Document public
Titre : | Conclusions relatives à la législation ou pratique juridictionnelle nationales portant atteinte à la faculté d'interroger la Cour de justice : IS (Hongrie) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 15/04/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-564/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Hongrie [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Prévenu [Mots-clés] Droit à un interprète [Mots-clés] Droits de la défense [Mots-clés] Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) [Mots-clés] Recours |
Résumé : |
L'affaire concerne un ressortissant suédois a été entendu en tant que suspect par les autorités hongroises pour une infraction présumée à la législation sur les armes et les munitions. Lors de l’audition, à la suite de laquelle le prévenu a été remis en liberté, celui-ci a été informé par l’intermédiaire d’un interprète des soupçons qui pesaient sur lui. Depuis lors, il séjourne en dehors de la Hongrie et la convocation en justice que les autorités hongroises lui ont adressée est revenue avec la mention « non réclamée ».
Les réquisitions du ministère public en rapport avec l’infraction en cause portant sur une simple peine d’amende, le tribunal d’arrondissement, devant lequel la procédure pénale se rattachant à cette infraction est en cours, est tenu, selon le droit national, de poursuivre cette procédure par défaut, c’est-à-dire en l’absence du prévenu, qui est néanmoins représenté par un avocat désigné par l’État. Comme, selon cette juridiction, il n’existe aucune information sur la manière dont l’interprète ayant participé à l’audition du prévenu a été sélectionné et ses compétences ont été vérifiées ni sur le fait que l’interprète et le prévenu se comprenaient bien l’un l’autre, celle-ci nourrit des doutes quant au respect par les autorités hongroises des directives relatives aux droits des personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales dans l’Union. Ainsi, cette juridiction sollicite de la Cour de justice une interprétation des dispositions de ces directives quant à la portée du droit à une interprétation d’une qualité suffisante et de celui d’être informé de l’accusation portée contre soi, dans l’hypothèse spécifique d’une procédure de jugement par défaut. En outre, la juridiction nationale interroge la Cour de justice sur la question de savoir si la désignation directe par le président de l'Office national de la justice (ONJ), nommé par l’Assemblée nationale hongroise, de chefs de juridiction à titre temporaire et la rémunération prétendument insuffisante des juges hongrois par rapport aux responsabilités qui leur incombent constituent une atteinte au principe de l’indépendance judiciaire consacré par le droit de l’Union. Enfin, la juridiction hongroise souhaite également savoir si, d’une part, la déclaration, à la demande du procureur général, par la Cour suprême de Hongrie, de l’illégalité de l’ordonnance de renvoi préjudiciel, sans remise en cause des effets de cette dernière dans la présente affaire, au motif que les questions posées n’étaient pas pertinentes pour la solution du litige en cause, ainsi que, d’autre part, l’enclenchement, pour les mêmes motifs, d’une procédure disciplinaire contre le juge de renvoi se heurtent au droit de l’Union. Selon l'avocat général, la recevabilité d’une question préjudicielle implique que la décision sollicitée de la Cour de justice doit être nécessaire pour permettre à la juridiction de renvoi de rendre sa décision dans l’affaire dont elle est saisie. Il considère, tout d’abord, que les questions relatives à la désignation directe par le président de l’ONJ de chefs de juridiction à titre temporaire et à la rémunération des juges sont dépourvues de pertinence pour l’issue de la procédure pénale en cause et sont, de ce fait, irrecevables. Pour le même motif, l’avocat général propose à la Cour de déclarer irrecevable la question relative à la légalité de l’enclenchement d’une procédure disciplinaire contre le juge de renvoi, l’acte engageant la procédure précitée ayant, en outre, été entre-temps retiré et cette dernière clôturée. Ensuite, l’avocat général estime que la décision contestée de la Cour suprême ainsi que la réglementation nationale y sous-jacente portent atteinte à la faculté de la juridiction nationale d’interroger la Cour à titre préjudiciel et, de ce fait, au fonctionnement du mécanisme du renvoi préjudiciel. À cet égard, l’avocat général rappelle que ce mécanisme repose sur un dialogue entre la juridiction nationale et la Cour, dont le déclenchement dépend entièrement de l’appréciation que fait le juge de renvoi en ce qui concerne la pertinence et la nécessité de sa demande. À cet égard, l’avocat général souligne que seule la Cour est habilitée à évaluer le bien-fondé de cette appréciation dans le cadre de la vérification de la recevabilité des questions qui lui ont été posées. En conséquence, l’avocat général relève que, conformément au principe de la primauté du droit de l’Union, le juge de renvoi est tenu d’écarter cette décision ainsi que la réglementation nationale la sous-tendant. Enfin, l’avocat général estime que, si le droit de l’Union met à la charge des États membres une obligation de résultat précise quant à la qualité de l’interprétation, il n’en exige pas d’établir un registre d’interprètes indépendants possédant les qualifications requises. Toutefois, les suspects ou les personnes poursuivies doivent avoir la possibilité de remettre en cause la qualité du service d’interprétation qui leur a été fourni dans le cadre de la procédure pénale. De même, lorsque les suspects ou les personnes poursuivies sont arrêtés ou détenus, le droit de l’Union exige que ces derniers soient informés, dans une langue qu’ils comprennent, de l’infraction pénale qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Dans l’hypothèse où un prévenu, préalablement informé de la tenue de son procès et représenté par un avocat, est jugé en son absence, cet avocat doit pouvoir contester devant la juridiction compétente la manière avec laquelle le droit à l’information, y compris la notification au prévenu, dans une langue qu’il comprend, des soupçons et des accusations pesant sur lui, a été appliqué au cours de la procédure pénale. S’agissant de la question de savoir s’il peut être remédié dans une étape plus avancée de la procédure pénale à l’absence, au cours de la phase d’enquête de la procédure, de la communication au prévenu de l’information sur l’accusation, l’avocat général souligne que cette communication peut valablement avoir lieu à destination de l’avocat représentant le prévenu et au plus tard au moment où les débats sur le bien-fondé de l’accusation s’ouvrent effectivement devant le juge national. |
ECLI : | EU:C:2021:292 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
En ligne : | https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=239900 |