
Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation de la liberté d’expression d’une société imposée d’une amende, après avoir diffusé sur son site Internet une interview sur la marijuana : Ringier Axel Springer Slovakia, a.s. c. Slovaquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 23/09/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 26826/16 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Slovaquie [Mots-clés] Médias, presse [Mots-clés] Technologies du numérique [Mots-clés] Internet [Mots-clés] Journaliste [Mots-clés] Stupéfiant [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice judiciaire [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Sanction [Mots-clés] Amende [Mots-clés] Préjudice [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Mots-clés: | Manquement des autorités étatiques ; proportionnalité |
Résumé : |
La requérante est une société slovaque créée en 1990 et enregistrée à Bratislava.
Le 13 juillet 2012, la société requérante a mis en ligne sur son site Internet une émission avec X, un chanteur slovaque populaire. Dans le programme, il y avait des clips de X. fumant de l'herbe, ainsi qu'une interview dans laquelle le journaliste disait : « Cette herbe est déjà bien connue des Slovaques, pas besoin de la présenter » ; X. a répondu : « Je suis reconnaissant à l'herbe verte magique. Je l'échangerais. J'interdirais l'alcool et autoriserais la marijuana » ; le journaliste a répondu en riant. Une procédure administrative a été ouverte à l'encontre de la société requérante à la suite de cette émission, celle-ci ayant été condamnée en 2012 à une amende pour avoir enfreint l'interdiction de promouvoir la consommation de drogues. À la suite d'une procédure judiciaire au cours de laquelle la société requérante fit valoir qu'elle n'avait pas approuvé les opinions de X., la décision initiale fut annulée. Une deuxième décision à l'encontre de la société requérante a été rendue par le Conseil de l'audiovisuel en 2014. La société requérante a fait appel. Cette décision a été confirmée en référence à la jurisprudence de la Cour par la Cour suprême, qui a déclaré que la société requérante « devait supporter une responsabilité objective (stricte) pour la manière de traiter l'information et son contenu, qui n'aurait pas dû enfreindre le cadre constitutionnel et légal de protection de la société ». Une plainte constitutionnelle ultérieure de la société requérante a été rejetée comme manifestement mal fondée. Invoquant l’article 10, (liberté d'expression) de la Convention, la requérante se plaint de la violation de ses droits par l'imposition d'une amende pour le contenu de l'un de ses programmes. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 11 mai 2016. La société requérante a fait valoir qu'elle avait simplement présenté les opinions de X. pour informer le public sur une question d'intérêt public. La Cour reconnaît qu'il y a eu une ingérence dans la liberté d'expression de la société requérante et décide donc de déterminer si cette ingérence était nécessaire dans une société démocratique. La Cour souligne, en particulier, le fait que les déclarations n'ont pas été faites par la société requérante elle-même, mais par un animateur lors d'une interview. En raison de son importance pour la démocratie, la Cour rappelle que les journalistes bénéficient des protections de l'article 10 dans certaines limites. La punition d'un journaliste pour avoir diffusé les opinions d'un autre ne devrait pas se produire sans de très bonnes raisons. La Cour note que l'émission en question portait sur un événement d'actualité et avait contribué à un débat d'intérêt public. La Cour ne pense pas que le journaliste ait eu l'intention de faire l'apologie de la marijuana ou d'inciter à son utilisation. Elle précise que l'interprétation de l'échange par les juridictions internes a été particulièrement rigide, sans l'évaluation nécessaire de tous les éléments pertinents. Il n'a pas été démontré que la société requérante avait agi de mauvaise foi ou de manière irresponsable. En conclusion, la Cour estime que l'amende a été disproportionnée et pas nécessaire dans une société démocratique, ce qui a entraîné une violation de la Convention. La Cour dit que la Slovaquie doit verser au requérant 500 euros au titre du préjudice matériel, 2 600 euros au titre du préjudice moral et 10 317 euros au titre des frais et dépens. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:0923JUD002682616 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-211828 |