Document public
Titre : | Arrêt relatif à des violations liées à l'expulsion sommaire d'un ressortissant pakistanais entrant en Hongrie depuis la Serbie : Shahzad c. Hongrie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/07/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 12625/17 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Hongrie [Géographie] Serbie [Géographie] Pakistan [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Expulsion [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Préjudice |
Résumé : |
Le requérant est un ressortissant pakistanais né en 1986 et vivant à Gujrat(Pakistan).
Le requérant a quitté le Pakistan vers 2008-2009 en raison des mauvais traitements qu'il aurait subis de la part de l'armée pakistanaise. Il est entré en Grèce, mais n'a pas pu entrer dans d'autres pays européens. En 2016, il est arrivé en Serbie via la Macédoine du Nord. Selon le requérant, il a demandé sans succès l'asile en Serbie. Il a tenté d'entrer en Hongrie pour demander l'asile. Il a été refoulé. Il est resté dans la région de Subotica et a tenté en vain d'entrer en Hongrie à plusieurs reprises. Le 11 août 2016, le requérant a franchi à nouveau la frontière de manière irrégulière avec un groupe d'autres personnes. Plusieurs heures plus tard, lui et les autres membres du groupe ont été appréhendés par la police hongroise et emmenés de l'autre côté de la frontière entre la Hongrie et la Serbie. Aucune décision formelle n'a été prise. Des séquences vidéo ont montré le requérant et les autres personnes se trouvant du côté serbe de la frontière. Le seul moyen pour le requérant d'entrer légalement en Hongrie était de passer par deux zones de transit. Selon le requérant, leur accès était à l'époque limité à 15 personnes. Les demandeurs d'asile devaient également s'enregistrer auprès de l'un des migrants (" le gestionnaire de la liste ") avant l'entrée (il a été refusé une fois parce qu'il était célibataire). Il n'existait pas de procédure officielle pour inscrire des noms sur la liste d'attente et autoriser ensuite les personnes figurant sur cette liste à entrer dans la zone de transit. Comme le requérant n'a pas pu entrer en Hongrie, il est resté en Serbie. Fin 2016, le requérant est retourné au Pakistan de son plein gré. Invoquant les articles 4 du Protocole n° 4 (interdiction des expulsions collectives d'étrangers) et 13 (droit à un recours effectif) combinés avec l'article 4 du Protocole n° 4, le requérant se plaint que son expulsion de Hongrie s’inscrivait dans le cadre d'une expulsion collective et qu'il n’a disposé d'aucun recours pour s’en plaindre. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 10 février 2017. Article 4 du Protocole n° 4 La Cour constate que, bien qu'ayant été déplacé vers la bande de terre située de l'autre côté de la frontière, qui est techniquement un territoire hongrois limitrophe de la Serbie, le requérant a été expulsé au sens de l'article 4 du Protocole n° 4. La Cour rappelle que le critère décisif pour qu'une expulsion soit qualifiée de "collective" est l'absence « d’un examen raisonnable et objectif de la situation particulière de chacun des étrangers qui forment le groupe » . Des exceptions sont possibles en fonction du comportement des individus concernés. Il n'est pas contesté par les parties que le requérant n'a pas été identifié ou que sa situation personnelle n'a pas été examinée avant son renvoi vers la Serbie. Pour la Cour, la question qui demeure est de savoir si cela a été le fruit de son propre comportement. La Cour note que le requérant est entré en Hongrie en tant que membre d'un groupe. Toutefois, le Gouvernement n'a pas fait valoir que cela avait créé une situation perturbatrice ou un risque pour la sécurité publique. Il y avait suffisamment d'agents du Gouvernement pour contrôler la situation ; en tout état de cause, le requérant et ses compagnons n'ont ni fait usage de la force ni résisté. La Cour rappelle qu'en ce qui concerne les États contractants comme la Hongrie, qui disposent d'une frontière extérieure à l'espace Schengen, l'effectivité des droits de la Convention exige que ces États mettent en place des moyens réels et effectifs d'entrée légale, notamment des procédures d'arrivée à la frontière. Dans le cas du requérant, les points d'accès disponibles étaient situés à 40 et 84 km de l'endroit où il avait été renvoyé vers la Serbie. Le requérant a fait valoir que ces zones lui étaient inaccessibles en raison de la limite quotidienne des entrées et de la nécessité de s'enregistrer au préalable. La Cour considère qu'en raison des limites quotidiennes d'admission, qui étaient assez faibles, et de l'absence de toute procédure formelle assortie de garanties appropriées régissant l'admission des migrants, la Hongrie n'a pas fourni de moyen d'entrée effectif. En conséquence, la Cour estime que l'expulsion du requérant a été " collective " et a entraîné une violation de ses droits. Article 13 combiné avec l'article 4 du Protocole n° 4 La Cour prend note de l'argument du Gouvernement selon lequel les personnes expulsées en vertu de l'article 5(1a) de la loi sur les frontières de l'État ont été informées de leur droit de se plaindre de la mesure de police. Toutefois, il n'a présenté ni la base juridique d'une telle plainte ni la jurisprudence pertinente. Il ne fait pas non plus référence à une autre voie de recours. La Cour estime que le requérant n'a pas disposé d'un recours adéquat, ce qui a entraîné une violation de la Convention. Satisfaction équitable (Article 41) La Cour dit que la Hongrie doit verser au requérant 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral et 5 000 EUR au titre des frais et dépens. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-210853%22]} |