Document public
Titre : | Arrêt relatif à la condamnation de l'État pour faute lourde en raison du caractère discriminatoire des contrôles d’identité de trois lycéens, d'origine étrangère, à la sortie d’un train en provenance de l’étranger alors qu’ils rentraient d’un voyage scolaire |
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est cité par : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/06/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 19/00865 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Contrôle d'identité [Mots-clés] Profilage ethnique [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Lycée [Mots-clés] Transport [Mots-clés] Transport public [Mots-clés] Transport ferroviaire [Mots-clés] Preuve [Mots-clés] Sortie scolaire |
Résumé : |
L’affaire concerne trois élèves de classe terminale ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité par les forces de l’ordre, alors qu’ils se trouvaient dans l’enceinte d’une gare ferroviaire et qu’ils sortaient d’un train en provenance de Belgique, en compagnie de professeurs et d’autres élèves, de retour d’un voyage scolaire. Estimant avoir étés victimes d’un contrôle d’identité discriminatoire fondé sur leur origine en violation du droit européen, international et la loi du 27 mai 2018, les trois élèves ont assigné l’agent judiciaire de l’État, sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, en paiement par l’État d’une somme au titre du préjudice moral qu’ils estiment avoir subi.
Le Défenseur des droits a présenté des observations en justice tant en première instance qu'en appel. Il soutient que la charge de la preuve doit être aménagée et que le faisceau d’indices présenté en l’espèce est suffisant pour laisser présumer l’existence d’une discrimination. Il conclut qu'il appartient à l’État de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le tribunal de première instance a rejeté la requête des intéressés et les a condamné aux dépenses. Il a conclu que les contrôles, effectuées dans un objectif légitime de maintien de l’ordre, sans discrimination fondée sur l’origine, ne pouvaient pas être considérées comme ayant été discriminatoires. Il a ajouté qu’il ne pouvait être reproché aux services de police de n’avoir contrôlé que trois élèves, dès lors qu’à la suite de la réquisition du procureur, seuls des contrôles aléatoires pouvaient être effectués. La cour d'appel infirme le jugement de première instance. Elle considère que la faute lourde résultant d'une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi, au sens de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, doit être regardée comme constituée lorsqu'il est établi qu'un contrôle d'identité présente un caractère discriminatoire et tel est le cas, notamment, d'un contrôle d'identité réalisé selon des critères tirés de caractéristiques physiques associées à une origine, réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable. La cour ajoute qu'il appartient à celui qui s'en prétend victime d'apporter des éléments de fait de nature à traduire une différence de traitement laissant présumer l'existence d'une discrimination et, le cas échéant, à l'administration de démontrer, soit l'absence de différence de traitement, soit que celle-ci est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En l'espèce, la cour considère que les contrôles concomitants d’un premier élève à sa descente du train et de deux autres élèves dans le hall de la zone des trains de la gare du Nord ont été opérés sur trois jeunes gens de sexe masculin faisant partie d’un groupe de 18 élèves dont 13 filles et que ceux-ci étaient d’origine comorienne, malienne et marocaine sans qu’il apparaisse, ainsi que relevé par les témoins, que des personnes non issues de “minorités visibles” provenant du même train aient été dans le même temps contrôlées. Selon la cour, ces éléments constituent des indices de ce que les caractéristiques physiques des personnes contrôlées, notamment leur origine, leur âge et leur sexe, ont été la cause réelle du contrôle et mettent en évidence une différence de traitement laissant présumer l’existence d’une discrimination. La cour note que les contrôles, sauf s’ils sont suivis d’une vérification d’identité ou d’une garde à vue, ne sont pas comptabilisés et identifiés de manière précise et ne sont consignés nulle part de sorte qu’il n’en résulte aucune traçabilité. La préfecture de police a expliqué qu’à l’époque des faits, la méthode d’interrogation des fichiers de la police ne permettait pas d’établir la liste des identités soumises au contrôle par une équipe en particulier, sauf à consulter les enregistrements radio, que les agents n’étaient pas équipés de caméras piéton et que la vidéo-protection de la gare n’était conservée que 72 heures. Cependant, la cour considère qu'alors que le ministre de l’intérieur a été saisi d’une demande de justification du motif du contrôle d’identité dans les cinq jours qui ont suivi ledit contrôle, la préfecture de police aurait dû s’empresser, pour répondre aux exigences de l’effectivité de l’enquête définies par la Cour européenne des droits de l’homme en cas d’allégation de discrimination raciale, de recueillir les témoignages des policiers et autres enregistrements audiovisuels et radio encore disponibles, ce qu’elle n’a pas fait s’agissant des enregistrements radio qui étaient ainsi qu’elle l’a reconnu dans sa réponse au Défenseur des droits, exploitables pendant 62 jours. Le contrôle du requérant a été effectué par une équipe de policiers qui n'a pu être identifiée et aucune explication n'a pu être donnée sur les circonstances de ce contrôle. Quant au contrôle de deux autres lycéens concernés, le brigadier de police ayant effectué le contrôle a rédigé un rapport cinq semaines plus tard. Selon la cour, il n'est peut être soutenu que le requérant était isolé puisque des élèves et les deux accompagnateurs l'ont vu se faire contrôler. Elle estime que l'agent judiciaire échoue à établir la preuve aussi bien d'une absence de différence de traitement que d'une différence de traitement justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination. En conséquence, le contrôle d’identité est jugé discriminatoire et constitue une faute lourde de l’État. L’État est condamné à verser à chacun des trois jeunes hommes la somme de 1 500 euros en réparation du préjudice moral subi ainsi que la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
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