Document public
Titre : | Arrêt relatif au recours excessif à la force physique des policiers contre les suspects lors des perquisitions à leurs domiciles et à l'absence d'atteinte à la dignité des membres de leurs familles présents: Ilievi et Ganchevi c. Bulgarie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/06/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 69154/11 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Perquisition [Mots-clés] Menottage [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Domicile [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Manque de dignité [Mots-clés] Police nationale [Géographie] Bulgarie |
Résumé : |
Les deux requêtes concernent une opération de police effectuée aux domiciles respectifs des requérants (deux couples dont un avec un enfant âgé de dix-neuf ans), qui allèguent avoir subi des traitements inhumains et dégradants.
La Cour européenne des droits de l'homme conclut à la violation de l'article 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) dans son aspect matériel uniquement. La Cour a aussi conclu, à l’unanimité, à la violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 car ni la procédure disciplinaire en vertu de la loi sur le ministère de l’Intérieur ni l’action en dommages et intérêts contre l’État ne constituaient des voies de recours internes suffisamment effectives pour que les cinq requérants puissent faire valoir leur droit à ne pas être soumis à des traitements contraires à l’article 3. La Cour considère que l'opération policière en cause poursuivait le but légitime d’effectuer une arrestation, une perquisition et une saisie ainsi que l’objectif d’intérêt général de la répression des infractions. Les requérants n’ont pas été physiquement blessés au cours des deux interventions policières contestées et les policiers n’ont pas pénétré par effraction dans leurs domiciles respectifs. Cependant, les interventions ont impliqué un certain recours à la force physique : plusieurs policiers cagoulés et armés se sont introduits, très tôt le matin et par surprise, aux domiciles des requérants et ils ont repoussé les épouses, tandis que les deux hommes considérés comme suspects ont été immobilisés par terre et menottés. Concernant les deux suspects, la Cour considère que le but des interventions policières aux domiciles respectifs des deux requérants était de les appréhender, tous deux étant soupçonnés d’avoir exercé de manière illicite une activité financière et de recel, et d’effectuer une perquisition dans les locaux pour rechercher des preuves matérielles et documentaires. L’enquête pénale avait été ouverte six mois auparavant et il y avait plusieurs suspects dans cette affaire, sans que ce soit un groupe d’individus soupçonnés d’avoir commis des actes criminels violents. La Cour considère qu'à la différence de l’affaire Gutsanovi c. Bulgarie, les autorités avaient reçu les autorisations préalables nécessaires pour procéder aux perquisitions des domiciles respectifs des requérants. Cependant, en exerçant la compétence que le droit interne leur attribue, les juges ayant délivré ces autorisations ont examiné la conformité des perquisitions demandées avec les dispositions du droit interne sans se pencher sur le mode opératoire que les policiers devraient adopter au cours des interventions planifiées. En outre, aucun élément du dossier ne permet de conclure que les deux requérants avaient des antécédents violents et qu’ils auraient pu représenter un danger pour les agents de police amenés à intervenir à leurs domiciles. De plus, aucun des deux n’a opposé de la résistance aux policiers lors des interventions à leurs domiciles respectifs. Ce sont autant d’éléments qui indiquaient clairement le caractère excessif du comportement des policiers qui ont plaqué les deux requérants au sol, les ont menottés de force et ont braqué leurs armes sur eux. À la lumière de ces circonstances, le degré de force utilisé contre les deux requérants, qui n’a pas été rendu strictement nécessaire par leur comportement, a porté atteinte à leur dignité humaine. De ce fait, ils ont été soumis à des traitements dégradants. Quant aux proches des deux suspects (leurs épouses respectives et l'enfant majeur), la Cour considère que les équipes d’intervention ont choisi de ne pas forcer les portes d’entrée des logements des requérants : les policiers ont sonné aux portes d’entrée et les deux femmes sont allées les ouvrir. De ce fait, ils se sont retrouvés face à face avec ces deux requérantes, qui ne s’y attendaient pas. C’est en entrant que les policiers ont repoussé les deux requérantes en question et qu’ils ont brièvement pointé leurs armes vers elles. L’interaction physique entre les policiers et les deux requérantes a donc été très brève et d’une intensité minime. Ensuite, il n’y a eu aucun contact physique entre l'enfant âgé de dix-neuf ans et les policiers : l’intéressée a vu son père se faire arrêter par les agents et elle a réagi de manière émotionnelle à cet événement. Aucun élément ne permet de conclure que les policiers ont porté atteinte à la dignité humaine de ces trois requérantes. Les opérations policières impliquant l’intervention au domicile et l’arrestation des suspects engendrent inévitablement des émotions négatives chez les personnes visées par ces mesures, telles les requérantes. Cependant, aucune d’elles ne semble particulièrement affectée par les agissements des policiers en raison, par exemple, d’un état de santé particulièrement fragile ou du jeune âge de l'enfant. À cet égard, aucune des trois requérantes n’a présenté des preuves permettant de conclure que l’une d’elles souffrait d’une pathologie pouvant être exacerbée par les agissements des policiers et à l’époque des faits la jeune requérante n’était pas une jeune enfant, mais avait dix-neuf ans. À la lumière de ces éléments, et dans les circonstances spécifiques de l’espèce, les agissements des policiers à l’égard de ces trois requérantes, qui ont été très brefs et d’une faible intensité, n’apparaissent pas comme étant disproportionnés par rapport au comportement des trois requérantes face à un événement inattendu et stressant, telle que l’entrée de la police tôt le matin à leurs domiciles respectifs, et que agissements n’ont pas porté atteinte à leur dignité humaine. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:0608JUD006915411 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-210478 |