Document public
Titre : | Constatations relatives à la prise en charge et la procédure de détermination de l'âge d'un jeune étranger non accompagné : M.T. c. Espagne : Constatations concernant la communication n° 17/2017 |
Voir aussi : | |
est cité par : |
|
Auteurs : | Comité des droits de l'enfant (CRC), ONU, Auteur ; Organisation des Nations unies (ONU), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 18/09/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | CRC/C/82/D/17/2017 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Espagne [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Droit à la préservation de son identité [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Papiers d'identité [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Âge [Mots-clés] Détermination de l'âge osseux [Mots-clés] Examen médical [Mots-clés] Avocat [Mots-clés] Tutelle [Mots-clés] Asile |
Résumé : |
L'affaire concerne un jeune étranger arrivé en Espagne en provenance du Maroc à bord d'une embarcation de fortune sans documents d'identité. Dès son arrivée, il soutenu être mineur. Sans l'avoir entendu, ni procédé aux vérifications afin de déterminer son âge, un tribunal a ordonné son placement dans un centre de rétention pour étrangers majeurs, où il est resté pendant quinze jours. Deux mois plus tard, il a reçu de la part d'un proche des documents d'état civil attestant son minorité et confirmant son identité. Pendant toute la durée de ses démarches afin d'obtenir une protection en qualité de mineur non accompagné, il était hébergé au sein d'un centre de hébergement conçu pour des personnes majeures. Il a tenté en vain de déposer une demande d'asile, mais cette démarche lui a été refusée au motif qu'étant mineur, sa demande d'asile ne pouvait être enregistrée en l'absence d'un tuteur légal.
Il indique que les autorités n'ont cessé de lui demander de se soumettre à des examens visant à déterminer son âge, mais il a refusé au motif qu’il disposait de documents établissant qu’il était mineur. Devant le Comité des droits de l'enfant, le jeune homme se plaint de plusieurs violations de la Convention des droits de l'enfant (CIDE) par l'Espagne. Le Défenseur des droits est intervenu devant le Comité en qualité de tiers-intervenant. Le Comité constate des violations par l’Espagne des articles 3 (intérêt supérieur de l’enfant), 8 (droit à une identité), 12 (droit d’exprimer son opinion), 20 (droit à une protection de l’Etat) et 22 (protection et assistance humanitaire) de la CIDE ainsi que de l’article 6 du Protocole facultatif à la Convention (mesures provisoires). Le Comité considère qu'en l'espèce, la procédure de détermination de l'âge à laquelle a été soumis le jeune, qui a affirmé être un enfant et a présenté des preuves à l'appui de ses dires, n'a pas été assortie des garanties nécessaires à la protection des droits que l'intéressé tient de la Convention. Et compte tenu en particulier que l'intéressé n’a pas bénéficié de la présence d’un représentant pendant la procédure, que les documents qu’il a fournis, notamment son passeport, ont été jugés sans valeur probante, et que l’État n’a pas demandé confirmation aux autorités consulaires du pays d'origine comme il aurait pu le faire en cas de doute, le Comité considère que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été une considération primordiale pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle le jeune a été soumis, ce qui constitue une violation des articles 3 et 12 de la Convention. Le Comité considère également que le fait que les autorités n’ont pas assigné de tuteur à l'intéressé pour qu’il puisse demander l’asile en tant que mineur, alors qu'il était en possession de documents officiels attestant sa minorité, a eu pour conséquence de le priver de la protection spéciale qui doit être accordée aux mineurs non accompagnés demandeurs d’asile et l’a exposé à un risque de dommage irréparable en cas de renvoi vers son pays d’origine, en violation des articles 20 §1 et 22 de la Convention. Il observe que l'Espagne affirme que l’acte de naissance et le certificat de nationalité présentés par le jeune ne pouvaient pas être considérés comme une preuve de minorité parce qu’ils ne contenaient pas de données biométriques, que la date de naissance indiquée sur le certificat de nationalité avait été modifiée et que l’empreinte digitale figurant sur le certificat d’identité ne correspondait pas à celles de l’auteur. Le Comité observe également que le jeune a informé les autorités à plusieurs reprises qu’il avait demandé un passeport à l’Ambassade de son pays d'origine en Espagne et que, quand ce passeport lui a été délivré, il leur en a soumis une copie. Le Comité considère que l’État partie n’a pas respecté l’identité du jeune lorsqu’il a refusé d’accorder une valeur probante à l’acte de naissance et au passeport présentés par l'intéressé sans avoir vérifié les données figurant sur ces documents auprès des autorités du pays d’origine. En conséquence, le Comité conclut que l’État partie a violé l’article 8 de la Convention. Ayant conclu à une violation des articles 3, 8, 12, 20§1 et 22 de la Convention, le Comité ne juge pas nécessaire d’examiner si les mêmes faits constituent une violation distincte de l’article 2 de la Convention. Enfin, concernant les mesures provisoires, le Comité note que l’État partie affirme que le transfert de l'intéressé dans un centre de protection des mineurs pourrait mettre gravement en danger les enfants accueillis dans ces centres. Il fait toutefois observer que cet argument repose sur l’idée que l’auteur est majeur. Il estime que le plus risqué est d’envoyer une personne potentiellement mineure dans un centre qui n’accueille que des individus reconnus comme adultes. Il observe également que l’État partie n’a jamais assigné de tuteur à l’auteur pour qu’il puisse soumettre sa demande d’asile en tant mineur et qu’il n’a reconnu la date de naissance de l'intéressé qu’une fois que celui-ci était majeur. Par conséquent, le Comité considère que la non-application de la mesure provisoire demandée constitue en soi une violation de l’article 6 du Protocole facultatif. L'Espagne est tenu d’accorder à l'intéressé une réparation effective pour les violations subies, y compris de lui donner la possibilité de régulariser sa situation administrative en l'Espagne, en tenant dûment compte du fait qu’il était un enfant non accompagné lorsqu’il a présenté sa demande d’asile pour la première fois. Il a également l’obligation de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas. à cet égard, le Comité lui recommande : a) De veiller à ce que toute procédure visant à déterminer l’âge de jeunes gens affirmant être mineurs soit conforme à la Convention et, en particulier : i) qu’au cours de cette procédure, les documents soumis par les intéressés soient pris en considération et que, dès lors qu’ils ont été établis ou que leur validité a été confirmée par l’État concerné ou son ambassade, leur authenticité soit reconnue ; ii) que les jeunes gens concernés se voient assigner sans délai et gratuitement un représentant légal qualifié ou un autre représentant, que les avocats privés désignés pour les représenter soient reconnus et que tous les représentants légaux ou autres représentants soient autorisés à les assister au cours de la procédure ; b) De faire en sorte qu’un tuteur compétent soit désigné dans les meilleurs délais pour veiller aux intérêts des jeunes demandeurs d’asile non accompagnés qui affirment avoir moins de 18 ans, afin que ceux-ci puissent demander l’asile en qualité de mineurs, même lorsque la procédure visant à déterminer leur âge est en cours ; c) De mettre en place un mécanisme de réparation efficace et accessible aux jeunes migrants non accompagnés affirmant avoir moins de 18 ans afin qu’ils puissent contester les décisions des autorités les déclarant majeurs dans les cas où la détermination de leur âge n’a pas été assortie des garanties nécessaires à la protection de leur intérêt supérieur et de leur droit d’être entendu ; d) De dispenser aux agents des services de l’immigration, aux policiers, aux fonctionnaires du parquet, aux juges et aux autres professionnels concernés des formations sur les droits des enfants migrants, et en particulier sur les observations générales conjointes nos 6, 22 et 23 du Comité. Le Comité rappelle qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait ou non violation de la Convention et des deux Protocoles facultatifs thématiques s’y rapportant. 16.Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif, le Comité souhaite recevoir de l'Espagne, dès que possible et dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux présentes constatations. Il demande en outre à l’État partie d’inclure des informations sur ces mesures dans les rapports qu’il présentera au titre de l’article 44 de la Convention. Enfin, l’État partie est invité à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
En ligne : | https://juris.ohchr.org/Search/Details/2597 |
Est accompagné de : |