Document public
Titre : | Requêtes relatives à l'assignation à résidence dans le cadre de l'état d'urgence lié aux attentats terroristes et au traitement discriminatoire fondé sur la religion : Pagerie et Fanouni c. France |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 26/04/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 24203/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] État d'urgence [Mots-clés] Terrorisme [Mots-clés] Radicalisation [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Arme [Mots-clés] Arme à feu [Mots-clés] Sécurité publique [Mots-clés] Assignation à résidence [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Liberté d'aller et venir [Mots-clés] Liberté de pensée, de conscience et de religion [Mots-clés] Service de renseignement |
Résumé : |
Les deux requêtes concernent l'assignation à résidence, prises en application de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, à la suite d'une série d'attentats terroristes.
Le premier requérant a été assigné à résidence notamment compte tenu des informations contenues dans une "note blanche" des services de renseignement dont il ressortait qu'il avait attiré l’attention de l’administration pénitentiaire par sa pratique particulièrement radicale de l’islam, religion à laquelle il s’était converti en 2007. Par ailleurs, il était volontiers provocateur et s'était montré parfois violent et ouvertement favorable aux thèses islamistes en faveur de l’application de la charia et avait un positionnement ouvertement hostile à l’Occident et antisémite et qui, mêlant un discours de contestation très virulent et des références à l’Islam jihadiste, affichait clairement comme objectifs l’instauration du califat et l’application de la charia en France. Le deuxième requérant pratiquait le tir sportif et détenait un certain nombre d’armes et de munitions, dont certaines soumises à déclaration et d’autres soumises à autorisation. Le 26 janvier 2015, le requérant a fait l'objet des signalements défavorables par les services de police spécialisés, concernant son comportement tant lors de ses séances de tir, où il aurait insisté pour remplacer la cible en carton par une cible en forme de tête humaine, que dans ses activités quotidiennes. A la suite d'un arrêté préfectoral lui ordonnait de remettre trois armes et lui précisant qu’il lui était désormais interdit de détenir des armes ou des munitions, le requérant a remit des armes et munitions au commissariat précisant qu'il lui restait peut-être quelques munitions qu’il s’engageait à apporter « dans les meilleurs délais ». Le 15 novembre 2015, dans le cadre de l’état d’urgence déclaré la veille et estimant qu’il existait des raisons sérieuses de penser que s’y trouvaient des personnes, armes ou objets liés à des activités à caractère terroriste, le préfet a ordonné la perquisition administrative du domicile de l'intéressé. Lors de la perquisition, les gendarmes ont trouvé des armes et une quantité de munitions, dont certaines étaient soumises à autorisation, et ont placé le requérant en garde à vue. Le même jour, il a fait l’objet d’un arrêté d’assignation à résidence sur le fondement de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955. Cette mesure a été justifiée par le fait que le requérant, de confession musulmane, tenait un discours prosélyte et radical ainsi que des comportements inquiétants au club de tir où il s’entraînait régulièrement et qu’il avait fait l’objet d’une procédure de dessaisissement de ses armes. Dans le cadre de la procédure devant les juridictions administratives, une « note blanche » des services de renseignement a été produite au soutien de ces affirmations. Introduites respectivement le 26 avril 2016 et 28 juin 2018 devant la Cour européenne des droits de l'homme, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement français le 15 décembre 2020 et publiées le 11 janvier 2021. Griefs : Invoquant les articles 8 de la Convention et 2 du Protocole n° 4, le premier requérant estime que son assignation à résidence constitue une ingérence dans sa vie privée et familiale et une atteinte à sa liberté de circulation. Il soutient en particulier que son assignation à résidence ne repose sur aucune base légale au sens de ces dispositions, eu égard à la généralité et au manque de prévisibilité des termes suivants de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 : « (...) laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Il ajoute qu’au regard des circonstances particulières de l’espèce, cette ingérence ne saurait passer pour nécessaire dans une société démocratique. Invoquant l’article 9 de la Convention, le premier requérant estime qu’en justifiant une restriction à la liberté d’aller et venir au motif qu’il aurait fait montre d’une pratique rigoureuse de sa religion, sa liberté de conscience et de religion a été violée. Invoquant enfin l’article 14 de la Convention, le premier requérant estime qu’en justifiant la restriction à sa liberté de circulation par sa pratique prétendument radicale de la religion, il a fait l’objet d’un traitement discriminatoire. Invoquant l’article 2 du Protocole no 4, le deuxième requérant estime avoir fait l’objet d’une mesure restrictive de liberté à l’égard de laquelle la Cour continue de disposer de son pouvoir de contrôle, en dépit du contexte de l’état d’urgence. Il estime que la mesure restrictive de liberté que constituait son assignation à résidence ne reposait pas sur une loi suffisamment prévisible. Il soutient à cet égard que la loi du 3 avril 1955 n’avait jusqu’alors jamais été appliquée en matière de terrorisme et ne précisait pas les contours de ce qui pouvait constituer ou non des comportements ou activités dangereux ou menaçants. Il ajoute que l’assignation dont il a fait l’objet n’était pas nécessaire au sens de cette disposition. Il affirme à cet égard que les autorités nationales n’ont pas recouru à une appréciation acceptable des faits pertinents dans la mesure où elles ne se sont fondées que sur une « note blanche » et un procès-verbal de perquisition de pièces à propos desquelles le deuxième requérant estime s’être justifié. Questions aux parties : 1. Les requérants ont-ils épuisé les voies de recours internes, comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention ? 2. Le cas échéant, l’assignation à résidence des requérants a-t-elle violé les articles 8 de la Convention et/ou 2 du Protocole n° 4 à la Convention, en ce qui concerne le premier requérant, et 2 du Protocole n° 4 à la Convention, en ce qui concerne le deuxième requérant ? En particulier, le cadre juridique fixé par l’article 6 de la loi du 3 avril 1955, dans sa rédaction applicable au moment des faits, était-il suffisamment prévisible ? 3. L’assignation à résidence du premier requérant a-t-elle violé les articles 9 et 14 combiné avec 9 de la Convention ? 4. La lettre du 24 novembre 2015 du Représentant permanent de la France auprès du Conseil de l’Europe, informant le Secrétaire général du Conseil de l’Europe de la promulgation de l’état d’urgence par le décret no 2015-1475, doit-elle être comprise par la Cour comme impliquant une dérogation aux articles 8, 9 et 14 de la Convention et 2 du protocole n° 4 ? Compte tenu de cette lettre, les requérants peuvent-ils se prévaloir des dispositions susmentionnées ? |
Note de contenu : | La communication concerne deux requête n° 24203/16 Pagerie c. France et requête n° 31185/18 Fanouni c. France. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etat d'urgence - Terrorisme - Radicalisation |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre/?i=001-207399 |