Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'absence d'aménagement de poste et à la discrimination en raison de l'état de santé dont a été victime un salarié en matière de l'évolution de carrière |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Bordeaux, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/04/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 18/00343 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Aménagement raisonnable [Mots-clés] Inaptitude [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Méthode des panels |
Résumé : |
L'affaire concerne un salarié, contrôleur de réseaux d'une société gestionnaire de réseau de distribution de gaz, qui se trouve en arrêt maladie de longue durée. Dès 2004, le salarié a été déclaré apte à son poste mais avec réserve. Cependant, malgré cet avis, le salarié a continué à travailler sur son poste sans que celui-ci soit aménagé. En 2010, il s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé et depuis 2011, il est en arrêt maladie de longue durée.
Le salarié avait saisi le Défenseur des droits qui avait présenté ses observations en justice tant en première instance qu'en appel, interjeté par la société. Celle-ci conteste le jugement prud'homal ayant jugé, en formation de départage et en s'appuyant sur l'analyse du Défenseur des droits, que le salarié a été victime d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière en raison de son état de santé et condamné l'employeur à lui verser la somme de 32 407 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La cour d'appel confirme le jugement en toutes ses disposions, sauf en ce qui concerne le quantum des sommes alloués. Tout d'abord, la cour retient que l'employeur ne pouvait ignorer à compter du mois de novembre 2004 l'état de santé du salarié, et savait, à tout le moins en septembre 2006 que cet état de santé était incompatible avec les astreintes et le travail qu'il effectuait. Or, malgré cette connaissance, le salarié a continué à travailler sur son poste sans aménagement. Plusieurs certificats médicaux qu'il verse au dossier permettent de constater que son état de santé s'est dégradé pendant ces périodes. En outre, la cour retient que, comme l'a justement relevé le premier juge, il y a lieu pour estimer l'existence éventuelle d'une discrimination dans le déroulement de la carrière, de s'attacher non seulement au parcours de l'agent dans les groupes fonctionnels, mais de manière plus pertinente dans l'évolution de sa rémunération comparativement à celle des salariés se trouvant dans une situation comparable. La cour souligne que c'est à tort que l'employeur critique la pertinence du panel choisi par le salarié pour appuyer ses dires, dès lors qu'une part, qu'il n'est fourni aucun élément précis ni justificatif sur les postes occupés, les diplômes obtenus, et l'évolution de la carrière de la vingtaine de salariés choisi par la société à titre de comparaison, et que, d'autre part, si l'obtention d'un diplôme exerce une influence sur la classification du salarié au moment de son embauche, la cour relève que le salarié est lui-même titulaire d'un diplôme, et bénéficiaire d'une formation lui permettant de prétendre à une évolution de carrière identique à celle des salariés exerçant les mêmes fonctions, et avec une ancienneté comparable. Ainsi, le panel de référence choisi par le salarié et constitué de sept autres salariés apparaît pertinent dès lors qu'ils ont un poste identique (contrôleur de réseau) et une ancienneté comparable (entre 13 et 28 ans). La différence entre l'évolution de carrière du salarié et celle de ses collègues débutant en 2004, époque à laquelle l'employeur a été informé de son état de santé, il convient de constater que le salarié apporte des éléments concrets de nature à justifier qu'il a fait l'objet d'une discrimination. La cour considère que l'employeur ne produit pour sa part aux débats aucun élément de nature à justifier que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, dès lors que l'examen de la différence de traitement subie par le salarié ne peut se réduire à la durée de son reclassement en GF 9, mais doit être regardée au travers de l'intégralité de sa carrière, dont il est établi qu'elle a été très négativement impactée à partir de l'année 2004. Les attestations qu'il verse aux débats en cause d'appel ne sont pas plus de nature à démontrer son ignorance de l'état de santé, en ce qu'elles sont contredites par les nombreux éléments factuels produits par ailleurs et énoncés ci-dessus. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté que le salarié a été victime d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière en raison de son état de santé. Quant aux conséquences financières de la constatation de la discrimination, la cour considère que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu, et dans le cas d'une discrimination, à repositionner le salarié comme s'il avait bénéficié d'un déroulement normal de carrière. Ainsi, le salarié est fondé à solliciter un rappel de salaire de sorte que sa rémunération soit alignée sur celle de ses collègues placés dans la même situation. L'employeur doit payer au salarié la somme de 56 657 euros à titre de perte de salaire et de revenus pour la période de 2004 à 2021, outre la somme de 2000 euros en application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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