Document public
Titre : | Arrêt relatif à la confirmation de l’ordonnance rejetant la demande en nullité du licenciement d’une salariée bénéficiant du statut de lanceur d’alerte |
Auteurs : | Cour d'appel de Versailles, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 16/09/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 21/00016 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Lanceur d'alerte [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Entreprise [Mots-clés] Grande entreprise privée [Mots-clés] Conditions de travail [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Mesures de rétorsion [Mots-clés] Sanction [Mots-clés] Infraction [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Preuve |
Mots-clés: | Bonne foi |
Résumé : |
La requérante a été embauchée en 2014 par une société puis, au terme d’une mobilité interne trois ans plus tard, elle exerçait ses fonctions en qualité de responsable d’un département. Peu de temps après sa pris de ce dernier poste, elle a pris connaissance, à l’occasion d’un voyage à l’étranger, concernant un projet pour le compte d’une organisation internationale, qu’un salarié de la société faisait partie de la délégation auprès de cette organisation et avait en charge des contrats commerciaux qui la liaient à la société. La requérante constatait rapidement que l’organisation ignorait que l’intéressé était parallèlement aussi un salarié de la société. Elle découvrait qu’il rendait compte hebdomadairement à la société de toutes les informations concernant le département de l’organisation internationale au sein duquel il était intégré et influençait les appels d’offre en vue de favoriser les intérêts de la société.
La requérante avait alerté sa hiérarchie sur ces faits, susceptibles d’être qualifiés pénalement et/ou d’être contraires aux règles éthique de la société. Deux mois, plus tard, il a été mis fin à la mission du salarié au sein de l’organisation internationale. Par la suite, la requérante a alerté sa hiérarchie sur le fait que ce même salarié pouvait désormais se faire embaucher directement par l’organisation internationale selon les modalités maintenant les liens avec la société. En février 2019, elle a alerté le président du comité de suivi des alertes de la société sur l’irrégularité persistante de la situation de l’intéressé. Elle soutient qu’à partir de ces signalements et mises en garde répétées, elle a rencontré des difficultés avec son employeur et conteste son licenciement pour cause réelle et sérieuse, intervenu en mai 2020. Un syndicat est intervenu volontairement à l'instance. Par décision n° 2020-205 du 22 octobre 2020, le Défenseur des Droits a notamment constaté que les difficultés rencontrées par la salariée, ainsi que son licenciement, constituaient des représailles en violation de l'article L. 1132-3-3 alinéa 2 du code du travail et que le licenciement encourrait la nullité par application de l'article L. 1132-4 du code du travail. Statuant en formation de référé, le conseil de prud’hommes a jugé le 11 décembre 2020 que la requérante bénéficiait du statut de lanceur d’alerte au sens de la loi Sapin II. Cependant, il déboutait la requérante de l’intégralité de ses demandes, en estimant : - que la lettre de licenciement et des pièces produites par les parties que la requérante n’avait pas été licenciée pour avoir lancé une alerte mais pour cause réelle et sérieuse - que les pièces produites et les moyens de droit fournis par la requérante ne permettaient pas d’établir et de démontrer un lien évident et non équivoque de cause à effet entre le fait d’avoir lancé l’alerte et le licenciement litigieux - que les représailles envers la salariée n’étaient pas davantage établies et qu’en conséquence il n’y avait pas eu violation du statut protecteur. - que l’appréciation du motif de licenciement relevait exclusivement des juges du fond. Le syndicat a également été débouté de ses demandes. La requérante a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 4 janvier 2021 (RG n° 21/00016) et le syndicat par déclaration du 18 janvier 2021 (RG n° 21/00228). Les instances ont été jointes. Une association de protection des lanceurs d’alerte a également pris parti à l’instance. Par décision n° 2021-088 du 14 avril 2021, le Défenseur des droits a constaté que la requérante bénéficie de la protection attachée à la qualité de lanceuse d’alerte au sens de la loi Sapin II, rappelé qu’en qualité de lanceur d’alerte, la salariée doit bénéficier de l’aménagement de la charge de la preuve de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, constaté que la société Y échoue à démontrer que sa décision de licenciement “est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage” de la requérante, constaté en conséquence que les difficultés rencontrées par la requérante, ainsi que son licenciement, constituent des représailles en violation de l'article L. 1132-3-3 alinéa 2 du code du travail et que le licenciement encourt la nullité par application de l'article L. 1132-4 du code du travail. La Cour d’appel reconnaît la qualité de lanceur d’alerte de la requérante. Se prononçant « sur le trouble manifestement illicite constitué par le licenciement », la Cour d’appel confirme l’ordonnance litigieuse : « Comme l’a relevé le conseil de prud’hommes, la lettre de licenciement décline des griefs portant exclusivement sur le travail de Madame X, l’accent étant mis sur d’importantes difficultés relationnelles au sein de son service et avec les directions commerciales et techniques dont l’examen du caractère réel et sérieux relève du juge du fond. Dès lors, si le conseil de prud’hommes ne pouvait s’appuyer exclusivement sur les pièces produites par la salariée pour exclure l’existence d’un lien manifeste entre la qualité de lanceur d’alerte et le licenciement de Mme X, la cour, sur la base des éléments objectifs susvisés produits par l’employeur aboutit à la même conclusion. » Se prononçant « sur la nullité invoquée du licenciement tirée de la dénonciation d’agissements constitutifs d’un harcèlement moral et les autres demandes », la Cour d’appel considère : « Mme X rappelle que le licenciement prononcé au motif tiré de la dénonciation de faits de harcèlement moral est nul de plein droit sauf allégation et preuve de la mauvaise foi du salarié dénonciateur laquelle ne peut résulter que de la connaissance par ce dernier de la fausseté des faits de harcèlement moral qu’il dénonce. Elle ajoute qu’elle a été victime de harcèlement résultant d’atteintes à ses conditions de travail notamment par l’absence de détermination d’objectifs, de restriction de ses fonctions, d’attaques ou d’attitudes agressives, méprisantes et humiliantes, d’intimidations, d’isolement et d’un licenciement représailles du fait des alertes lancées par elle. Cependant, la cour observe ici qu’il ne ressort pas des pièces en présence que le licenciement a été prononcé au motif de la dénonciation de faits de harcèlement moral, les motifs du licenciement tant concentrés sur des griefs tenant à des difficultés relationnelles de Mme X avec sa hiérarchie et d’autres services. Les éléments retenus par la cour pour écarter le lien entre le licenciement et l’alerte opérée par l’intéressée ne permettent pas non plus de retenir au stade du présent référé que ce licenciement constitue un trouble manifestement illicite en rapport avec le harcèlement dont se plaint l’intéressée. » Enfin, « les demandes du syndicat E et de l’association W seront pour leur part rejetées à défaut, pour la cour, d’avoir retenu une atteinte portée aux droits de X en sa qualité de lanceur d’alerte. » |
Note de contenu : | Jonction des instances enrôlées sous les n° 21/00016 et 21/00228 au répertoire général |
ECLI : | 20-009676 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Lanceurs d'alerte - Déontologie |
Est accompagné de : |
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Documents numériques (1)
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