
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que le seul versement d'une indemnité n'est pas de nature à assurer la protection juridictionnelle effective d'une personne qui demande à voir constater qu'elle a été victime d'une discrimination : Diskrimineringsombudsmannen c. Braathens Regional Aviation (Suède) |
Auteurs : | Grande chambre, Cour de justice de l'Union européenne, Auteur ; Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 15/04/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-30/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Suède [Mots-clés] Transport [Mots-clés] Transport aérien [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Apparence physique [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Dommages-intérêts [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice civile [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Préjudice [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Procédure civile |
Mots-clés: | Règlement amiable des litiges |
Résumé : |
En 2015, un commandant de bord d'un vol intérieur suédois a décidé de soumettre un passager d'origine chilienne résidant en Suède à un contrôle de sécurité complémentaire. Agissant au nom de ce passager, qui estimait avoir fait l’objet d’une discrimination pour des raisons liées à son apparence physique et à son appartenance ethnique, le Diskrimineringsombudsmannen (Médiateur des discriminations, Suède) a demandé au tribunal de première instance de Stockholm de condamner la compagnie aérienne à verser audit passager une indemnité pour discrimination. La compagnie a accepté de verser la somme réclamée sans pour autant de reconnaître l'existence d'une discrimination. Le tribunal l'a donc condamnée au paiement de cette somme mais a déclaré irrecevables les conclusions du Médiateur tendant à obtenir un jugement déclaratoire constatant l'existence d'une discrimination. Cette juridiction a estimé que, en vertu du droit procédural suédois, elle était liée par l’acquiescement de la compagnie aérienne et était ainsi tenue de trancher le litige sans examiner l’existence d’une éventuelle discrimination. Après avoir, sans succès, interjeté appel du jugement, le Médiateur a formé un pourvoi devant la Cour suprême.
S’interrogeant sur la conformité de la législation suédoise aux exigences de la directive 2000/43 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, lue à la lumière de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantit à toute personne le droit à un recours effectif, la Cour suprême a décidé de demander à la Cour de justice si, en cas d’acquiescement du défendeur à la demande d’indemnité du requérant, le juge doit néanmoins pouvoir examiner la question de l’existence d’une discrimination à la demande de la partie qui estime en avoir fait l’objet. Statuant en formation de Grande chambre, la Cour de justice juge que le droit de l'Union européenne s'oppose à une législation nationale empêchant une juridiction de saisie d'un recours en indemnité fondé sur une allégation de discrimination de constater l'existence de celle-ci lorsque le défendeur accepte de payer l'indemnité réclamée sans reconnaître cette discrimination. Elle estime que le seul versement d'un montant pécuniaire n'est pas de nature à assurer la protection juridictionnelle effective d'une personne qui demande à voir constater qu'elle a été victime d'une telle discrimination. Le versement d'un montant pécuniaire ne suffit pas à rencontrer les prétentions d’une personne qui entend en priorité faire reconnaître, à titre de réparation du préjudice moral encouru, qu’elle a été victime d’une discrimination. De même, l’obligation de verser une somme d’argent ne saurait assurer un effet réellement dissuasif à l’égard de l’auteur d’une discrimination lorsque, comme en l’occurrence, le défendeur conteste l’existence d’une quelconque discrimination mais considère plus avantageux, en termes de coûts et d’image, de verser l’indemnité demandée par le requérant. La Cour précise également que la faculté d’introduire une action pénale ne permet pas, en raison des finalités propres que cette action poursuit ainsi que des contraintes inhérentes à celle-ci, de pallier un défaut de conformité des voies de recours en matière civile aux exigences de cette directive. Enfin, la Cour souligne que cette interprétation n’est pas remise en cause par des principes ou considérations de droit procédural tels que le principe dispositif, le principe d’économie de la procédure et le souci de favoriser le règlement amiable des litiges. |
ECLI : | EU:C:2021:269 |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=239882 |