Document public
Titre : | Jugement de départage relatif à l'absence de harcèlement moral discriminatoire lié à l'origine et à la couleur de peau de la salariée, victime des propos racistes de la part de sa supérieure hiérarchique |
Auteurs : | Conseil de prud'hommes de Nanterre, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 19/06/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 18/00266 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Harcèlement non caractérisé [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Cadre - statut [Mots-clés] Contrat à durée déterminée (CDD) [Mots-clés] Contrat à durée indéterminée (CDI) [Mots-clés] Contrat de travail [Mots-clés] Délais anormaux |
Résumé : |
En janvier 2017, la requérante a été engagée par une société dans le cadre d’un contrat à durée déterminée (CDD) en qualité de gestionnaire pour une durée de neuf mois en remplacement d’une salariée en congé maternité. Son contrat a été prolongé pour quatre mois jusqu’en février 2018.
En décembre 2017, elle s’était plaint d’avoir fait l’objet de propos racistes de la part de sa supérieure hiérarchique au cours de la relation de travail et notamment au cours d’un repas de Noël en présence de plusieurs salariés qui a eu lieu quelques jours plus tôt. Elle affirme que le harcèlement a atteint son paroxysme lors de ce repas lorsque sa supérieure hiérarchique lui a dit que « tout ce qu’elle a obtenu dans sa vie en temps d’emploi, de diplôme ou de logement est lié au fait qu’elle est noire ». Elle ajoute qu’elle a été critiquée en permanence devant ses collègues et que sa supérieure hiérarchique a divulgué son salaire et lui a assuré ouvertement qu’elle n’obtiendrait jamais un contrat à durée déterminée (CDI). La salariée a été placée en arrêt de travail fin décembre 2017 jusqu’au terme de son CDD en février 2018. S’estimant victime de harcèlement moral discriminatoire et de discrimination dans l’évolution de sa carrière, la salariée a saisi le Défenseur des droits ainsi que la juridiction prud’homale. Au terme de son enquête, le Défenseur des droits a constaté que les faits dénoncés sont susceptibles d’être qualifiés de harcèlement discriminatoire en raison de l’origine de la salariée. Il a pris acte de ce que la société a décidé de mener une enquête interne sur les faits dénoncés par la salariée mais a constaté qu’elle a manqué à son obligation de sécurité de résultat en ne prenant pas les mesures nécessaires afin de prévenir la survenance des faits ni d’y mettre fin, l’employeur ayant reconnu l’existence de propos déplacés et de provocations en lien avec l’origine et/ou la couleur de peau de la salariée, mais niant tout fait de harcèlement moral sur sa personne. Le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant le conseil de prud’hommes. Concernant le harcèlement moral discriminatoire, le conseil considère que si l’enquête interne ne confirme que les faits qui se sont déroulés lors du repas de Noël, aucun salarié ne corrobore les accusations de la salariée relatives aux critiques publiques régulières ou encore à la divulgation de son salaire de la part de sa supérieure hiérarchique. Ainsi, à défaut de détailler les autres faits ou propos circonstanciés et répétés invoqués depuis le début de la relation contractuelle, il y a lieu de considérer que la salariée n’établit pas la matérialité des faits précis et concordants permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Le conseil ajoute que, de même, la seule constatation de la dégradation de l’état de santé de la salariée ne permet pas de déduire, ni la réalité, ni la causalité des agissements de harcèlement invoqué. Quant à l’existence de discrimination raciale dans l’évolution de carrière de la salariée, le conseil considère que la salariée établit l’existence matérielle de faits (test de niveau d’anglais lors de son embauche, rétrogradation au statut « employé », seule à avoir un seul écran informatique, poste en CDI attribué à un stagiaire plutôt qu’à elle) pouvant laisser présumer l’existence de conditions de travail et d’une évolution de carrière discriminatoire à son encontre. Toutefois, l’employeur justifie ces faits par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En conséquence, il n’est pas établi que la salariée ait fait l’objet d’un traitement différencié ni d’une évolution anormale de carrière, en raison de sa couleur de peau. Ensuite, le conseil considère que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de la salariée au sein de l’entreprise. En revanche, le conseil fait droit à la demande de la salariée visant la requalification de son CDD en CDI, car la salariée avait signé et s’est vue remettre son contrat de travail au-delà de deux jours ouvrables suivant son embauche. Enfin, considérant que l’employeur qui, à l’expiration d’un CDD, ultérieurement requalifié en CDI, ne fournit plus de travail et ne paie plus les salaires, est responsable de la rupture qui s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le conseil juge que la fin du CDD en février 2018 constitue un tel licenciement. L’employeur doit verser à la requérante au total plus de 8 000 euros dont 3 500 euros à titre d’indemnité de requalification, 3 333 euros à titre d’indemnité de préavis et 1000 euros au titre des frais irrépétibles. |
Note de contenu : | Un appel est en cours devant la cour d'appel de Versailles (RG n° 20/01577) |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
Est accompagné de : |
Documents numériques (1)
JP_CPH_Nanterre_20200619_18-00266 Adobe Acrobat PDF |