstance que l’autre parent, citoyen de l’Union, est réellement capable d’assumer seul la charge quotidienne et effective de l’enfant, et prêt à le faire, ne suffit pas pour pouvoir constater qu’il n’existe pas, entre le parent ressortissant d’un pays tiers et l’enfant, une relation de dépendance telle que ce dernier devrait quitter le territoire de l’Union si un droit de séjour était refusé à ce ressortissant d’un pays tiers. En effet, une telle constatation doit être fondée sur la prise en compte, dans l’intérêt supérieur de l’enfant concerné, de l’ensemble des circonstances de l’espèce (7). Ainsi, le fait que le parent, ressortissant d’un pays tiers, cohabite avec l’enfant mineur, citoyen de l’Union, est pertinent pour déterminer l’existence d’une relation de dépendance entre eux, mais ne constitue pas une condition nécessaire. En outre, lorsque le citoyen de l’Union mineur cohabite de façon stable avec ses deux parents et que la garde de cet enfant ainsi que la charge légale, affective et financière de celui-ci sont, dès lors, partagées quotidiennement par ces deux parents, il peut être présumé, de manière réfragable, qu’il existe une relation de dépendance entre ce citoyen de l’Union mineur et son parent, ressortissant d’un pays tiers, indépendamment du fait que l’autre parent de cet enfant dispose, en tant que ressortissant de l’État membre sur le territoire duquel est établie cette famille, d’un droit inconditionnel à demeurer sur le territoire de cet État membre. Concernant l’existence d’une relation de dépendance dans le cadre de l’affaire C 451/19, en premier lieu, la Cour souligne que, le droit de séjour dérivé susceptible d’être accordé à un ressortissant d’un pays tiers en vertu de l’article 20 TFUE ayant une portée subsidiaire, la juridiction de renvoi doit, notamment, examiner si XU, qui était mineur à la date du rejet de la demande de titre de séjour et dont la mère, ressortissante d’un pays tiers, disposait d’un tel titre sur le territoire espagnol, ne pouvait pas, à cette date, bénéficier, d’un droit de séjour sur ce même territoire en vertu de la directive 2003/86 (8). En second lieu, dans l’hypothèse où XU ne disposerait d’aucun titre de séjour en vertu du droit dérivé de l’Union ou du droit national, la Cour examine si l’article 20 TFUE peut permettre l’octroi d’un droit de séjour dérivé au profit de ce ressortissant d’un pays tiers. À cet égard, il faut déterminer si, à la date à laquelle la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier aurait pu imposer, dans les faits, à sa mère de quitter le territoire de l’Union, en raison du lien de dépendance qui aurait existé entre eux et, dans l’affirmative, si le départ de la mère de XU aurait également obligé, dans les faits, son enfant mineur, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, en raison de la relation de dépendance existant entre ce citoyen de l’Union et sa mère. L’appréciation, aux fins de l’application de l’article 20 TFUE, de l’existence d’une relation de dépendance entre un parent et son enfant, tous deux ressortissants de pays tiers, repose, mutatis mutandis, sur les mêmes critères que ceux énoncés précédemment. Lorsque c’est un mineur, ressortissant d’un pays tiers, qui fait l’objet d’un refus de titre de séjour et risque d’être contraint de quitter le territoire de l’Union, le fait que son autre parent puisse effectivement le prendre en charge, d’un point de vue légal, financier et affectif, y compris dans son pays d’origine, est pertinent, mais ne suffit pas pour conclure que le parent, ressortissant de pays tiers et résidant sur le territoire dudit État membre ne serait pas contraint, dans les faits, de quitter le territoire de l’Union. Si, à la date où la demande d’octroi d’un titre de séjour à XU a été rejetée, le départ forcé de ce dernier du territoire espagnol aurait, en pratique, contraint non seulement sa mère, ressortissante d’un pays tiers, mais également l’autre enfant de celle-ci, citoyen de l’Union, à quitter le territoire de l’Union, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, un droit de séjour dérivé aurait dû être reconnu à son demi-frère, XU, au titre de l’article 20 TFUE, afin d’empêcher que ce citoyen de l’Union ne soit privé, par son départ, de la jouissance de l’essentiel des droits qu’il tient de son statut. Notes 1 En l’occurrence, pour XU, son beau-père et, pour QP, son épouse. 2 Afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’Espagne, comme le prévoit la législation espagnole. 3 L’article 20 TFUE, relatif à la citoyenneté de l’Union. 4 Dans l’affaire C 532/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à QP obligerait son épouse à quitter le territoire de l’Union. Dans l’affaire C 451/19, le refus d’octroyer un droit de séjour à XU conduirait à la sortie de XU et de sa mère du territoire de l’Union, et contraindrait non seulement l’époux de celle-ci, mais aussi l’enfant mineur, ressortissant espagnol issu de leur union, à quitter ce territoire. 5 Énoncé à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). 6 Reconnu à l’article 24, paragraphe 2, de la Charte et lequel comprend le droit pour cet enfant d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, consacré à l’article 24, paragraphe 3, de la Charte. 7 Notamment, l’âge de l’enfant, son développement physique et émotionnel, le degré de sa relation affective tant avec le parent citoyen de l’Union qu’avec le parent ressortissant d’un pays tiers, ainsi que le risque que la séparation d’avec ce dernier engendrerait pour l’équilibre de cet enfant. 8 Directive 2003/86/CE du Conseil, du 22 septembre 2003, relative au droit au regroupement familial (JO 2003, L 251, p. 12), article 4, paragraphe 1, sous c). Même si cette directive prévoit qu’elle ne s’applique pas aux membres de la famille d’un citoyen de l’Union, compte tenu de son objectif, qui est de favoriser le regroupement familial, et de la protection qu’elle vise à accorder aux ressortissants de pays tiers, notamment aux mineurs, son application au profit d’un mineur ressortissant d’un pays tiers ne peut pas être exclue du seul fait que son parent, ressortissant d’un pays tiers, est également le parent d’un citoyen de l’Union, né d’une union avec un ressortissant d’un État membre |
Note de contenu : | Affaires jointes C 451/19 et C 532/19. |
ECLI : | ECLI:EU:C:2022:354 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=258865 |