Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme concernant l’interprétation, par les juridictions internes, de la loi ayant servi à condamner le requérant après la tentative de coup d’État de 2016, en raison de ses opinions de 2015 : Yasin Özdemir c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 07/12/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 14606/18 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Infraction [Mots-clés] Enseignant [Mots-clés] Technologies du numérique [Mots-clés] Opinions philosophiques [Mots-clés] Opinions politiques [Mots-clés] Probité [Mots-clés] Terrorisme |
Mots-clés: | apologie de crime ; Réseaux sociaux |
Résumé : |
Dans son arrêt de chambre, rendu ce jour dans l’affaire Yasin Özdemir c. Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme. L’affaire concerne la condamnation pénale du requérant, un enseignant, pour apologie de crime et de criminel à raison des commentaires qu’il avait publiés sur les réseaux sociaux, en avril 2015, en faveur de l’organisation fetullahiste et de son leader (Fethullah Gülen). La Cour relève ce qui suit : - Au moment de leur publication, les messages du requérant contenaient des idées et opinions exprimées dans le cadre de débats publics sur des sujets sensibles : son point de vue sur des faits à la base des enquêtes judiciaires engagées les 17-25 décembre 2013 sur des allégations de corruption, ses critiques envers les politiques menées par le pouvoir politique contre l’opposition, ses critiques sur les prétendues relations du pouvoir politique avec une organisation islamiste armée. Ces opinions ne suggéraient nullement de recourir à la violence et ne portaient aucun appel à la révolte. - Il n’existait, à l’époque des faits, aucune condamnation définitive des adhérents du mouvement fetullahiste pour être dirigeants ou membres d’une organisation illégale ou terroriste. - L’article 215 § 1 du code pénal turc soumettait, entre autres, l’incrimination de propos considérés comme apologie de crime ou de criminel à la condition que de ces propos surgisse un danger clair et imminent pour l’ordre public. La juridiction pénale qui a condamné le requérant a estimé que la tentative de coup d’État intervenue en juillet 2016, longtemps après les propos du requérant contenus dans ses commentaires postés en avril 2015, était constitutive d’un tel danger. La Cour juge, à cet égard, qu’on ne saurait raisonnablement attendre du requérant qu’il ait prévu que ses commentaires en cause, qui certes s’inscrivaient dans l’opposition au gouvernement mais qui constituaient des interventions pacifiques dans les débats publics et ne contenaient aucun appel à la révolte, pussent créer un danger réel et imminent pour l’ordre public, telle qu’une tentative du coup d’État, plus d’un an plus tard. Le fait de fonder une condamnation sur une argumentation à rebours, comme l’a fait en l’espèce la juridiction concernée, s’analyse en une interprétation excessivement large de la loi et en un contournement de la part de cette juridiction de l’obstacle prévu par le législateur contre les accusations ambigües réprimant l’expression d’opinions pacifiques dans un débat public. Pour la Cour, une interprétation aussi large de l’article 215 du code pénal n’était pas prévisible pour le requérant à l’époque des faits litigieux. Par conséquent, l’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression n’a pas satisfait à l’exigence de qualité de la loi requise par l’article 10 de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:1207JUD001460618 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Droits - Libertés |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-213773 |