
Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité d'une requête portant sur le suicide d'un homme souffrant de schizophrénie : Chevalier c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 18/03/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 44392/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Santé mentale [Mots-clés] Hospitalisation d'office [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Suicide [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Résumé : |
L'affaire concerne le décès du fils du requérant, alors âgé de 27 ans et qui souffrait de schizophrénie. Il avait été hospitalisé d'office puis de son plein gré, avant de sortir du centre hospitalier avec un traitement neuroleptique et un thymorégulateur. Trois mois plus tard, il est décédé par suicide.
Le requérant a assigné l’État en responsabilité civile pour fonctionnement défectueux du service public de la justice. Il estimait notamment que le juge des libertés et de la détention avait commis une faute lourde en ordonnant la mainlevée de l’hospitalisation sans consentement et que cette faute était directement à l’origine du décès par suicide de celui-ci. Son recours ainsi le pourvoi en cassation ont été rejetés. La Cour européenne des droits de l'homme déclare la requête irrecevable. Elle rappelle que l’obligation de prendre préventivement des mesures d’ordre pratique existe notamment en cas d’internement psychiatrique, qu’il soit volontaire ou d’office. Pour que soit caractérisée l’existence d’une telle obligation positive, il doit être établi que les autorités savaient ou auraient dû savoir au vu des circonstances qu’il existe un risque réel et immédiat d’atteinte à la vie et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, toutes les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour prévenir ce risque. La Cour rappelle pour autant, qu’il faut interpréter cette obligation de protection de manière à ne pas imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif sans perdre de vue l’imprévisibilité du comportement humain. En l'espèce, elle observe que ni le psychiatre qui suivait le fils du requérant depuis le mois de juin 2011 et qui avait appuyé la demande d’hospitalisation présentée par le requérant, ni les psychiatres du centre hospitalier, n’ont constaté l’existence d’un risque suicidaire chez l’intéressé. La Cour relève que lorsque le fils du requérant a mis fin à ses jours, quatre mois s’étaient écoulés depuis la décision du juge des libertés et de la détention mettant fin à son hospitalisation sans consentement. Elle relève que le dernier compte-rendu médical de la situation de l'intéressé a été établi un mois avant le décès, par le psychiatre qui l’avait suivi avant son hospitalisation d’office puis à nouveau après sa sortie du centre hospitalier. Ce compte-rendu mentionne que le patient était alors plus apaisé, qu’il souhaitait reprendre une insertion socio‑professionnelle et qu’il avait été orienté à cette fin. La Cour rappelle que sous l’angle de l’article 2 de la Convention, elle appréhende la question du risque de suicide en cherchant à déterminer si celui-ci était à la fois réel et immédiat dans la mesure où l’obligation positive incombant à l’État doit être interprétée de manière à ne pas imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif. À la lumière de l’ensemble des éléments de l'espèce, la Cour constate qu’à aucun moment de la prise en charge du fils du requérant, et quelque grave qu’ait été la pathologie dont il souffrait, un risque réel et immédiat d’auto-agression a été porté à la connaissance des autorités. Il s’ensuit que la Cour n’est pas en position de caractériser un manquement à une obligation positive de l’État, de sorte que le grief tiré de l’article 2 de la Convention est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté. Adoptée à l'unanimité par la Cour le 18 mars 2021, la décision a été communiquée le 15 avril 2021. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:0318DEC004439219 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-209575 |