Document public
Titre : | Arrêt relatif à la mise et le maintien en détention provisoire d’un ancien juge de la Cour constitutionnelle turque, ainsi que la perquisition effectuée à son domicile, au lendemain d'une tentative de coup d’État, pour appartenance à une organisation terroriste armée : Tercan c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 29/06/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 6158/18 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Détention provisoire [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Magistrat [Mots-clés] Professionnel du droit [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Droit à la liberté et à la sûreté [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Préjudice [Mots-clés] Responsabilité [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Résumé : |
L’affaire concerne la mise et le maintien en détention provisoire d’un ancien juge de la Cour constitutionnelle turque, ainsi que la perquisition effectuée à son domicile, au lendemain de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016.
Le requérant est un ressortissant turc né en 1961. Il se trouve actuellement en détention. Alors qu’il était professeur à la faculté de droit de l’Université d’Akdeniz, il fut nommé juge à la Cour constitutionnelle par le président de la République, le 7 janvier 2011, avec une cessation des fonctions prévue à l’âge de 65 ans. Invoquant l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté), le requérant se plaint d’avoir été arrêté et placé en détention provisoire de manière arbitraire, en méconnaissance de la loi n° 6216 relative à l’établissement de la Cour constitutionnelle et à la procédure devant celle-ci. Invoquant l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté), il allègue également qu’il n’existait aucun élément concret prouvant qu’il y avait des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis une infraction pénale rendant nécessaire son placement en détention provisoire. Invoquant l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté), il dénonce la durée de sa détention provisoire et le défaut de motivation des décisions relatives à son maintien en détention provisoire. Il se plaint également que des mesures alternatives à sa détention provisoire n’aient pas été envisagées. Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale ainsi que du domicile), le requérant se plaint de l’irrégularité de la perquisition effectuée à son domicile, le mandat de perquisition ayant été délivré sans l’autorisation préalable de la Cour constitutionnelle contrairement aux dispositions spécifiques concernant les juges de la haute juridiction. Il dénonce aussi une absence de contrôle effectif à cet égard. Invoquant l’article 6 (droit à un procès équitable), le requérant se plaint d’un manque d’impartialité et d’indépendance des juges de paix, ainsi que d’une atteinte au principe de l’égalité des armes à raison d’une restriction d’accès au dossier d’enquête. La Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : Violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme à raison de l’illégalité de l’arrestation et de la mise en détention provisoire du requérant. La Cour estime que la mise en détention du requérant, dans des conditions qui l’ont privé du bénéfice des garanties procédurales accordées aux membres de la Cour constitutionnelle, ne s’est pas déroulée selon les voies légales. Violation l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) à raison de l’absence de raisons plausibles, au moment de la mise en détention provisoire du requérant, de soupçonner celui-ci d’avoir commis une infraction. La Cour estime que les soupçons qui pesaient sur le requérant au moment de son arrestation et de son placement en détention provisoire n’atteignaient pas le niveau minimum de plausibilité exigé. Bien qu’imposée sous le contrôle du système judiciaire, cette mesure de détention reposait sur un simple soupçon d’appartenance à une organisation armée. Pareil degré de suspicion ne saurait suffire à justifier un ordre de placement en détention d’une personne. Violation de l’article 5 § 3 (droit à la liberté et à la sûreté : motivation des décisions relatives à la détention provisoire et durée de celle-ci). La Cour estime qu’il n’y avait pas de motifs pertinents et suffisants pour maintenir le requérant en détention provisoire pendant plus de deux ans et huit mois dans l’attente de son jugement. Elle note aussi que des mesures alternatives à la détention provisoire n’ont pas été mises en place. Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée, familiale et du domicile). La perquisition du domicile du requérant ayant été effectuée sans que l’assemblée plénière de la Cour constitutionnelle ne se fût prononcée sur cette mesure (procédure prévue par l’article 17 § 3 de la loi no 6216), la Cour estime que l’ingérence dans le droit au respect du domicile de du requérant n’était donc pas « prévue par la loi ». En ce qui concerne le grief relatif au manque d’impartialité et d’indépendance des juges de paix, la Cour le déclare irrecevable, à la majorité, estimant qu’il est manifestement mal fondé. La Cour dit que la Turquie doit verser au requérant 20 000 euros pour dommage moral. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:0629JUD000615818 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Privation de liberté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-211036 |