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Titre : | Constatations relatives à la prise en charge et la procédure de détermination de l'âge d'un jeune étranger non accompagné : A.D. c. Espagne : Constatations concernant la communication n° 21/2017 |
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Auteurs : | Comité des droits de l'enfant (CRC), ONU, Auteur ; Organisation des Nations unies (ONU), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 04/02/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | CRC/C/83/D/21/2017 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Espagne [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Droit à la préservation de son identité [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Papiers d'identité [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Âge [Mots-clés] Détermination de l'âge osseux [Mots-clés] Examen médical [Mots-clés] Avocat [Mots-clés] Tutelle [Mots-clés] Asile |
Résumé : |
L'affaire concerne la procédure de détermination de l'âge d'un présumé enfant non accompagné demandeur d'asile.
Devant le Comité des droits de l'enfant, le jeune se plaint de plusieurs violations de la Convention des droits de l'enfant (CIDE) par l'Espagne. Le Défenseur des droits est intervenu devant le Comité en qualité de tiers-intervenant. Le Comité constate des violations par l’Espagne des articles 3 (intérêt supérieur de l’enfant), 8 (droit à une identité), 12 (droit d’exprimer son opinion), 20 (droit à une protection de l’Etat) et 22 (protection et assistance humanitaire) de la CIDE ainsi que de l’article 6 du Protocole facultatif à la Convention (mesures provisoires). Le Comité rappelle que la détermination de l’âge d’une personne jeune qui affirme être mineure revêt une importance capitale, puisque le résultat de cette procédure permet d’établir si la personne en question peut ou non prétendre à la protection nationale en qualité d’enfant. De même, et cela est extrêmement important pour le Comité, la jouissance des droits énoncés dans la Convention est liée à cette détermination. Il est donc impératif que l’âge soit déterminé selon une procédure régulière, dont les résultats pourront être contestés par voie de recours. Tant que les procédures susmentionnées sont en cours, il faudrait accorder à l’intéressé le bénéfice du doute et le traiter comme un enfant. Le Comité rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale tout au long de la procédure de détermination de l’âge. Le Comité rappelle également que les documents disponibles devraient être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire. En l’absence de documents d’identité ou d’autres moyens appropriés, « [p]our obtenir une estimation éclairée de l’âge, les États devraient procéder à une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant, qui soit effectuée par des pédiatres et d’autres professionnels capables de combiner différents aspects du développement. Ces évaluations devraient être faites sans attendre, d’une manière respectueuse de l’enfant, qui tienne compte de son sexe et soit culturellement adaptée, et comporter des entretiens avec l’enfant, dans une langue que celui-ci comprend. […] La personne évaluée devrait avoir le bénéfice du doute ». En l'espèce, le Comité constate qu'afin de déterminer l'âge du jeune, qui était sans papiers lorsqu'il est entré sur le territoire espagnol, les autorités ont soumis l’intéressé à des examens médicaux consistant en une radiographie de sa main gauche, sans qu’aucun autre examen complémentaire, notamment aucune expertise psychologique, ne soit pratiqué et, d’après les informations dont le Comité dispose, sans que le moindre entretien ne soit conduit avec l’intéressé dans le cadre de cette procédure. A l'issue de ces examens, l’hôpital concerné a déterminé que l’âge osseux du jeune se situait entre 18 et 19 ans selon l’atlas de Greulich et Pyle, sans tenir compte du fait que les résultats d’un tel examen, qui ne permet pas d’établir des marges d’écart type pour cette tranche d’âge, ne peuvent pas nécessairement être extrapolés aux personnes présentant les caractéristiques de l'intéressé. Sur la base du résultat de cet examen médical, le parquet a rendu une décision par laquelle il déclarait l'intéressé majeur et après que ce dernier a présenté son acte de naissance, le juge compétent a conclu que l’intéressé était mineur et l’a confié aux services de protection de l’enfance. Par la suite, le parquet spécialisé dans la protection des mineurs a convoqué le jeune pour lui faire subir de nouveaux examens médicaux. L'intéressé ayant refusé de se soumettre à ces examens, le parquet l’a déclaré majeur, ce qui a mis fin à sa prise en charge par les services de protection des mineurs. Enfin, le Comité note que l'intéressé n’était pas accompagné d’un tuteur pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis. Le Comité considère que la procédure de détermination de l'âge à laquelle a été soumis le jeune, qui a affirmé être un enfant et a présenté des preuves à l'appui de ses dires, n'a pas été assortie des garanties nécessaires à la protection des droits que l'intéressé tient de la Convention. Et compte tenu en particulier que l'intéressé n’a pas bénéficié de la présence d’un représentant pendant la procédure, que les documents qu’il a fournis, notamment son passeport, ont été jugés sans valeur probante, et que l’État n’a pas demandé confirmation aux autorités consulaires du pays d'origine comme il aurait pu le faire en cas de doute, le Comité considère que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été une considération primordiale pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle le jeune a été soumis, ce qui constitue une violation des articles 3 et 12 de la Convention. Le Comité note également que le jeune affirme que l’État partie a violé les droits qu’il tient de l’article 8 de la Convention car il a porté atteinte à certains éléments de son identité en lui attribuant un âge qui ne correspondait pas aux informations figurant sur le document officiel délivré par son pays d’origine. Le Comité considère que la date de naissance d’un enfant fait partie de son identité et que les États sont tenus de respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, sans le priver d’aucun des éléments qui la constituent. En l’espèce, il constate que l’État partie n’a pas respecté l’identité du jeune dès lors qu’il a refusé d’accorder toute valeur probante à l’acte de naissance attestant sa minorité, sans même en avoir contrôlé la validité ni avoir vérifié les données qui y figuraient auprès des autorités du pays d’origine de l'intéressé. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a commis une violation de l’article 8 de la Convention. Le Comité prend également note des affirmations du jeune, non contestées par l’État partie, concernant le fait que l’État ne l’a pas protégé dans la situation d’abandon et de grande vulnérabilité dans laquelle il se trouvait en tant que mineur migrant non accompagné, et la contradiction qu’il y a à déclarer l'intéressé majeur tout en exigeant qu’il ait un tuteur pour effectuer des démarches administratives telles que, par exemple, celles liées à la santé. Il constate que le jeune n’a pas été protégé, même après qu’il a présenté aux autorités espagnoles son acte de naissance, qui confirmait sa qualité d’enfant, et alors qu’un juge avait décidé sa prise en charge par le système de protection des mineurs, en raison d’une décision rendue par le parquet du simple fait qu’il refusait de se soumettre à des examens médicaux dont la précision est sérieusement remise en question. En conséquence, le Comité considère que ces faits constituent une violation du paragraphe 1 de l’article 20. Enfin, concernant les mesures provisoires, le Comité note de l’argument de l’État partie selon lequel le placement de l’auteur dans un centre de protection de l’enfance pourrait faire courir un risque important aux enfants qui se trouvent dans ce centre. Il observe toutefois que cet argument est fondé sur l’hypothèse que le jeune est majeur. Il estime que le risque encouru est bien plus grand lorsqu’une personne potentiellement mineure est envoyée dans un centre accueillant uniquement des personnes reconnues comme adultes. En conséquence, il considère que la non-application de la mesure provisoire demandée constitue en soi une violation de l’article 6 du Protocole facultatif. L'Espagne est tenu d’accorder à l'intéressé une réparation effective pour les violations subies, y compris de lui donner la possibilité de régulariser sa situation administrative en l'Espagne, en tenant dûment compte du fait qu’il était un enfant non accompagné lorsqu’il a présenté sa demande d’asile pour la première fois. Il a également l’obligation de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas. à cet égard, le Comité lui recommande : a) De veiller à ce que toute procédure visant à déterminer l’âge de jeunes gens affirmant être mineurs soit conforme à la Convention et, en particulier : i) qu’au cours de cette procédure, les documents soumis par les intéressés soient pris en considération et que, dès lors qu’ils ont été établis ou que leur validité a été confirmée par l’État concerné ou son ambassade, leur authenticité soit reconnue ; ii) que les jeunes gens concernés se voient assigner sans délai et gratuitement un représentant légal qualifié ou un autre représentant, que les avocats privés désignés pour les représenter soient reconnus et que tous les représentants légaux ou autres représentants soient autorisés à les assister au cours de la procédure ; b) De faire en sorte qu’un tuteur compétent soit désigné dans les meilleurs délais pour veiller aux intérêts des jeunes demandeurs d’asile non accompagnés qui affirment avoir moins de 18 ans, afin que ceux-ci puissent demander l’asile en qualité de mineurs, même lorsque la procédure visant à déterminer leur âge est en cours ; c) De mettre en place un mécanisme de réparation efficace et accessible aux jeunes migrants non accompagnés affirmant avoir moins de 18 ans afin qu’ils puissent contester les décisions des autorités les déclarant majeurs dans les cas où la détermination de leur âge n’a pas été assortie des garanties nécessaires à la protection de leur intérêt supérieur et de leur droit d’être entendu ; d) De dispenser aux agents des services de l’immigration, aux policiers, aux fonctionnaires du parquet, aux juges et aux autres professionnels concernés des formations sur les droits des enfants migrants, et en particulier sur les observations générales conjointes nos 6, 22 et 23 du Comité. Le Comité rappelle qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait ou non violation de la Convention et des deux Protocoles facultatifs thématiques s’y rapportant. Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif, le Comité souhaite recevoir de l'Espagne, dès que possible et dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. Il demande en outre à l’État partie d’inclure des informations sur ces mesures dans les rapports qu’il présentera au titre de l’article 44 de la Convention. Enfin, l’État partie est invité à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
En ligne : | https://juris.ohchr.org/Search/Details/2633 |
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