Document public
Titre : | Arrêt relatif au dysfonctionnement systémique dans la procédure de nomination des juges en Pologne : Advance Pharma sp. z o.o c. Pologne |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 03/02/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 1469/20 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Pologne [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Magistrat [Mots-clés] Tribunal |
Mots-clés: | Indépendance |
Résumé : |
Dans son arrêt de chambre rendu ce jour dans l’affaire Advance Pharma sp. z o.o c. Pologne, la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme. La société requérante soutenait que la chambre civile de la Cour suprême, qui avait statué dans une affaire la concernant, n’était pas « un tribunal établi par la loi » et manquait d’impartialité et d’indépendance. Elle se plaignait, en particulier, du fait que cette chambre était composée de juges nommés par le président polonais sur recommandation du Conseil national de la magistrature (« le CNM »), l’organe constitutionnel polonais garant de l’indépendance des tribunaux et des juges qui est sujet à controverse depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle législation en vertu de laquelle, notamment, ses membres juges ne sont plus élus par des juges mais par la Diète (Sejm, la chambre basse du Parlement). Cette affaire est l’une des 94 requêtes actuellement pendantes contre la Pologne, la plupart introduites entre 2018 et 2022, concernant divers aspects de la réorganisation du système judiciaire polonais initiée en 2017. Pour l’heure, la Cour a rendu quatre arrêts, dont trois sont définitifs. Comme dans les affaires précédemment examinées, la Cour souligne qu’elle n’a pas pour tâche d’apprécier la légitimité de la réorganisation du pouvoir judiciaire polonais dans son ensemble, mais de déterminer si les modifications apportées ont porté atteinte aux droits découlant pour la société requérante de l’article 6 § 1 de la Convention et, dans l’affirmative, de quelle manière. La Cour estime que la procédure de nomination des juges de la chambre civile de la Cour suprême a été indument influencée par les pouvoirs législatif et exécutif. Elle y voit une irrégularité fondamentale qui a entaché la procédure dans son ensemble et compromis la légitimité de la chambre civile de la Cour suprême qui a examiné l’affaire de la société requérante. La chambre civile n’est donc pas « un tribunal indépendant et impartial établi par la loi » au sens de la Convention européenne. L’arrêt se rapproche de ceux rendus le 22 juillet 2021 dans l’affaire Reczkowicz c. Pologne (no 43447/19) et le 8 novembre 2021 dans l’affaire Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne (nos 49868/19 et 57511/19) concernant les autres chambres de la Cour suprême. Dans cette dernière affaire, la Cour a également constaté une violation manifeste du droit interne en ce que le président de la République polonaise avait procédé à la nomination de juges malgré une ordonnance définitive suspendant l’application des résolutions par lesquelles le CNM recommandait la nomination de certains magistrats à la Cour suprême. Pour la Cour, la violation des droits de la société requérante trouve son origine dans les modifications apportées à la législation polonaise, qui ont privé la magistrature polonaise du droit d’élire les membres juges du CNM et permis aux pouvoirs exécutif et législatif d’interférer, directement ou indirectement, dans la procédure de nomination des juges, compromettant ainsi systématiquement la légitimité d’une juridiction composée de juges nommés de cette manière. On ne peut qu’en conclure que les activités du CNM, tel que composé par la loi modificative de 2017, et l’implication de celui-ci dans la procédure de nomination des juges ont perpétué le dysfonctionnement systémique établi par la Cour et pourraient aboutir à une aggravation de la crise de l’état de droit en Pologne. Une action rapide de l’État polonais pour y remédier est donc requise. Il incombe à la Pologne de tirer les conclusions qui s’imposent de cet arrêt et de prendre toute mesure appropriée propre à régler les problèmes à l’origine des violations constatées par la Cour et à empêcher que des violations similaires ne se produisent à l’avenir. |
ECLI : | CE:ECHR:2022:0203JUD000146920 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-215388 |
Cite : |
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