Document public
Titre : | Ordonnance de référé relative aux aménagements des épreuves du diplôme national du brevet devant être accordés à un collégien souffrant de dyspraxie, de dysgraphie ainsi que des troubles du comportement |
Auteurs : | Tribunal administratif de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 03/06/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2111106 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Handicap cognitif [Mots-clés] Éducation [Mots-clés] Droit à l'éducation [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Collège [Mots-clés] Établissement d'enseignement [Mots-clés] Etablissement privé d'enseignement [Mots-clés] Aménagement des épreuves [Mots-clés] Procédure de référé |
Résumé : |
Les requérants sont les parents d'un enfant âgé de 15 ans, souffrant de dyspraxie visuo-spatiale, d'un fonctionnement cognitif dysharmonique et de troubles du comportement, scolarisé depuis la rentrée 2017/2018 au sein d'un établissement d'enseignement privé sous contrat avec l’État.
A compter du mois de janvier 2018, il a bénéficié d'un plan d'accompagnement personnalisé lui ayant permis de s'intégrer davantage dans le milieu scolaire. Ce plan prévoit dix aménagements, en particulier, la limitation des copies et des écrits, le recours à l’informatique, l’octroi d’un temps majoré, également appelé « tiers temps », une tolérance sur la présentation dans les matières scientifiques, et sur les fautes en français, ainsi que les « dictées à trous ». En novembre 2020, en vue des épreuves du diplôme national du brevet (DNB) se déroulant en juin 2021, les parents ont déposé un dossier auprès de la commission des droits de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), par lequel ont été demandés cinq des dix aménagements contenus dans le plan personnalisé. Le médecin désigné par la CDAPH a émis un avis favorable à l'utilisation de l'ordinateur mais ne s'est pas prononcé sur le temps majoré et a rejeté les autres aménagements demandés. Le service inter-académique des examens et des concours (SIEC) s'est fondé sur cet avis et a admis uniquement l'utilisation d'un ordinateur en rejetant implicitement les autres aménagements demandés. Saisie par les parents, la Défenseure des droits a décidé de présenter ses observations devant le juge dans le cadre d'un référé-liberté. Les requérants demandent au juge des référés d'enjoindre au SIEC d'accorder à leur fils, au titre des aménagements aux épreuves du DNB, en plus d'utilisation de l'ordinateur, un tiers de temps supplémentaire pour toutes les épreuves, une dictée à trous, des sujets aérés et agrandis et une dispense de l'évaluation de la copie d'épreuve de mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre, pour laquelle l'ordinateur personnel ne peut être utilisé. Le juge fait droit à leur demande sauf en ce qui concerne les sujets aérés et agrandis. Il rappelle que la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, pouvant justifier l’intervention du juge des référés, sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures. Par ailleurs, si les conditions de déroulement d’un examen ne portent pas, par elles-mêmes, et alors même qu’elles seraient entachées d’une rupture d’égalité entre les candidats, atteinte à une liberté fondamentale, il en va différemment lorsqu’est en jeu le rétablissement de l’égalité entre les candidats au profit d’une personne atteinte d’un handicap par la mise en œuvre des adaptations prévues par les dispositions du code de l'éducation. Le caractère grave et manifestement illégal d’une telle atteinte s’apprécie en tenant compte, d’une part, de l’âge de l’enfant, d’autre part, des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente au regard des moyens dont elle dispose. En l'espèce, le juge considère que la condition d'urgence doit être regardée comme établie compte tenu de la proximité des épreuves qui auront lieu dans moins d'un mois, du temps nécessaire à la mise en place des aménagements demandés et de l'anxiété que peut faire naître chez l'enfant l'incertitude dans laquelle il se trouve quant à la possibilité de pouvoir bénéficier de tels aménagements. Ensuite, il considère que l'autorité administrative, qui n'est pas liée par l'avis du médecin désigné par la CDPAH, peut, dans son appréciation, et afin de ne pas exposer l'enfant à des conditions de composition qui ne lui seraient pas familières, tenir compte du plan d'accompagnement personnalisé accordé et actualisé chaque année par l'établissement d'accueil, ainsi qu'il est préconisé dans une circulaire ministérielle de 2015, visée dans l'avis précité. Le juge considère que l'octroi du tiers temps, dont bénéficie l'enfant depuis trois ans, apporterait une compensation à son handicap. Le juge estime qu'en effet, si SIEC évoque une "dyspraxie légère", il doit être tenu compte des troubles du comportement diagnostiqués en 2017, dans la mesure où ils entraînent un retard médicalement établi et persistant pour l’intéressé lors du passage à l’écrit et en situation d’examen. En outre, les bulletins scolaires, faisant apparaître des résultats se situant dans la moyenne ou au-dessus de cette dernière, ne peuvent être regardés comme attestant de l’absence de besoins d’aménagements alors que la plan d’accompagnement personnalisé mis en place au profit du jeune comporte cinq aménagements de plus que ceux qui ont été demandés pour l’examen. Le juge considère que, s'il ne peut être écarté qu’ils aient contribué à une amélioration des capacités de l’élève à l’écrit, aucun élément du dossier, ne permet d’estimer que les effets du handicap dont est affecté l'élève aurait été significativement réduits. Enfin, il considère que le score obtenu par l'enfant par application d'une grille et qui serait inférieur « au seuil d’éligibilité » au tiers temps ne saurait être regardé comme un indicateur pertinent dès lors que la demande concerne la « dyslexie » et non la « dyspraxie », même si cette dernière fait l’objet d’une mention manuscrite au titre d’un « trouble associé ». En ce qui concerne les autres aménagements demandés et non accordés, soit une dictée à trous, une dispense de l’évaluation de la présentation de la copie à l’épreuve de mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la Terre, pour laquelle l’ordinateur personnel ne peut être utilisé, et des sujets aérés et agrandis, le juge considère qu'il a lieu d’écarter ce dernier aménagement dès lors qu'il n'est pas prévu par l’arrêté du 10 octobre 2016 relatif à l'adaptation et à la dispense de certaines épreuves ou parties d'épreuves à l'examen du DNB pour les candidats présentant un handicap ou bénéficiant d'un plan d'accompagnement personnalisé. Le juge considère, qu'en revanche, les trois premiers apparaissent de nature à compenser la dysgraphie constatée. Le juge conclut que l’aménagement accordé et consistant dans l’utilisation de l’ordinateur personnel n’apporterait pas à l'élève une compensation suffisante de son handicap de dyspraxie et de dysgraphie, de sorte que l’octroi d’un tiers temps supplémentaire lors de l’examen, de la dictée à trous et de la dispense de l’évaluation de la présentation dans les matières scientifiques, laquelle, contrairement à ce que fait valoir l'administration, est réglementairement prévue par l’arrêté du 10 octobre 2016, apparaît justifié par les éléments précis et circonstanciés qui ont été produits, sans que puisse être opposée une « surcompensation » au profit de l'enfant. Le juge considère que l'administration, qui s'est référée à l'avis médical laconique et incomplet du médecin désigné par la CDAPH, ainsi qu'à la grille d'évaluation dont la pertinence n’est pas justifiée, doit ainsi être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il enjoint au SIEC d'accorder à l'enfant, sous dix jours, les aménagements non accordés et la dispense pour les épreuves du DNB de la session 2021. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Handicap - Autonomie |
Est accompagné de : |
Documents numériques (1)
JP_TA_Paris_20210603_2111106 Adobe Acrobat PDF |