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Titre : | Arrêt relatif au fait qu'un citoyen de l’Union qui a fait l’objet d’une décision d’éloignement ne peut bénéficier d’un nouveau droit de séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil qu’après avoir mis fin à son séjour sur ce territoire de manière réelle et effective : FS (Pays-Bas) |
Auteurs : | Grande chambre, Cour de justice de l'Union européenne, Auteur ; Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 22/06/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C‑719/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Pays-Bas [Mots-clés] Droit européen [Mots-clés] Mesure d'éloignement [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Contentieux [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Liberté d'aller et venir [Mots-clés] Ressortissant UE [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté |
Résumé : |
Par décision du 1er juin 2018, le Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (secrétaire d’État à la justice et à la sécurité, Pays-Bas, ci-après le «secrétaire d’État») a considéré que FS, de nationalité polonaise, était en séjour irrégulier sur le territoire néerlandais, car il ne remplissait plus les conditions prévues à l’article7 de la directive 2004/38, relatif au droit de séjour de plus de trois mois, et lui a ordonné de quitter le territoire néerlandais. Par décision du 25septembre 2018 (ci-après la «décision d’éloignement»), le secrétaire d’État a déclaré non fondée la réclamation que FS avait introduite contre la décision précédente. Il a fixé un délai de quatre semaines pour un départ volontaire -expirant le 23octobre 2018 -au-delà duquel FS pourrait être éloigné à cause de son séjour irrégulier.
En toute hypothèse, FS a quitté les Pays-Bas le 23 octobre 2018 au plus tard, puisque la police allemande l’a arrêté à cette date pour un vol à l’étalage. FS a déclaré résider en Allemagne, près de la frontière néerlandaise. Il a expliqué par ailleurs que, du fait de sa dépendance à la marijuana, il allait quotidiennement aux Pays-Bas pour en acheter. Le 22novembre 2018, il a été appréhendé dans un supermarché situé aux Pays-Bas pour un vol. À la suite de son arrestation et de son placement en rétention policière, le secrétaire d’État a placé FS en rétention administrative en vue de l’éloigner vers son pays d’origine. Cette décision était motivée par le risque que FS se soustraie au contrôle des étrangers et qu’il évite ou empêche la préparation du départ ou de la procédure d’éloignement. Par un jugement prononcé en décembre 2018, le rechtbank Den Haag, zittingsplaats Groningen (tribunal de La Haye, siégeant à Groningue, Pays-Bas) a rejeté comme étant non fondé le recours introduit par FS contre la décision de rétention. FS a interjeté appel de ce jugement devant le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), la juridiction de renvoi. Cette juridiction relève que la décision d’éloignement adoptée à l’égard de FS est une décision d’éloignement au sens de l’article15 de la directive «séjour». Selon cette même juridiction, la légalité du placement en rétention de FS à la suite de son retour aux Pays-Bas dépend du point de savoir s’il bénéficiait à nouveau d’un droit de séjour à la date de ce placement en rétention. En conséquence, la Cour a été invitée à se prononcer sur les circonstances dans lesquelles un citoyen de l’Union ayant fait l’objet d’une décision d’éloignement prise pour des raisons autres que d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique peut se prévaloir d’un nouveau droit de séjour dans l’État membre d’accueil.Par son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour juge qu’une décision d’éloignement d’un citoyen de l’Union du territoire de l’État membre d’accueil, adoptée sur le fondement de l’article15, paragraphe 1, de la directive «séjour», au motif que ce citoyen de l’Union ne bénéficie plus d’un droit de séjour temporaire sur ce territoire en vertu de cette directive, n’est pas pleinement exécutée du seul fait que ledit citoyen de l’Union a quitté physiquement ledit territoire dans le délai que ladite décision fixe pour son départ volontaire. La Cour énonce en outre que, afin de bénéficier d’un nouveau droit de séjour au titre de l’article 6, paragraphe 1, de cette directive sur le même territoire, le citoyen de l’Union quia fait l’objet d’une telle décision d’éloignement doit non seulement avoir quitté physiquement le territoire de l’État membre d’accueil, mais également avoir mis fin à son séjour sur ce territoire de manière réelle et effective, de telle sorte que, à l’occasion de son retour sur ledit territoire, il ne saurait être considéré que son séjour s’inscrit, en réalité, dans la continuité de son séjour précédent sur le même territoire. Pour parvenir à cette conclusion, en premier lieu, la Cour examine si le seul départ physique d’un citoyen de l’Union de l’État membre d’accueil suffit afin qu’une décision d’éloignement prise à son égard au titre de l’article15, paragraphe 1, de la directive «séjour» puisse être considérée comme ayant été pleinement exécutée. À cet égard, la Cour observe que les effets dans le temps d’une telle décision d’éloignement ne ressortent pas du libellé de cette directive. Ayant ensuite égard à l’objectif poursuivi par cette disposition et au contexte dans lequel elle s’inscrit, ainsi qu’à la finalité de cette directive, la Cour observe que la possibilité offerte à l’État membre d’accueil d’éloigner le citoyen de l’Union ne se trouvant plus en séjour régulier sur son territoire s’inscrit dans l’objectif spécifique prévu par la directive «séjour», consistant à éviter que les citoyens de l’Union et les membres de leurs familles ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant leur séjour temporaire. La Cour indique, en outre, qu’une interprétation qui consisterait à énoncer que le seul départ physique du citoyen de l’Union est suffisant aux fins de l’exécution d’une décision d’éloignement conduirait à permettre à celui-ci de se prévaloir de multiples séjours temporaires successifs dans un État membre afin d’y séjourner, en réalité, de manière pérenne, alors qu’un tel citoyen ne remplirait pas les conditions du droit de séjour permanent prévues par la directive «séjour». Selon la Cour, une telle interprétation serait incohérente avec le contexte global de la directive «séjour», laquelle a prévu un système graduel en ce qui concerne le droit de séjour dans l’État membre d’accueil, qui aboutit au droit de séjour permanent. En outre, la Cour estime que l’octroi d’un délai minimal d’un mois à compter de la notification de la décision d’éloignement pour exécuter celle-ci, en ce qu’il permet au citoyen en cause de préparer son départ, milite en faveur d’interpréter l’article15, paragraphe 1, de la directive «séjour» en ce sens que l’exécution d’une décision d’éloignement a lieu lorsque ce citoyen met un terme réel et effectif à son séjour sur ce territoire.En deuxième lieu, la Cour procure des indications utiles à la juridiction de renvoi afin que celle-ci puisse déterminer, sur la base d’une appréciation globale de l’ensemble des circonstances du litige dont elle est saisie, si le citoyen de l’Union en cause a mis fin à son séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil de manière réelle et effective, de telle sorte que la décision d’éloignement dont il a fait l’objet a été pleinement exécutée. À ce titre, la Cour énonce tout d’abord qu’imposer à un tel citoyen, dans tous les cas, de s’absenter de l’État membre d’accueil pendant une période minimale, par exemple,de trois mois, afin de pouvoir se prévaloir d’un nouveau droit de séjour dans État membre, en vertu de l’article6, paragraphe 1, de cette directive, reviendrait à subordonner l’exercice de ce droit fondamental à une limitation non prévue par les traités ni par cette directive. Toutefois, la durée passée par cette personne en dehors du territoire de l’État membre d’accueil à la suite de l’adoption de la décision d’éloignement prise peut revêtir une certaine importance, dans la mesure où plus l’absence de l’intéressé du territoire de l’État membre d’accueil est longue, plus elle atteste du caractère réel et effectif de la fin de son séjour. Par ailleurs, parmi les autres indications utiles fournies par la Cour, cette dernière souligne l’importance de l’ensemble des éléments attestant une rupture des liens entre le citoyen de l’Union concerné et l’État membre d’accueil, tels que la résiliation d’un contrat de bail ou un déménagement. La Cour précise que la pertinence de tels éléments doit être appréciée par l’autorité nationale compétente au vu de l’ensemble des circonstances concrètes caractérisant la situation spécifique du citoyen de l’Union concerné. En dernier lieu, la Cour précise les conséquences de l’absence d’exécution d’une décision d’éloignement. À ce sujet, la Cour indique que s’il résulte d’une telle vérification que le citoyen de l’Union n’a pas mis fin à son séjour temporaire sur le territoire de l’État membre d’accueil de manière réelle et effective, cet État membre n’est pas obligé d’adopter une nouvelle décision d’éloignement sur la base des mêmes faits ayant donné lieu à la décision d’éloignement déjà prise à l’encontre de ce citoyen, mais peut se fonder sur cette dernière décision afin d’obliger celui-ci à quitter son territoire. Toutefois, la Cour précise qu’un changement matériel de circonstances qui permettrait au citoyen de l’Union de remplir les conditions prévues à l’article 7 de la directive «séjour», concernant le droit de séjour de plus de trois mois, priverait la décision d’éloignement dont il fait l’objet de tout effet et imposerait, malgré la non-exécution de celle-ci, de considérer son séjour sur le territoire de l’État membre concerné comme régulier. Concernant la possibilité, pour un État membre, de vérifier si une telle décision d’éloignement a été pleinement exécutée, malgré les limitations imposées par le droit de l’Union à de tels contrôles, certaines dispositions de la directive «séjour» visent à permettre à l’État membre d’accueil de veiller à ce que le séjour temporaire des ressortissants d’autres États membres sur son territoire se fasse de manière conforme à cette directive. Enfin, la Cour énonce qu’une décision d’éloignement prise à l’encontre d’un citoyen de l’Union, au titre de l’article 15, paragraphe 1, de la directive «séjour»,ne saurait lui être opposée, lorsque, au titre de l’article5 de cette directive, qui prévoit le droit d’entrée sur le territoire de l’État membre d’accueil, ce citoyen se rend ponctuellement sur ce territoire à des fins autres que d’y séjourner. |
ECLI : | EU:C:2021:506 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
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