Titre : | Décision 2021-182 du 25 juin 2021 relative à la demande de réunification familiale d’un mineur non accompagné |
Voir aussi : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Défense des enfants, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 25/06/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2021-182 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Position non suivie d’effet [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Visa de la CIDE [Géographie] Afghanistan [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Regroupement familial [Mots-clés] Maintien des liens [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Règlement Dublin [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Nationalité [Mots-clés] Refus [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics |
Mots-clés: | Personne vulnérable |
Résumé : |
La défenseure des droits a été saisie par Monsieur X dans le cadre d’une demande de réunification familiale pour son frère Y, de nationalité afghane, sur le fondement du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013.
Monsieur X a contesté devant le tribunal administratif de A, lui demandant d’annuler les décisions des 6 juillet et 2 décembre 2020 par lesquelles le ministre de l’Intérieur a refusé la prise en charge de l’examen de la demande d’asile de son frère, Y, et d’enjoindre au ministre de l’Intérieur de réexaminer la demande des autorités Z de prise en charge. Le tribunal a déclaré la requête irrecevable le 11 mars 2021. Monsieur X a fait appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel de A. La Défenseure des droits a décidé de présenter ses observations devant la Cour notamment sur la recevabilité de la requête soumise au juge administratif, en insistant sur le droit à un recours effectif contre une décision faisant grief. A titre préliminaire, La Défenseur des droits a rappelé que le règlement Dublin III prévoit des dispositions spécifiques concernant les mineurs et leurs droits durant la procédure, eu égard à leur vulnérabilité particulière. Elle a précisé que s’il n’est pas fait expressément mention de droit au recours effectif contre une décision de refus de transfert ou de prise en charge opposé à l’État requérant par l’État requis, le règlement est imprécis sur ce qu’on doit entendre par « décision de transfert » ; cette imprécision devrait dès lors conduire le juge à s’interroger sur l’interprétation et la portée qui doivent être données à l’article 27. A cet égard, le règlement Dublin III ne saurait être lu, ni interprété indépendamment des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par les autres instruments internationaux de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, telles que la Convention européenne des droits de l’homme (Conv. EDH) et la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), que la France a ratifiées. Si l’article 27 garantit un droit au recours effectif contre des demandes de prise en charge ou de transfert acceptées et une application incorrecte du règlement, il devrait garantir le même droit contre une décision négative de l’État requis au titre de l’article 8 du règlement, conformément aux objectifs poursuivis par le règlement, qui sont : - La garantie d’une protection effective des demandeurs d’asile, comprenant leur implication dans le processus de détermination de l’État membre responsable et une protection juridictionnelle par la mise à disposition d’une voie de recours effective ; - La protection des mineurs non accompagnés, catégorie de personnes parmi les plus vulnérables de la société ; - La prise en compte comme considération primordiale de l’intérêt supérieur de l’enfant ; - Le respect de la vie familiale et du principe de l’unité familiale. La poursuite de ces objectifs par le règlement devrait conduire le juge à retenir une interprétation large de celui-ci et de son article 27, en conformité avec les exigences de la Charte et de son article 47. Ce n’est qu’en prévoyant la possibilité de soumettre la décision de l’Etat requis au contrôle du juge interne que sera garanti le respect du droit à un recours effectif. La décision du ministère de l’Intérieur a donc un impact indéniable sur la situation du jeune Y, en ce qu’il a manifestement des conséquences sur le droit au respect de la vie privée et familiale du mineur et porte atteinte à son intérêt supérieur, alors même que ces droits sont invoqués et protégés par le règlement Dublin III. Cette décision négative de l’Etat requis lui fait donc manifestement grief. Dès lors, le mineur devrait disposer d’une voie de recours effective comme le requiert l’article 47 de la Charte. Par ailleurs, si la demande de réunification familiale est présentée au premier chef par le mineur non accompagné, demandeur d’asile, qui souhaite bénéficier des dispositions favorables du règlement Dublin III, elle concerne aussi les autres membres de sa famille qui demeurent sur le territoire de l’Etat requis et qui demandent légitimement à se prévaloir de leur droit au respect de la vie familiale, à être réunis, et à faire cesser une séparation qui est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant , au sens de l’article 8 de la Conv. EDH et des articles 9 et 10 de la CIDE. Il ressort par conséquent de la décision attaquée, que la famille du demandeur d’asile, en l’espèce Monsieur X, se verrait privée d’une voie de recours pour contester l’erreur manifeste d’appréciation que pourrait commettre l’administration dans l’analyse des éléments fournis lors de l’entretien devant les services préfectoraux. Il s’agit bien d’une décision du ministère de l’Intérieur prise à la suite d’un entretien et de la communication de pièces et d’éléments d’information, interprétés par l’administration française. Cet acte fait incontestablement grief au jeune Y comme à son frère aîné qui demeure en France. Aussi, pour l’ensemble de ces raisons, le Défenseur des droits estime que la décision du ministère de l’Intérieur français rejetant la demande de prise en charge d’un mineur non accompagné, présentée par un Etat membre, au titre de l’application de l’article 8 du Règlement Dublin III, décision qui fait incontestablement grief au mineur et à sa famille, doit pouvoir faire l’objet d’un recours effectif et être soumise au contrôle du juge administratif. Si toutefois le Conseil d’Etat estimait ces arguments insuffisants, il apparaît nécessaire d’envisager de poser une question préjudicielle à la CJUE afin d’éclairer les juridictions nationales sur l’interprétation du Règlement Dublin III et de son article 27, dans la présente situation. Enfin, dans sa décision, la Défenseure des droits a souligné que le refus implicite de réunification familiale du ministère de l’intérieur français est susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale au droit à une vie familiale normale, contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Il rappelle que l’article 3.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant oblige les Etats à prendre en considération, de façon primordiale, l’intérêt supérieur de l’enfant. De surcroît, celui-ci doit être une considération primordiale dans la mise en œuvre du droit au respect de la vie familiale, au regard de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Le Défenseur des droits appelle la France à faire une application dynamique du règlement Dublin III, en considération de l’intérêt supérieur des enfants non accompagnés, afin d’assurer pleinement leur droit fondamental à une vie privée et familiale normale. Le Défenseur des droits tient à rappeler que selon le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies, « Chaque institution ou organe législatif, administratif ou judiciaire est tenu de se conformer au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant en se demandant systématiquement comment les droits et les intérêts de l’enfant sont ou seront affectés par ses décisions et ses actes (…) ». Il en découle que la notion d’intérêt supérieur de l’enfant : - doit être comprise comme la recherche du meilleur intérêt de l’enfant, dans une situation donnée ; - vise à assurer la jouissance effective de tous les droits reconnus dans la Convention ainsi que le développement global de l’enfant, que ce soit sur le plan physique, mental, spirituel, moral psychologique ou social ; - est à la fois un objectif, une ligne de conduite, une notion guide qui doit éclairer, habiter et irriguer toutes les normes et décisions internes en faveur des enfants. La décision du ministère de l’intérieur soulève donc un doute sérieux quant à sa légalité au sens de l’article L.521-1 du code de justice administrative, au regard du droit à une vie familiale normale par rapport aux buts poursuivis. Les considérations de politique migratoire ne peuvent en effet s’opposer au respect du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant à mener une vie familiale normale. Par ailleurs, en l’espèce, les conditions de prise en charge en France dont pourrait bénéficier le jeune Y seraient nettement plus respectueuses de son intérêt supérieur que celles dans lesquelles il se trouve actuellement à Z. |
Suivi de la décision : |
Un mémoire en désistement a été adressé par l’avocate à la juridiction, le frère aîné du jeune ayant souhaité abandonner la procédure. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
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