Document public
Titre : | Arrêt relatif à la discrimination dans l'exercice de leur droit de vote aux élections locales de personnes déplacées à l'intérieur du pays : Selygenenko et autres c. Ukraine |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 21/10/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 24919/16 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Ukraine [Mots-clés] Vote [Mots-clés] Élection [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Préjudice [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Résumé : |
Les requérantes sont des ressortissantes ukrainiennes nées respectivement en 1986, 1990, 1985 et 1948.
Elles vivent à Kiev bien qu'elles soient originaires de Sébastopol (les deux premières requérantes), Alupka (la 3e requérante) et Donetsk (la 4e requérante), en Ukraine. Après l'éclatement du conflit à Donetsk et en Crimée, les requérantes ont déménagé à Kiev et y ont été certifiées en tant que personnes déplacées à l'intérieur du pays (PDI) en 2014-2015. Leurs cartes d'identité nationales (паспорт громадянина України) continuaient toutefois de les désigner comme résidentes de leurs villes d'origine à Donetsk et en Crimée. Elles se sont inscrites pour voter avant les élections locales de Kiev de fin 2015, mais leur demande a été rejetée. La 4e requérante s'est plainte auprès de la Commission électorale centrale, qui a répondu que le lieu de résidence d'un citoyen était celui figurant sur sa carte d'identité nationale. Lorsque des élections seraient à nouveau organisées dans sa ville natale, elle pourrait y voter. Les requérantes ont saisi la justice, les juridictions de première instance estimant que le droit de vote aux élections locales en Ukraine était conféré aux citoyens ukrainiens qui « appartenaient » (належали) à leurs communautés locales respectives et qui résidaient dans les circonscriptions électorales respectives. Ce lieu de résidence devait figurer sur leur carte d'identité nationale. Cette décision a été confirmée par les cours d'appel. La décision en appel n'est pas susceptible de recours. Invoquant l'article 1 du Protocole n° 12 (interdiction générale de la discrimination), les requérantes se plaignent d'avoir été privées du droit de vote aux élections locales à Kiev de manière discriminatoire. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l'homme les 23 avril 2016 et 14 mai 2016. La Cour rappelle que l'article 1 du Protocole n° 12 protège « tout droit prévu par la loi ». Les États doivent donner une justification raisonnable lorsqu'une personne est traitée différemment d'une autre, faute de quoi une violation peut être constatée. Il n'est pas contesté que les requérantes ont un droit de vote légal et qu'elles ont vécu en dehors de leur lieu de résidence enregistré. La Cour suprême a souligné que la carte d'identité nationale servait à déterminer, en dernier ressort, si une personne appartenait à une communauté et pouvait donc voter dans la circonscription concernée. La législation nationale stipule qu'une personne ne peut voter que dans le lieu où elle a sa résidence enregistrée. Les personnes déplacées ne sont pas traitées différemment des autres. Même si les requérantes n'ont pas été traitées différemment des autres citoyens en ce qui concerne la résidence, la Cour a estimé qu'en tant que personnes déplacées, elles se trouvaient dans une situation clairement différente de celle des autres citoyens : elles ne pouvaient tout simplement pas retourner sur leur lieu de résidence ailleurs en Ukraine et voter. Elles étaient à Kiev depuis plus d'un an, payaient des impôts locaux, etc. et avaient donc un intérêt dans le résultat des élections. En vertu de la législation de l'époque, les requérantes avaient en outre risqué de perdre leur statut de personnes déplacées si elles avaient changé de lieu de résidence. Globalement, la Cour estime qu'en ne prenant pas en considération la situation particulière des requérantes, les autorités les ont discriminées dans l'exercice de leur droit de vote aux élections locales. Il y a eu violation de l'article 1 du Protocole n° 12 de la Convention. La Cour dit que l'Ukraine doit verser à chacune des requérantes la somme de 4 500 euros au titre du préjudice moral. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:1021JUD002491916 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-212439 |