Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère illégal du refus du bénéfice de protection fonctionnelle opposé à un fonctionnaire victime de harcèlement moral discriminatoire en raison de ses activités syndicales |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Cour administrative d'appel de Marseille, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/01/2021 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 19MA03923 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Fonction publique d'État [Mots-clés] Établissement d'enseignement [Mots-clés] Enseignement supérieur [Mots-clés] Agent public [Mots-clés] Mesures de rétorsion [Mots-clés] Sanction [Mots-clés] Mutation [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Activité syndicale ou mutualiste [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Contentieux [Mots-clés] Défenseur des droits [Mots-clés] Carrière |
Résumé : |
L’affaire concerne un fonctionnaire qui exerçait les fonctions de responsable de service juridique au sein d’une université et qui soutient être victime de harcèlement moral. Il dénonce la dégradation de ses conditions de travail à compter de son élection en qualité de représentant du personnel.
Il avait saisi le Défenseur des droits qui a présenté ses observations devant la juridiction administrative, après avoir adressé au président de l’établissement des recommandations, non suivies d’effet. Le tribunal administratif a rejeté la requête du fonctionnaire qui demandait notamment l’annulation de la décision par laquelle le président de l'université a rejeté sa demande tendant à lui accorder la protection fonctionnelle et d'enjoindre à l'université de mettre en place des mesures de protection fonctionnelle efficaces. La cour administrative d’appel considère que l’agent a fait l’objet d’un rappel à l’ordre disciplinaire pour manquement à son devoir de réserve et que dans son compte-rendu d’évaluation pour l’année 2015, l’autorité hiérarchique a fait mention à plusieurs reprises de ses activités syndicales, cette mention était jugée illégale par la cour. Par ailleurs, l’intéressé a été écarté de la promotion interne, muté d’office sur un poste de chargé d mission et informé qu’une procédure disciplinaire était susceptible d'être engagée contre lui. Le médecin du travail a estimé que dans le contexte de conflit avec son employeur, l'état de santé de l’agent était « incompatible avec la poursuite du travail ». Et il résulte notamment de nombreux certificats médicaux que le requérant souffrait des problèmes de santé liés au cadre de professionnel. La cour estime que l’ensemble de ces éléments est de nature à faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral. Elle souligne qu’elle a jugé, dans un arrêt rendu le même jour, que l’autorité hiérarchique a illégalement mentionné les activités syndicales du requérant dans son compte-rendu d'évaluation, dès lors que les mentions en cause avaient une incidence sur l'appréciation de la manière de servir de l'intéressé. Cette illégalité fautive, qui est de nature à défavoriser le requérant, présente le caractère d'une discrimination syndicale. La cour considère qu’il résulte des termes mêmes du courrier du président de l’université adressé au ministre de l’enseignement supérieur que la volonté de réaffecter l’agent en dehors de la direction des affaires juridiques ne procédait pas seulement de la volonté de rendre ses fonctions compatibles avec l'exercice de ses activités syndicales, dans l'intérêt du service, mais de l'écarter de la direction des affaires juridiques en raison de son comportement. En effet, dans ce courrier, le président de l’université a fait état, au sujet de l’intéressé, de « manquements répétés à l'obligation d'obéissance hiérarchique, qui ont motivé une demande de sanction disciplinaire adressée au ministère ainsi qu'un rapport défavorable à sa promotion » et indiquait également le fait que l’agent « multipliait les recours contre l'université (auprès du défenseur des droits et du Tribunal administratif) ». Plus loin dans ce courrier, le président de l'université indiquait que la situation de l’agent est « très préjudiciable à la sérénité au travail au sein de l'équipe dirigeante de l'université, ainsi qu'à la mise en place de la nouvelle direction des affaires juridiques et institutionnelles ». La cour considère que si l'université soutient en défense que cette demande de sanction procédait de manquements constatés au devoir d'obéissance hiérarchique et au devoir de réserve, elle ne conteste pas utilement que les motifs liés aux conflits d'intérêts qui pouvaient naître des activités syndicales de l’agent et aux recours exercés par ce dernier contre l'université étaient également à l'origine de la mesure de mutation d'office. La cour note que dans un courrier le président de l'université a justifié la mesure de mutation d'office en indiquant que les missions de représentation syndicale exercées par l’agent étaient incompatibles avec son positionnement au sein du service juridique, en faisant valoir que le risque était « de nature à faire naître la suspicion sur les intérêts [qu'il serait] conduit à privilégier », mettant ainsi en cause la bonne foi et le professionnalisme de l'intéressé, alors même que l’intéressé bénéficiait depuis 2015 d'une décharge d'activité de service régulière, validée par l'autorité hiérarchique. Cette dernière avait la possibilité, au regard des nécessités du service, de s'opposer à l'attribution de crédits de temps syndical à un agent, dans les conditions prévues par la réglementation. La cour juge que la décision de mutation d’office doit être regardée comme une sanction disciplinaire déguisée, ayant porté atteinte à la situation professionnelle du requérant. Si cette sanction est postérieure à la décision attaquée, elle a été prise à l'issue d'une procédure mise en œuvre à compter du mois de décembre 2016, qui a donné lieu à une série d'actes révélant une volonté de sanctionner l’agent. Au regard de la nature des griefs portés contre l’agent, en partie liés à ses activités syndicales, et de la privation des garanties subie par l'intéressé à l'occasion de cette sanction, l'université n'est pas fondée à soutenir que les agissements en cause s'inscriraient dans l'exercice normal de l'autorité hiérarchique ou du pouvoir disciplinaire. La cour considère, en outre, que la mesure de mutation d'office, qui a revêtu le caractère d'une sanction déguisée, doit être regardée comme ayant été prise en considération des actions menées par l’agent pour faire cesser les agissements de harcèlement dont il s'estimait victime. Ainsi, quand bien même la décision de mutation d'office aurait été prise également pour des considérations liées à l'intérêt du service, elle ne peut être regardée comme étrangère à tout harcèlement moral. La cour juge également que le requérant est fondé à soutenir que les agissements de l'administration dans la procédure de mutation d'office illégale dont il a été l'objet ont contribué à la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé physique et morale. Elle conclut que l’intéressé est fondé à soutenir que les agissements répétés de l'administration ayant consisté d'une part à le discriminer dans son évaluation professionnelle en raison de ses activités syndicales en 2015, d'autre part à le soumettre entre décembre 2016 et avril 2017 à une procédure de mutation d'office, constitutive d'une sanction disciplinaire déguisée, sont constitutifs de harcèlement moral. La cour annule la décision implicite de rejet de la demande d’octroi de la protection fonctionnelle, mais rejette la demande de réintégration au poste de responsable de service, une telle mesure ne découlant pas nécessairement de l'exécution du présent arrêt. La cour rejette également la demande visant à ordonner à l’université de supprimer des mentions dans le dossier administratif du requérant concernant le manquement manifeste à son devoir de réserve, dès lorsqu’il n’appartient pas au juge administratif de se substituer à l'administration pour déterminer quelles mesures sont utiles pour assurer la protection du fonctionnaire, et les mesures sollicitées ne découlent pas nécessairement et directement de l'annulation prononcée par le présent arrêt. |
Note de contenu : | Le 25 janvier 2021, la CAA de Marseille a rendu quatre arrêts dans cette affaire (n° 19MA03923, 19MA03924, 19MA02545 et 19MA01665). |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
En ligne : | https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000043052814 |
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