Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait qu'une différence dans le droit au congé parental constitue une discrimination fondée sur le sexe : Gruba et autres c. Russie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 06/07/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 66180/09 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Russie [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Égalité femme - homme [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Congé parental [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Professionnel de la sécurité |
Résumé : |
Les requérants sont quatre ressortissants russes, nés entre 1967 et 1979 et vivant en Russie.
M. G. (requête n° 66180/09) travaillait comme agent de la police routière à Syktyvkar, M. X. (n° 50089/11) comme vérificateur au département de l'intérieur de Saint-Pétersbourg, et Y. (n° 30771/11) et Z. (n° 22165/12) comme inspecteurs des taxes. Entre 2009 et 2012, les quatre requérants ont vu leurs demandes de congé parental rejetées, essentiellement parce qu'un tel congé ne pouvait être accordé à un policier que si son enfant avait été privé de l'assistance d'une mère. Ils ont contesté, en vain, ces refus devant les tribunaux nationaux. Les autorités ont également estimé que rien ne prouvait que les épouses de M. X. et de M. Z., qui avaient été diagnostiquées comme ayant des problèmes de santé et à qui il avait été conseillé de ne pas porter d'objets de plus de 5 kg, ne pouvaient pas s'occuper de leurs enfants. M. G., M. X. et M. Z. ont cessé de travailler parce qu'ils estimaient avoir droit à un congé parental, et ont ensuite perdu leur emploi, tandis que M. Y. a été licencié pour raisons de santé. Les recours contre ces décisions ont été rejetés par les tribunaux. Dans le cas de M. Z., la procureure a assisté à l'audience civile, exprimant la position selon laquelle les demandes du requérant - concernant le refus d'accorder un congé parental et son licenciement - devaient être rejetées. Invoquant l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné à l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), les requérants se plaignent que le refus de leur accorder un congé parental a constitué une discrimination fondée sur le sexe. En outre, invoquant l'article 6 § 1 (droit à un procès équitable), M. Z. (requête n° 22165/12) se plaint de la participation du procureur général à son audition. Les requêtes ont été introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme le 24 novembre 2009 (n° 66180/09), le 21 novembre 2011 (n° 30771/11), le 3 août 2011 (n° 50089/11) et le 14 mars 2012 (n° 22165/12). Article 14 combiné avec l'article 8 La Cour réaffirme que les stéréotypes sexistes, tels que la perception des femmes en tant que responsables des enfants et des hommes en tant que principaux soutiens financiers de la famille, ne peuvent justifier de manière suffisante une différence de traitement entre les hommes et les femmes en ce qui concerne le droit au congé parental. Concernant l'argument selon lequel, en devenant policiers, les requérants ont accepté des limitations de leurs droits, la Cour estime que la signature de leur contrat de travail ne peut être assimilée à une renonciation au droit de ne pas être soumis à une discrimination fondée sur le sexe. La Cour admet que le maintien de l'efficacité opérationnelle de la police est un but légitime qui peut justifier certaines restrictions aux droits du personnel policier. Toutefois, elle n'est pas convaincue que l'exclusion du droit au congé parental puisse être considérée comme une exigence inhérente au service de police. Il est significatif que le droit au congé parental dépende du sexe du personnel de police plutôt que de sa position dans les forces de police, de la disponibilité d'un remplaçant ou de toute autre circonstance liée à l'efficacité opérationnelle de la police. En effet, les femmes policières bénéficient inconditionnellement du congé parental et la restriction ne concerne que les policiers. En refusant d'accorder un congé parental à chacun des quatre requérants, les autorités nationales n'ont pas réussi à mettre en balance, d'une part, l'intérêt légitime d'assurer l'efficacité opérationnelle de la police et, d'autre part, le droit des requérants à ne pas être discriminés en raison de leur sexe. En outre, M. X. et M. Z. se sont vu refuser un congé parental alors que leurs épouses n'étaient pas en mesure de s'occuper de leurs enfants. La Cour considère que la différence de traitement entre les policiers et les policières en ce qui concerne le droit au congé parental n'est pas justifiée et conclut qu'elle constitue une discrimination fondée sur le sexe. Il y a donc eu violation de l'article 14 de la Convention combiné avec l'article 8 à l'égard de chaque requérant. Article 6 § 1 La Cour note que si le procureur était légalement fondé, en vertu de la législation interne, à participer à l'audience, ce cas particulier ne présentait pas de circonstances particulières liées à la protection de personnes vulnérables ou d'intérêts étatiques justifiant une telle intervention. La Cour ne voit aucune raison de spéculer sur l'effet que l'intervention du procureur a pu avoir sur le déroulement de la procédure ; elle estime toutefois que la simple répétition des arguments du département de l'Intérieur par le procureur n'avait aucun sens si elle n'avait pas pour but de renforcer la position du département de l'Intérieur et d'influencer ainsi le tribunal en sa faveur. La Cour conclut donc que, dans le contexte russe, le principe de l'égalité des armes, qui exige un juste équilibre entre les parties, n'a pas été respecté. Il y a donc eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention à l'égard de M. Z. (requête n° 22165/12). Satisfaction équitable (Article 41) La Cour dit que la Russie doit verser les sommes suivantes : i) 1 196 euros (EUR) à M. X. au titre du préjudice financier ; ii) 7 500 euros à M. G., 7 500 euros à M. X., 1 000 euros à M. Y. et 5 500 euros à M. Z., au titre du dommage moral ; iii) 1 200 euros à M. G., 145 euros à M. Y., 4 150 euros à M. X. et 406 euros à M. Z., pour les frais et dépens. |
Note de contenu : | Requêtes n°s 66180/09, 30771/11, 50089/11 et 22165/12 |
ECLI : | CE:ECHR:2021:0706JUD006618009 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-210864%22]} |