Document public
Titre : | Arrêt relatif à la nullité du licenciement d’une salariée d’un institut de recherche animale ayant alerté sur le non-respect de l’éthique animale et à l’absence de discrimination liée à son état de grossesse |
Auteurs : | Cour d'appel de Grenoble, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 06/05/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 19/00084 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Lanceur d'alerte [Mots-clés] Mesures de rétorsion [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Application dans le temps des réglementations |
Mots-clés: | Bien-être animal |
Résumé : |
L’affaire concerne le licenciement d’une technicienne travaillant pour un institut de recherche réalisant des expérimentations sur les animaux, qui avait alerté sur le non-respect des règles de sécurité et d’éthique animal par le prestataire extérieur, chargé de la gestion du complexe animalier et contacté la direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour l’interroger sur le fonctionnement du Comité d’Éthique.
Recrutée en janvier 2012, par un institut de recherche multinational, en qualité de technicienne supérieure en biologie, la requérante a travaillé au sein d'un groupe biomédical. Pour la gestion du complexe animalier, l’institut a eu recours à un prestataire dont une salariée était détachée au sein du groupe biomédical. Au début de l’année 2013, la requérante s’est aperçue d’un certain nombre de dysfonctionnements relatifs à la sécurité, à l’éthique animale, à l’hygiène et au respect des procédures. En juin 2013, elle a été nommée membre de la Cellule de bien-être animal, celle de contrôle des intervenants sur les expériences animales et de la condition des animaux. Par la suite, de septembre 2013 à janvier 2014, la requérante a été en congé maternité. À son retour, elle n’était plus en charge de la grande majorité des tâches et missions qui lui étaient confiées avant son départ en congé de maternité. A la fin d’année 2014, elle s’est vu notifier un avertissement au motif qu’elle aurait adopté un comportement démesuré pour faire remonter à sa supérieure hiérarchique les dysfonctionnements persistants avec le personnel détaché travaillant au sein du complexe animalier. En parallèle, elle a intégré le Comité d’Éthique, instance consultative indépendante, dont relève son employeur, en sa qualité d’établissement d’expérimentation animale, et dont la mission est de promouvoir l’ensemble des principes et pratiques éthiques en expérimentation animale. En novembre 2016, la requérante a informé son supérieur hiérarchique de ce qu’elle avait contacté la DDPP pour poser des questions sur le fonctionnement du Comité d’Éthique. Un mois plus tard, elle a été mise à pied conservatoire, puis licenciée pour insubordination et comportement déloyale. La requérante a contesté son licenciement et soutient avoir été victime de discrimination en raison de son état de grossesse à son retour de congé de maternité. Le conseil de prud’hommes a jugé que le licenciement de la requérante est nul en considérant que les faits reprochés s’inscrivent dans le cadre de la loi du 6 décembre 2013 et qu’ainsi le motif du licenciement invoqué par l’employeur ne peut être considéré comme étant une cause réelle et sérieuse. En revanche, le conseil de prud’hommes a retenu que la salariée n’a pas été victime de discrimination liée à son état de grossesse. Saisi par la salariée, le Défenseur des droits a présenté ses observations devant la cour d'appel. Il a conclu que la requérante doit être regardée comme bénéficiant de la qualité de lanceuse d’alerte, à l’existence de mesures discriminatoires à son retour de congé maternité et à la nullité de son licenciement. La cour d'appel confirme le jugement prud'homal mais augmente le montant de dommages et intérêts accordées à la salariée pour licenciement nul. La cour considère que la salariée présente des éléments de fait qui permettent de présumer, d'une part, qu'elle a relaté et témoigné de bonne foi de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale délictuelle et, d'autre part, qu'elle a signalé une alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » relative à la protection des lanceurs d’alerte. De son côté, l'employeur ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'établir qu'il aurait apporté une réponse adaptée aux alertes circonstanciées dont l'avait successivement saisie sa salariée. La cour ajoute que la circonstance que la salariée n’a pas qualifié expressément, dans les alertes et témoignages considérés, les infractions susceptibles d’être caractérisées par les manquements et insuffisances dénoncés, s’agissant plus particulièrement des qualifications délictuelles - qu’elle envisage désormais, à l’occasion de la présente instance - d’actes de cruauté et de maltraitance sur les animaux de laboratoire et de réalisation d’expériences ou de recherches scientifiques ou expérimentales sur animaux sans se conformer aux prescriptions fixées par décret en Conseil d’État, n’est pas de nature, en tant que telle, à lui faire perdre le bénéfice de la protection prévue par les dispositions de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, issues de la loi « Sapin 2 ». Pourtant, la mesure de licenciement contestée du 10 janvier 2017 constitue, pour l’employeur, la sanction directe des déclarations et alertes successivement effectuées par la salariée à compter du mois de mars 2013 et en dernier lieu les 15 novembre et 1er décembre 2016, avec lesquelles cette mesure fait expressément un lien direct. Concernant l'allégation de discrimination, la cour retient que la décision de l'employeur de modifier début 2014 le périmètre ds attributions dévolues à la salariée, qui relevait de l'exercice légitime de son pouvoir d'organisation et de direction, était justifiée par des raisons objectives, étrangères à toute discrimination directe ou indirecte, qui consistaient à s’appuyer de façon croissante sur l’expertise de son prestataire par l’accroissement des prérogatives lui étant concédées dans le fonctionnement de l’animalerie, d’une part, et de parvenir - à l’issue de précédents recadrages restés infructueux - à mettre un terme aux conflits et difficultés relationnelles récurrentes entre sa salariée et les employés mis à disposition par cette société prestataire, d’autre part. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Lanceurs d'alerte - Déontologie |
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