Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'exécution par la France de deux mandats d'arrêt européens émis par la Roumanie, dont un à l'égard d'un leader d’un mouvement spirituel ayant obtenu le statut de réfugié en Suède : Bivolaru et Moldovan c. France |
Titre précédent : |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/03/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 40324/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Union européenne (UE) [Géographie] France [Géographie] Roumanie [Géographie] Suède [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Conditions matérielles indignes [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Surpopulation carcérale [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Violence sexuelle [Mots-clés] Secte [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Preuve [Mots-clés] Traite des êtres humains [Mots-clés] Justice pénale |
Mots-clés: | Mandat d'arrêt européen ; Réfugié |
Résumé : |
L’affaire concerne la remise des requérants, deux ressortissants roumains, par la France aux autorités roumaines en exécution de mandats d’arrêts européens (MAE) aux fins d’exécution d’une peine de prison.
Le premier requérant, leader d’un mouvement spirituel, qui a fait l’objet, au cours de l’année 2004, de poursuites pénales en Roumanie engagées contre lui concernant des faits de rapports sexuels avec un mineur, de perversion sexuelle et de corruption de mineur ainsi que des chefs de traite des personnes et de passage illégal de la frontière. En janvier 2006, le requérant a obtenu un titre de séjour permanent en Suède en tant que réfugié ainsi qu’une nouvelle identité. Le second requérant a été condamné en Roumanie à sept ans et six mois d’emprisonnement, pour des faits de traite des êtres humains commis courant 2010 en Roumanie et en France, en l’occurrence pour avoir contraint six roumains, dont un mineur, à mendier pour son compte. Invoquant l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention, les requérants soutiennent que leur remise aux autorités roumaines, en exécution des MAE, entraîne un risque d’être exposés à des traitements contraires à la Convention. Ces affaires ont conduit la Cour européenne des droits de l'homme à préciser les conditions d’application de la présomption de protection équivalente dans pareille hypothèse. Elle juge qu'il y a eu violation de l'article 3 uniquement concernant le second requérant. La Cour juge que la présomption de protection équivalente s’applique au cas de l'intéressé dans la mesure où les deux conditions de son application, à savoir l’absence de marge de manœuvre pour les autorités nationales et le déploiement de l’intégralité des potentialités du mécanisme de contrôle prévu par le droit de l’Union européenne (UE) sont remplies. La Cour s’est dès lors bornée à vérifier si la protection des droits garantis par la Convention était ou non entachée en l’espèce d’une insuffisance manifeste susceptible de renverser cette présomption. Pour ce faire, elle a recherché si l’autorité judiciaire d’exécution disposait ou non de bases factuelles suffisamment solides pour devoir conclure que l’exécution du MAE entraînerait pour le requérant un risque concret et individuel d’être exposé à des traitements contraires à l’article 3 en raison de ses conditions de détention en Roumanie. La Cour relève que le second requérant a fourni des éléments suffisamment étayés sur la réalité du risque pour impliquer que l’autorité judiciaire d’exécution demande des informations complémentaires et des garanties à l’État d’émission quant à ses futures conditions de détention en Roumanie. La Cour conclut à une violation de l’article 3 dans la mesure où il apparaît que, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, les autorités judiciaires d’exécution n’ont pas tiré les conséquences qui s’attachaient aux éléments d’information recueillis qui constituaient pourtant une base factuelle suffisamment solide pour qu’elles doivent refuser d’exécuter le MAE litigieux. En revanche, s'agissant du premier requérant, la Cour juge que, du fait de son choix de ne pas saisir la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle sur les conséquences à tirer sur l’exécution d’un MAE de l’octroi du statut de réfugié par un État membre à un ressortissant d’un État tiers devenu par la suite également État membre, la Cour de cassation a statué sans que le mécanisme international pertinent de contrôle du respect des droits fondamentaux ait pu déployer l’intégralité de ses potentialités. La présomption de protection équivalente ne trouve donc pas à s’appliquer. Le grief soulevé par le premier requérant comporte deux branches respectivement relatives aux conséquences de son statut de réfugié et aux conditions de détention en Roumanie. Aucun élément du dossier instruit par l’autorité judiciaire d’exécution ou des éléments apportés par le premier requérant devant la Cour n’indiquent que ce dernier risquait encore, en cas de remise, d’être persécuté pour des raisons religieuses en Roumanie. La Cour estime que l’autorité judiciaire d’exécution, au terme de l’examen approfondi et complet de la situation personnelle du requérant auquel elle a procédé et qui manifeste l’attention qu’elle a portée à son statut de réfugié, ne disposait pas de bases factuelles suffisamment solides pour caractériser l’existence d’un risque réel de violation de l’article 3 de la Convention et refuser, pour ce motif, l’exécution du MAE. La Cour estime d’autre part que la description faite par le premier requérant devant l’autorité judiciaire d’exécution, à l’appui de sa demande de ne pas exécuter le MAE dont il faisait l’objet, des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires roumains n’était ni suffisamment détaillée ni suffisamment étayée pour constituer un commencement de preuve d’un risque réel de traitements contraires à l’article 3 en cas de remise aux autorités roumaines. La Cour estime qu’il n’incombait pas à l’autorité judiciaire d’exécution de demander des informations complémentaires aux autorités roumaines. Dans ces conditions, la Cour conclut que l’autorité judiciaire d’exécution ne disposait pas de bases factuelles solides lui permettant de caractériser l’existence d’un risque réel de violation de l’article 3 de la Convention et refuser, pour ce motif, l’exécution du MAE. |
ECLI : | CE:ECHR:2021:0325JUD004032416 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Privation de liberté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-208760 |