Document public
Titre : | Arrêt relatif au rejet d'une requête portant sur les conditions de vie précaires et à l’absence de prise en charge d’une jeune camerounaise se disant mineure isolée mais considérée comme majeure : S.M.K. c. France |
Titre précédent : | |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 03/02/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 14356/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Cameroun [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Hébergement d'urgence [Mots-clés] Droit d'hébergement [Mots-clés] Condition de prise en charge [Mots-clés] Conditions d'accueil [Mots-clés] Conditions matérielles indignes [Mots-clés] Jeune [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Papiers d'identité [Mots-clés] Aide sociale à l'enfance (ASE) [Mots-clés] Département [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Droit à un recours effectif |
Résumé : |
La requérante, ressortissante camerounaise, qui affirme être née en 2002, a quitté son pays pour échapper à un mariage forcé. Dès son arrivée en France au mois d’août 2018, elle s’est présentée comme étant mineure isolée au service départemental de l’aide sociale à l’enfance afin de solliciter une mesure de protection.
Elle a été hébergée dans un hôtel pendant environ un mois jusqu’à ce qu’elle soit considérée comme majeure sur la base d’un entretien avec un éducateur. Le 26 septembre 2018, le procureur de la République a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner le placement provisoire de la requérante. Mise à la rue, elle n’a eu d’autre choix que de dormir dans un squat pendant plusieurs mois. Ses demandes d’hébergement d’urgence ont été rejetées au motif qu’elle affirmait être mineure. Aidée par une association, elle a obtenu d’un membre de sa famille résidant au Cameroun plusieurs documents démontrant selon elle sa minorité. A la suite d’un refus du département de réexaminer sa situation à la lumière de ces nouveaux documents, la requérante a saisi le juge des enfants, le 25 octobre 2018, d’une demande de protection fondée sur les articles 375 et suivants du code civil. Elle a sollicité des mesures provisoires en sa faveur jusqu’à ce que le tribunal statue, sur le fondement de l’article 375-5 du code civil. Cette demande de mesure provisoire est restée sans réponse jusqu’au 27 mars 2019. Parallèlement, le 21 janvier 2019, elle a saisi le juge des référés du tribunal administratif d’une demande tendant à ce que soit assuré son hébergement. Trois jours plus tard, le juge a fait droit à sa demande en enjoignant au département de proposer à la requérante un hébergement d'urgence dans un délai de 48 heures dans l'attente de la décision du juge des enfants. Le juge des référés a constaté notamment que rien n’indiquait que les pièces fournies par la requérante pour prouver sa minorité seraient falsifiées, irrégulières ou que les faits qui y étaient déclarés ne correspondraient pas à la réalité. En application de cette ordonnance, la requérante a été logée dans un hôtel entre la fin du mois de janvier et le 26 mars 2019. Le 13 mars 2019, le Conseil d’État a annulé cette ordonnance en estimant qu’aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale n’était établie s’agissant d’une demande de mise à l’abri dans l’attente de la décision du juge des enfants. Le 15 mars 2019, la requérante a saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d’une demande de mesure provisoire, sur le fondement de l’article 39 de son règlement, tendant à ce que soit assuré son hébergement. La Cour a accepté cette demande et a enjoint au Gouvernement français d’assurer l’hébergement de la requérante jusqu’au 29 mars 2019. Entre temps, le Défenseur des droits a été saisi dans cette affaire. Le 26 mars, la requérante a été invitée à quitter l’hôtel dans lequel elle résidait depuis deux mois. Toutefois, le soir même, elle a été prise en charge par la préfecture au titre de l’hébergement d’urgence. Le lendemain, le juge des enfants a ordonné avant dire droit l’examen technique approfondi des pièces fournies par la requérante et démontrant selon elle sa minorité. Le juge l’a confié à titre provisoire au département, jusqu’au 30 mai. Depuis le 27 mars, la requérante est prise en charge par le département. Le 28 mars 2019, la CEDH a décidé de ne pas prolonger l’application de la mesure provisoire. Introduite devant la CEDH le 15 mars 2019, la requête de l'intéressée a été communiquée par la Cour le 28 mars et publiée au mois de juin. Invoquant les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la requérante se plaint d’avoir été contrainte de vivre dans des conditions d’extrême précarité entre fin septembre 2018 et fin janvier 2019. Invoquant l’article 6 § 1 et l’article 13 combiné à l’article 3 de la Convention, la requérante se plaint de ne pas avoir disposé d’un recours interne effectif au travers duquel elle aurait pu formuler son grief de méconnaissance de l’article 3 de la Convention. Enfin, invoquant l’article 34 de la Convention, la requérante se plaint du fait que son hébergement ait été interrompu le 26 mars 2019, ce qui l’a plongée dans un état d’anxiété et d’incertitude jusqu’à ce que son hébergement soit de nouveau assuré plus tard le même jour. Questions aux parties : 1. Les conditions de vie de la requérante, entre septembre 2018 et janvier 2019, ont-elles violé l’article 3 et/ou l’article 8 de la Convention ? 2. La requérante avait-elle à sa disposition, comme l’exigent les articles 6 et 13 de la Convention, un recours interne effectif au travers duquel elle aurait pu formuler son grief de méconnaissance de l’article 3 de la Convention ? 3. La mesure provisoire indiquée par la Cour en vertu de l’article 39 de son règlement a-t-elle été respectée, ou y a-t-il eu violation des obligations incombant en l’espèce à l’État au regard de l’article 34 de la Convention ? La Cour déclare la requête irrecevable : « La Cour en déduit que les autorités internes ne sont pas restées passives face à la situation de la requérante qui n’établit pas ne pas avoir été en mesure de faire face à ses besoins élémentaires (B.G. et autres c. France, précitée, § 82). Alors même que la requérante a vécu pendant plusieurs semaines dans un lieu inadapté pour un usage d’habitation, la Cour considère, au regard de l’ensemble des éléments ci‑dessus, que la situation de la requérante, dont il apparaît désormais établi qu’elle était majeure à l’époque des faits litigieux, n’atteint pas, s’agissant de la période allant du 25 septembre 2018 à la fin du mois de janvier 2019, le seuil de gravité exigé pour caractériser l’existence d’un traitement contraire à l’article 3 de la Convention. Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention. » |
ECLI : | CE:ECHR:2022:0203DEC001435619 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-216283 |
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