Document public
Titre : | Constatations relatives au rapatriement d’enfants dont les parents sont liés à des activités terroristes |
Auteurs : | Comité des droits de l'enfant (CRC), ONU, Auteur ; Organisation des Nations unies (ONU), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 23/02/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | CRC/C/89/D/77/2019 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Syrie [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) [Mots-clés] Convention européenne des droits de l'homme [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Droit à la survie et au développement [Mots-clés] Droit à la protection contre toute forme d'exploitation et de danger [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] État [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Questions internationales |
Mots-clés: | Personne vulnérable ; Vulnérabilité |
Résumé : |
Le 23 juillet 2021, la Défenseure des droits a soumis une tierce-intervention portant sur le fond de trois communications. Après avoir instruit des réclamations similaires, la Défenseure des droits a rendu, le 22 mai 2019, une décision aux termes de laquelle elle a constaté plusieurs violations de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention relative aux droits de l’enfant, et a adressé des recommandations au Gouvernement français. Selon la Défenseure des droits, la situation subie par les enfants retenus dans ces camps depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, et pour les plus jeunes depuis leur naissance, dans une zone de conflit armé, est incontestablement constitutive de traitements inhumains et dégradants, mettant leur vie en danger, au sens des articles 6 et 37 de la Convention et contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant tel que protégé par l’article 3. Cette situation porte également atteinte à d’autres droits fondamentaux, notamment ceux d’être pourvu d’un état civil et d’une nationalité pour les enfants nés dans les camps, de préserver son identité et les relations avec sa famille (articles 7 et 8 de la Convention), d’être protégé par les autorités de l’État partie, de bénéficier de soins (articles 19, 20 et 24) et d’une éducation (article 28).
En présence d’un telle situation avérée de violation des dispositions de la Convention et conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant garanti à l’article 3, l’État partie a un certain nombre d’obligations, notamment positives, envers ces enfants, ressortissants français, telles que l’adoption de mesures adéquates et effectives visant à mettre fin, dans les plus brefs délais, aux traitements résultant des conditions de détention dans les camps et à leur accorder une protection. La Défenseure des droits considère que seule l’organisation du retour des enfants avec leur mère sur le sol français et leur prise en charge par les services compétents, est à même d’assurer leur protection et de mettre un terme à la violation actuelle de leurs droits fondamentaux. Cette mesure demandée vainement par ces familles depuis des mois, est tout à fait réalisable au vu des rapatriements d’enfants précédemment opérés par la France. Le comité conclut en indiquant notamment : Le Comité rappelle l’obligation des États parties d’adopter des mesures positives pour donner pleinement effet à l’exercice des droits de chaque enfant relevant de leur juridiction en vertu de l’article 4 de la Convention19. Le Comité considère que ces obligations sont renforcées lorsqu’il s’agit de protéger les enfants contre des mauvais traitements et des risques d’atteinte à leur droit à la vie. Dans l’espèce, le Comité constate que la situation de risque imminent à la vie des enfants retenus dans les camps en Syrie a été signalée dans plusieurs rapports, y compris le rapport de la Commission d’enquête sur la Syrie. Cette situation était bien connue par l’État partie, qui a procédé par sa propre initiative au rapatriement de plusieurs de ces enfants. Le Comité note que l’État partie ne nie pas les conditions de vie dans les camps telles qu’elles sont décrites par les auteurs et le tiers intervenant. À la lumière de tout ce qui précède, le Comité estime qu’il existe des informations suffisantes permettant d’établir que les conditions de détention représentent une menace imminente et prévisible pour la vie des enfants victimes et que le manquement de l’État partie à les protéger constitue une violation de l’article 6 de la Convention. En ce qui concerne les allégations des auteurs sous l’article 37 (a) de la Convention, le Comité estime qu’il y a suffisamment de preuves pour établir que la détention prolongée des enfants victimes dans les conditions décrites dans les camps, y compris en particulier l’absence de soins de santé, de nourriture, d’eau et d’installations sanitaires ainsi que d’éducation, a un impact sur leur développement et constitue des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en violation de l’article 37 (a) de la Convention. En outre, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la Convention ne lui impose pas une obligation positive de rapatrier ses ressortissants. Cependant, compte tenu de la connaissance qu’a l’État partie de la détention prolongée de ces enfants français dans une situation de danger de mort et de sa capacité d’intervention, le Comité considère que l’État partie a l’obligation positive de protéger ces enfants contre un risque imminent de violation de leur droit à la vie, ainsi que contre une violation effective de leur droit de ne pas être soumis aux traitements cruels, inhumains ou dégradants. Enfin, pour ce qui est des griefs des auteurs sous l’article 3 de la Convention, le Comité rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui les concernent. Le Comité rappelle également le paragraphe 18 de son Observation générale no 14, où il a mentionné que « l’inaction ou le défaut d’action et les omissions constituent aussi des « décisions » ». Dans les circonstances des cas d’espèce, le Comité conclut que l’État partie n’a pas démontré avoir dûment tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants victimes lorsqu’il a évalué les demandes de rapatriement des auteurs, ce qui constitue une violation de l’article 3 de la Convention. Au vu de tout ce qui précède, et dans les circonstances particulières des cas d’espèce, le Comité conclut que le fait que l’État partie n’ait pas protégé les enfants victimes constitue une violation des leurs droits en vertu des articles 3 et 37 (a) de la Convention et que le manquement de l’État partie à protéger les enfants victimes contre une menace imminent et prévisible à leurs vies constituerait une violation du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention. Par conséquent, l’État partie est tenu d’offrir aux auteurs et aux enfants victimes une réparation effective pour les violations subies. Il est également tenu d’empêcher que de telles violations se reproduisent. À cet égard, le Comité lui recommande : a) De manière urgente, donner une réponse officielle à chaque demande de rapatriement des auteurs au nom des enfants victimes ; b) De garantir que toute procédure visant à examiner ces demandes de rapatriement et la mise en œuvre de toute décision soit conforme à la Convention, y compris la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant comme une considération primordiale et de l’importance de prévenir de nouvelles violations des droits de l’enfant ; c) De prendre les mesures positives et urgentes, agissant de bonne foi, pour effectuer le rapatriement des enfants victimes ; d) De soutenir la réintégration et la réinstallation de chaque enfant rapatrié ou réinstallé ; et e) Dans l’intervalle, de prendre des mesures supplémentaires pour atténuer les risques pour la vie, la survie et le développement des enfants victimes pendant qu’ils restent dans le nord-est de la Syrie. Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dès que possible et dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures qu’il aura prises pour donner effet aux présentes constatations. |
Note de contenu : | Nos : CRC/C/89/D/77/2019, CRC/C/89/D/79/2019 et CRC/C/89/D/109/2019. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=CRC%2fC%2f89%2fD%2f77-79-109-2019&Lang=en |
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