Document public
Titre : | Arrêt relatif à une procédure en diffamation engagée par un parti contre une ONG et un journaliste : L’Association des journalistes d’investigation et la sécurité éditoriale de Moldova et Sanduța c. la République de Moldova |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/10/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 4358/19 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Moldavie [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Diffamation [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Journaliste [Mots-clés] Médias, presse [Mots-clés] Opinions politiques [Mots-clés] Organisation politique [Mots-clés] Probité [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Préjudice [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Résumé : |
Les requérants sont une organisation non gouvernementale ayant son siège en Moldova, et un journaliste, ressortissant moldave, né en 1988 et résidant à Chișinău.
En septembre 2016, l'association requérante publia un article intitulé « L'argent de Dodon aux Bahamas ». L'article rapportait qu'une société offshore basée aux Bahamas et ayant des liens avec la Fédération de Russie avait transféré 1,5 million d'euros à une société moldave dirigée par un membre du parti socialiste ayant des liens étroits avec Igor Dodon. Selon l'article, l'argent était arrivé en Moldova quelques mois avant les élections présidentielles de 2016. Un tiers de la somme avait été retiré en espèces pour être distribué à des personnes proches du parti socialiste sous forme de prêts gratuits. Le parti socialiste a ensuite engagé une procédure civile en diffamation contre les requérants, soutenant que si un organe étatique avait constaté des illégalités dans le financement du parti socialiste et de son candidat, M. Dodon aurait été interdit de participation aux élections présidentielles. Les requérants ont fait valoir qu'ils avaient simplement présenté des preuves que 1,5 million d'euros avaient été transférés d'une société offshore à une société moldave et que l'argent avait été remis à différents membres et partisans du parti socialiste. Dans un jugement du 21 décembre 2017, le tribunal de district de Centru a donné raison au parti socialiste. Il a considéré que l'article avait été diffamatoire car aucun organe d'État n'avait constaté que le parti socialiste avait reçu des fonds de l'étranger. Les requérants ont été condamnés à publier une rétractation admettant que l'article était faux et à payer les frais et dépenses du plaignant (s'élevant à environ 10 EUR). Tous les recours ultérieurs ont été infructueux. Après que la Cour européenne a notifié la présente requête au gouvernement moldave, l'agent du gouvernement a déposé une demande de révision en 2018 auprès de la Cour d'appel. Cette juridiction, finalement en 2020, a fait droit à cette demande et les jugements déclarant les requérants coupables de diffamation ont été annulés. Invoquant l’article 10 (liberté d'expression), les requérants allèguent que le fait d'avoir été tenus responsables de diffamation envers le parti socialiste moldave a porté atteinte à leur droit de diffuser des informations. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 9 janvier 2019. La Cour rejette l'argument du Gouvernement selon lequel les requérants ont perdu leur statut de victime en raison de l'issue de la procédure de révision. Elle note que ni la cour d'appel ni le Gouvernement dans la procédure devant elle n'ont accordé ou proposé d'accorder une quelconque indemnisation aux requérants, contrairement à la pratique habituelle dans de nombreuses autres affaires. Elle ne considère donc pas que le rejet de l'action en diffamation ait constitué une réparation suffisante dans le cas des requérants. En outre, la Cour était prête à considérer, aux fins de la présente affaire, que l'issue globale de la procédure de révision et de la réouverture ultérieure de la procédure au fond avait constitué une reconnaissance en substance d'une violation de l'article 10 de la Convention. Au vu de sa propre jurisprudence et constatant que les juridictions internes, dans la procédure initiale, n’ont pas procédé à une mise en balance appropriée, la Cour ne voit aucune raison de s'écarter de la conclusion ci-dessus et n'estime pas nécessaire de réexaminer le bien-fondé de ce grief. En conséquence, la Cour conclut à la violation de l'article 10 de la Convention, les requérants ayant été jugés responsables de diffamation envers le parti socialiste moldave. La Cour dit que la République de Moldova doit verser aux requérants 2 300 euros pour dommage moral et 1 500 euros pour frais et dépens. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:1012JUD000435819 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-212124 |