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Titre : | Arrêt de Grande chambre relatif au fait que le refus d’octroyer une prestation d’assistance ne doit pas exposer le citoyen de l’Union et ses enfants à un risque de violation de leurs droits consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’UE, en particulier le respect de la dignité humaine : CG (Royaume-Uni) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 15/07/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-709/20 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Royaume-Uni [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Ressortissant UE [Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Prestation sociale [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Nationalité [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Liberté d'aller et venir [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Refus |
Résumé : |
CG, titulaire de la double nationalité croate et néerlandaise, vit au Royaume-Uni depuis l’année 2018 sans y exercer d’activité économique. Elle y vivait avec son partenaire, de nationalité néerlandaise, et leurs deux enfants jusqu’à ce qu’elle déménage dans un centre d’accueil pour femmes battues. CG ne dispose d’aucune ressource.
Le 4 juin 2020, le Home Office (ministère de l’Intérieur, Royaume-Uni) lui a accordé le droit de séjour temporaire au Royaume-Uni, sur le fondement d’un nouveau régime britannique applicable aux citoyens de l’Union résidant dans ce pays, instauré dans le contexte du retrait du Royaume-Uni de l’Union. L’octroi d’un tel droit de séjour n’est pas soumis à une condition de ressources. Le 8 juin 2020, CG a déposé une demande de prestation d’assistance sociale, dénommée crédit universel (Universal Credit), auprès du ministère des communautés d’Irlande du Nord. Cette demande a été rejetée, au motif que la loi sur le crédit universel exclut les citoyens de l’Union qui disposent d’un droit de séjour octroyé sur la base du nouveau régime de la catégorie des bénéficiaires potentiels du crédit universel. CG a contesté ce refus devant l’Appeal Tribunal (Northern Ireland) (tribunal d’appel pour l’Irlande du Nord, Royaume-Uni), en invoquant, notamment, une différence de traitement entre les citoyens de l’Union résidant légalement au Royaume-Uni et les ressortissants britanniques. Cette juridiction a décidé d’interroger la Cour sur l’éventuelle incompatibilité de la loi britannique sur le crédit universel avec l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité, prévue par l’article 18, premier alinéa, TFUE. La Cour, réunie en grande chambre, constate la compatibilité de la réglementation britannique avec le principe d’égalité de traitement prévu par l’article 24 de la directive 2004/38 (1), tout en obligeant les autorités nationales compétentes à vérifier qu’un refus d’octroyer les prestations d’assistance sociale fondé sur cette réglementation n’expose pas le citoyen de l’Union et ses enfants à un risque concret et actuel de violation de leurs droits fondamentaux consacrés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La demande de la juridiction de renvoi ayant été présentée avant la fin de la période de transition, à savoir avant le 31 décembre 2020, la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur cette demande, en application de l’article 86, paragraphe 2, de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (2). La Cour précise, tout d’abord, les dispositions du droit de l’Union applicables en l’espèce et conclut que la question de savoir si CG subit une discrimination sur la base de la nationalité doit être appréciée à la lumière de l’article 24 de la directive 2004/38, et non de l’article 18 TFUE, le premier de ces articles concrétisant le principe de non discrimination sur la base de la nationalité consacré entre autres par le second, à l’égard des citoyens de l’Union exerçant leur liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres. Après avoir constaté que le crédit universel en cause doit être qualifié de prestation d’assistance sociale, au sens de cette directive, la Cour relève que l’accès auxdites prestations est réservé aux citoyens de l’Union qui respectent les conditions définies par la directive 2004/38. À cet égard, la Cour rappelle que, en vertu de l’article 7 de cette directive, l’obligation, pour un citoyen de l’Union économiquement inactif, de disposer de ressources suffisantes constitue une condition pour que celui-ci bénéficie d’un droit de séjour supérieur à trois mois mais inférieur à cinq ans. Elle confirme ensuite sa jurisprudence selon laquelle un État membre dispose de la faculté, en application de cet article, de refuser l’octroi de prestations d’assistance sociale à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui, à l’instar de CG, exercent leur liberté de circulation et ne disposent pas de ressources suffisantes pour prétendre au bénéfice d’un droit de séjour au titre de cette directive. La Cour précise que, dans le cadre de l’examen concret de la situation économique de chaque intéressé, les prestations demandées ne sont pas prises en compte pour déterminer la possession de ressources suffisantes. La Cour souligne du reste que la directive 2004/38 n’empêche pas les États membres d’instaurer un régime plus favorable que celui établi par cette directive, conformément à l’article 37 de cette dernière. Or, un droit de séjour accordé sur la base du seul droit national, comme c’est le cas dans le litige au principal, ne saurait aucunement être considéré comme accordé « en vertu de » ladite directive. Cela étant, CG a exercé sa liberté fondamentale de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres, prévue par le traité, de sorte que sa situation relève du champ d’application du droit de l’Union, même si elle tire son droit de séjour du droit britannique, qui instaure un régime plus favorable par rapport celui prévu par la directive 2004/38. Or, la Cour juge que, lorsqu’elles accordent un tel droit de séjour que celui en cause au principal, sans se prévaloir des conditions et limitations à ce droit prévues par la directive 2004/38, les autorités de l’État membre d’accueil mettent en œuvre les dispositions du traité FUE relatives au statut de citoyen de l’Union, qui a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres. Conformément à l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, ces autorités sont ainsi tenues, lors de l’examen d’une demande de prestations d’assistance sociale telle que celle formée par CG, de se conformer aux dispositions de cette charte, notamment à ses articles 1er (dignité humaine), 7 (respect de la vie privée et familiale) et 24 (droits de l’enfant). Dans le cadre de cet examen, ces autorités peuvent tenir compte de l’ensemble des dispositifs d’assistance prévus par le droit national dont le citoyen concerné et ses enfants peuvent effectivement bénéficier. (1) : Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, JO 2005, L 197, p. 34 et JO 2020, L 191, p. 6). (2) : JO 2020, L 29, p. 7. |
ECLI : | ECLI:EU:C:2021:602 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=244198&mode=req&pageIndex=1&dir=&occ=first&part=1&text=&doclang=FR&cid=336002 |