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Titre : | Arrêt relatif au fait que la nécessité d’un titre d’aptitude délivré par une autorité ecclésiastique ne justifie pas le renouvellement de contrats à durée déterminée de professeurs de religion catholique : YT et autres (Italie) |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/01/2022 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-282/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Italie [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Enseignant [Mots-clés] Contrat de travail [Mots-clés] Contrat à durée déterminée (CDD) [Mots-clés] Contrat à durée indéterminée (CDI) [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Liberté de pensée, de conscience et de religion [Mots-clés] Établissement d'enseignement [Mots-clés] Catholicisme |
Résumé : |
YT ainsi que 17 autres personnes (ci-après, ensemble, les « requérants »), qui enseignent depuis de nombreuses années la religion catholique au sein d’établissements publics, ont été recrutés par le Ministero dell’Istruzione dell’Università e della Ricerca -MIUR (ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Italie) au moyen de contrats à durée déterminée (CDD) successifs. Constatant qu’ils n’avaient pas pu bénéficier de la titularisation prévue par le droit italien pour le personnel enseignant, en raison de la durée annuelle de leurs missions, qui ne permettait pas leur inscription sur les listes permanentes d’aptitude, les requérants ont saisi la juridiction de renvoi d’un recours tendant principalement à la transformation de leurs contrats actuels en contrats à durée indéterminée (CDI).
La juridiction de renvoi, relevant que la réglementation italienne transposant l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (1) exclut, dans le secteur de l’enseignement, la transformation des CDD successifs en CDI, estime que ce recours ne peut pas être accueilli. Selon elle, compte tenu de cette exclusion et du fait que les professeurs de religion catholique en cause n’ont pas pu bénéficier de la titularisation prévue en droit italien, ce droit ne prévoirait aucune mesure de prévention de l’usage abusif de CDD successifs pour lesdits professeurs, au sens de la clause 5 de l’accord-cadre. C’est ainsi qu’elle a décidé de saisir la Cour de la question de la compatibilité de la réglementation italienne avec cette dernière disposition, ainsi qu’avec l’interdiction de discrimination fondée sur la religion interdite par le droit de l’Union (2). En outre, elle a demandé à la Cour de préciser si la nécessité d’un titre d’aptitude délivré par une autorité ecclésiastique, dont doivent disposer les professeurs de religion catholique pour enseigner, est constitutive d’une « raison objective », au sens de l’accord-cadre, permettant de justifier le renouvellement de tels CDD. Elle s’est enfin interrogée sur les conséquences à tirer, pour le litige au principal, de la conclusion de la Cour sur l’éventuelle incompatibilité de la réglementation en cause. Dans son arrêt, la Cour se prononce notamment sur l’effectivité des mesures devant sanctionner, dans les droits nationaux, le recours abusif aux CDD successifs. Appréciation de la Cour À titre liminaire, constatant notamment que les dispositions nationales en cause ne visent pas à organiser les rapports entre un État membre et les églises, mais concernent les conditions de travail des professeurs enseignant la religion catholique dans les établissements publics, l’affaire ne concernant ainsi pas le statut dont bénéficient les églises visées à l’article 17, paragraphe 1, TFUE, la Cour se reconnaît compétente pour statuer sur la demande de décision préjudicielle. Sur le fond, après avoir conclu à l’absence de discrimination fondée sur la religion, la titularisation des requérants ayant été impossible en raison de la durée de leurs missions, sans aucun lien avec leur religion, la Cour énonce, tout d’abord, que la situation selon laquelle les requérants ne peuvent pas bénéficier d’une requalification de leur contrat en CDI alors que les enseignants d’autres matières se trouvant dans une situation comparable le pouvaient, constitue une différence de traitement entre deux catégories de travailleurs à durée déterminée. Par conséquent, une telle situation ne relève pas de la clause 4 de l’accord-cadre (3), cette dernière interdisant la différence de traitement entre les travailleurs à durée déterminée et ceux à durée indéterminée. Ainsi, la juridiction de renvoi ne peut pas laisser inappliquées les règles nationales en cause sur le fondement de ladite clause. Ensuite, concernant la clause 5 de l’accord-cadre, intitulée «Mesures visant à prévenir l’utilisation abusive», la Cour juge que cette disposition s’oppose à une réglementation nationale qui exclut les professeurs de religion catholique de l’application des règles visant à sanctionner le recours abusif aux CDD successifs, lorsqu’il n’existe aucune autre mesure effective dans l’ordre juridique interne sanctionnant ledit recours abusif, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier. En effet, il n’est certes pas exclu que le secteur de l’enseignement public de la religion catholique exige une adéquation constante entre le nombre de travailleurs employés et le nombre d’utilisateurs potentiels, entraînant, pour l’employeur, des besoins provisoires en matière de recrutement, le besoin particulier de flexibilité, dans ce secteur, étant de nature à justifier, au regard de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, le recours à des CDD successifs. Toutefois, le respect de cette disposition exige qu’il soit vérifié concrètement que le renouvellement de tels contrats vise à couvrir des besoins provisoires et que cette possibilité n’est pas utilisée, en fait, pour satisfaire des besoins permanents de l’employeur en matière de personnel. Or, en l’occurrence, les différents CDD liant les requérants à leur employeur ont donné lieu à l’accomplissement de tâches similaires durant plusieurs années, si bien que cette relation de travail peut être entendue comme avoir satisfait à un besoin qui était durable, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. En outre, constatant notamment que le titre d’aptitude dont doivent disposer les professeurs de religion catholique pour enseigner est délivré une seule fois et non pas avant chaque année scolaire donnant lieu à la conclusion d’un CDD, indépendamment de la durée des missions qui leur sont confiées, et que cette délivrance est sans lien avec des mesures poursuivant des objectifs de politique sociale, la Cour énonce que ce titre ne constitue pas une « raison objective » justifiant le renouvellement de CDD, au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre. Enfin, la Cour rappelle que si cette clause est dépourvue d’effet direct, le juge national n’étant dès lors pas tenu de laisser inappliquée une disposition nationale qui y serait contraire, il revient à la juridiction de renvoi de vérifier si une interprétation des dispositions nationales en cause qui serait conforme à l’accord-cadre est possible, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci. 1. Accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18mars 1999 (ci-après l’«accord-cadre»), qui figure en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO 1999, L175, p.43). 2. Cette interdiction est prévue par l’article21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L303, p.16). 3. La clause 4 de l’accord-cadre, intitulée « Principe de non-discrimination », prévoit, à son point 1, que, pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent ne soit justifié par des raisons objectives. |
ECLI : | EU:C:2022:3 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=252122 |