Document public
Titre : | Conclusions relatives à la discrimination en matière de protection de la liberté d'expression et au port de foulard islamique en entreprise : IX et MJ (Allemagne) |
Voir aussi : |
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est cité par : | |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/02/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-804/18 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Allemagne [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Liberté de pensée, de conscience et de religion [Mots-clés] Signe religieux [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination indirecte [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Règlement intérieur [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Entreprise [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Laïcité |
Résumé : |
Les conclusions de l'avocat général concernent deux affaires relatives au port de foulard islamique par deux salariées contrairement aux instructions adoptées par leurs employeurs respectifs (n° C-804/18 et C-341/19).
Dans la première affaire, une association d'utilité publique qui gère des établissements accueillant et éduquant les enfants en journée, a adopté en mars 2018, des instructions de service visant le respect du principe de neutralité. Ces instructions interdisent aux employés de porter, sur leur lieu de travail, des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques et religieuses. Sont notamment visés la croix chrétienne, le foulard islamique et la kippa juive. Le respect du principe de neutralité ne s’impose pas aux employés de l'association travaillant au siège de l’entreprise dès lors qu’ils n’ont pas de contacts avec les clients. Informée de ces instructions, adoptées pendant son congé parental, une éducatrice spécialisée, employée depuis 2014 a refusé de retirer son foulard et a, par conséquent, reçu plusieurs avertissements avant d’être provisoirement suspendue. La seconde affaire concerne une caissière d'un magasin, employée depuis 2002 et laquelle a porté, à son retour de congé parental en 2014, contrairement à ce qui était le cas auparavant, un foulard islamique. Face à son refus de retirer son foulard au travail, elle a reçu, de la part de son employeur, en juillet 2016, l’instruction de se présenter sur son lieu de travail sans signe ostentatoire de grandes dimensions de convictions politiques, philosophiques ou religieuses. Depuis une période récente, la Cour de justice est saisie de questions préjudicielles relatives à la religion ou les convictions, que ce soit au regard du respect des rites religieux, en matière de santé ou encore dans le domaine de la protection internationale. Ces questions portent également sur l’application du principe de non-discrimination en ce qui concerne l’emploi et le travail, qui fait l’objet de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. En particulier, la Cour s’est prononcée, dans les arrêts G4S Secure Solutions et Bougnaoui et ADDH, sur l’existence d’une discrimination fondée sur la religion, au sens de cette directive, dans le cas de l’interdiction faite à des employées d’une entreprise privée de porter un foulard islamique sur leur lieu de travail. Les présentes affaires jointes s’inscrivent directement dans le prolongement de ces deux arrêts et ont pour objet, notamment, de préciser la notion de « discrimination indirecte », au sens de ladite directive, ainsi que l’articulation entre le droit de l’Union européenne et le droit des États membres en ce qui concerne la protection de la liberté de religion. À cet égard, l'avocat général est d’avis que la Cour doit rechercher un équilibre entre l’établissement d’une interprétation uniforme du principe de non-discrimination, dans le cadre de l’application de la directive 2000/78, et la nécessité de laisser une marge d’appréciation aux États membres, compte tenu de la diversité de leurs approches quant à la place de la religion dans une société démocratique. Ainsi, il propose à la Cour de justice de répondre ainsi aux questions préjudicielles soumises par les juridictions allemandes : L’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens que l’interdiction du port de tout signe visible de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée, ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions, au sens de cette disposition, à l’égard des travailleurs qui observent certaines règles vestimentaires en application de préceptes religieux imposant de se couvrir. En ce qui concerne l'article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78, celui-ci doit être interprété en ce sens qu’une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions, au sens de cette disposition, est susceptible d’être justifiée par la volonté de l’employeur de poursuivre une politique de neutralité politique, philosophique et religieuse sur le lieu de travail, afin de tenir compte des souhaits de ses clients. Par ailleurs, une règle interne d’une entreprise privée interdisant uniquement, dans le cadre d’une politique de neutralité, le port de signes ostentatoires de grandes dimensions de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail est susceptible d’être justifiée, au sens de cette disposition. Une telle interdiction doit être poursuivie de manière cohérente et systématique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. En outre, cette disposition doit être interprétée en ce sens que des dispositions constitutionnelles nationales protégeant la liberté de religion ne peuvent pas être prises en compte en tant que dispositions plus favorables, au sens de l’article 8, paragraphe 1, de cette directive, dans le cadre de l’examen du caractère justifié d’une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions. L'article 2, paragraphe 2, sous b) de la directive doit être interprété en ce sens que les droits visés à l’article 10 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ne peuvent pas être pris en compte lors de l’examen du caractère approprié et nécessaire d’une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions et découlant d’une règle interne d’une entreprise privée. Enfin, il estime que la directive 2000/78 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale applique des dispositions constitutionnelles nationales protégeant la liberté de religion lors de l’examen d’une instruction fondée sur une règle interne d’une entreprise privée relative à l’interdiction du port de signes de convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail, à condition que ces dispositions ne portent pas atteinte au principe de non-discrimination prévu par cette directive, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. |
ECLI : | EU:C:2021:144 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Laïcité - Religion |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=238176 |