Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation des droits de deux journalistes ayant publié une partie des courriels d'un ministre turc qui avaient été piratés : Ogreten et Kanaat c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 18/05/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 42201/17 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Journaliste [Mots-clés] Médias, presse [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Détention provisoire [Mots-clés] Liberté d'expression [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Répression [Mots-clés] Sanction |
Résumé : |
L’affaire concerne la détention (de décembre 2016 à décembre 2017) de deux journalistes pour appartenance à des organisations terroristes. Les deux journalistes avaient publié, dans les médias où ils travaillaient, une partie des courriels d'un ministre turc qui avaient été piratés, puis publiés sur le site Wikileaks en décembre 2016.
La Cour européenne des droits de l'homme dit, à l'unanimité, qu'il y a eu : - Violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme : la Cour juge que les faits reprochés aux requérants étaient liés à l’exercice par eux de leurs droits découlant de la Convention, notamment de leur liberté d’expression. Leur détention n’était pas fondée sur des raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis une infraction. En outre, l’interprétation et l’application des dispositions légales invoquées par les autorités internes ont été déraisonnables au point de conférer à la privation de liberté subie par les requérants un caractère irrégulier et arbitraire. Pour la Cour, il n’y a aucun doute que le téléchargement desdits courriels et le fait de publier un article sur ceux-ci sont protégés par la liberté de la presse. - Violation de l’article 5 § 4 (impossibilité d’accéder au dossier d’enquête) : la Cour estime, en l’espèce, que ni les requérants ni leurs avocats, privés d’accès au dossier sans justification valable, n’ont eu la possibilité de contester de manière satisfaisante les motifs invoqués pour justifier la détention provisoire des intéressés. En effet, ils n’ont pas eu accès à des preuves essentielles, en l’occurrence les rapports relatifs au contenu des matériels informatiques, ayant servi à fonder leur placement en détention provisoire jusqu’au dépôt de l’acte d’accusation. - Violation de l’article 10 (liberté d’expression) : la Cour juge que les requérants ont été privés de leur liberté en raison de leurs activités journalistiques, et que l’ingérence dans leur droit à la liberté d’expression n’était pas prévue par la loi puisqu’il n’y avait pas de raisons plausibles de les soupçonner d’avoir commis une infraction. La Cour précise aussi que la mise en détention provisoire des voix critiques crée des effets négatifs multiples, aussi bien pour la personne mise en détention que pour la société tout entière car infliger une mesure conduisant à la privation de liberté, comme ce fut le cas en l’espèce, produit immanquablement un effet dissuasif sur la liberté d’expression en intimidant la société civile et en réduisant les voix divergentes au silence. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:0518JUD00422011 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Droits - Libertés |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-209995 |