Document public
Titre : | Décision 2020-024 du 28 mai 2020 relative à un licenciement et des mesures discriminatoires faisant suite au signalement d’une alerte professionnelle |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi, biens et services privés (2016-2023), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 28/05/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2020-024 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet [Documents internes] Rapport annuel 2021 [Mots-clés] Lanceur d'alerte [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Mesures de rétorsion [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Congé de maternité [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Infraction [Mots-clés] Preuve |
Mots-clés: | Bien-être animal ; Bonne foi |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par Madame X d’une réclamation relative à son licenciement et à des mesures discriminatoires qu’elle estime en lien avec sa dénonciation de faits susceptibles d’être qualifiés de délits auprès de son employeur et d’autorités compétentes.
Dans l’exercice de ses fonctions de technicienne supérieure en biologie au sein d’une division expériences, la réclamante a signalé à plusieurs reprises depuis 2012 à sa hiérarchie puis à d’autres autorités des défaillances relatives aux règles d’hygiène et de sécurité. Elle a également dénoncé de graves manquements relatifs à la protection des animaux et aux règles liées à l’éthique animale. Placée en arrêt de travail pour maladie puis en congé de maternité, certaines de ses tâches lui ont été retirées à son retour. Elle a été licenciée pour faute en 2017. Le conseil de prud’hommes lui a reconnu la qualité de lanceuse d’alerte mais a refusé d’appliquer les dispositions de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » relative à la protection des lanceurs d’alerte, dans la mesure où elle a effectué son signalement avant son entrée en vigueur. Il a prononcé la nullité du licenciement en la déboutant de la demande formulée au titre de la discrimination. Tandis que l’employeur a interjeté appel, la réclamante a formé un appel incident. Au vu de ces éléments, le Défenseur des droits a décidé d’engager une instruction. Pour le Défenseur des droits, considérer que la loi Sapin 2 ne pourrait s’appliquer qu’à la condition que le salarié ait porté son signalement après la parution de cette loi reviendrait à priver tous les lanceurs d’alerte dont le signalement est intervenu avant son entrée en vigueur de tout effet utile relatif à la protection dont le législateur a entendu les faire bénéficier. Il ressort de l’enquête que la réclamante a respecté la procédure graduée de signalement imposée par l’article 8 de la loi Sapin 2 et la jurisprudence européenne, que les manquements signalés caractérisent la dénonciation d’un crime ou d’un délit et qu’aucun élément du dossier permette d’établir qu’elle n’aurait pas dénoncé les faits en cause de bonne foi. Dans ces conditions, le Défenseur des droits considère que Madame X répond à la définition de lanceur d’alerte et bénéficie de la protection de la loi Sapin 2 même si son signalement est antérieur à la date d’entrée en vigueur de ladite loi. Par ailleurs, l’enquête a établi un lien entre le signalement de la réclamante et la rupture de son contrat de travail ainsi qu’une concomitance entre le signalement et les mesures défavorables au retour de congé maternité. Ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination en raison du sexe, de la situation de famille et de la grossesse qui apparaît en lien avec son alerte professionnelle. En application de l’article L.1132-3-3 du code du travail, « aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ». Aussi, l’article L.1132-3-3 indique que « dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a signalé une alerte, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé ». Dans la mesure où Y ne justifie pas par des éléments objectifs les mesures prises à l’encontre de la réclamante, le Défenseur des droits considère que Madame X a fait l’objet de mesures discriminatoires à son retour de congé maternité fondées sur son alerte professionnelle contraires à l’article L.1132-3-3 du code du travail et sanctionnées par la nullité par application de l’article L1132-4 du code du travail. Le Défenseur des droits conclut que Madame X doit être regardée comme bénéficiant de la qualité de lanceuse d’alerte, à l’existence de mesures discriminatoires à son retour de congé maternité et à la nullité de son licenciement. En conséquence et au vu des éléments recueillis lors de son enquête, le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant la Cour d’appel saisie. |
NOR : | DFDO2000024S |
Collège Défenseur des droits : | Lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité |
Suivi de la décision : |
La Cour d’appel a suivi le Défenseur des droits en jugeant que la loi Sapin II était applicable en l’espèce : la juridiction a considéré en effet que la date à prendre en compte pour son application est celle du licenciement de Madame X et non celle de l’alerte. La Cour d’appel a également considéré que Madame X remplissait les conditions pour bénéficier du statut de lanceur d’alerte. Concernant la condition de bonne foi, la Cour d’appel a examiné avec précision les termes employés par la réclamante pour formuler son alerte : « leur caractère très circonstancié », « la mesure des termes utilisés et de leur finalité », ainsi que l’intention de la réclamante de « prévenir les conséquences néfastes » des faits dénoncés ont ainsi été pris en compte par la Cour d’appel. Concernant l’absence de qualification délictuelle des faits dans l’alerte de Madame X, la Cour d’appel a jugé qu’elle n’était pas de nature à lui faire perdre le bénéfice de la protection. La Cour d’appel a relevé le lien exprès et direct entre le licenciement et l’alerte, entraînant la nullité du licenciement. Le montant des dommages et intérêts au paiement desquels l’employeur a été condamné de pour réparer le préjudice né du licenciement nul a été augmenté, passant de 14500 en première instance, à 21000 euros. La juridiction n’a toutefois pas estimé que la perte de certaines fonctions par Madame X à son retour de congé maternité était liée à sa grossesse ou à son alerte, car certaines tâches avaient été préalablement et progressivement confiées à une société prestataire. La Cour d’appel n’a donc pas conclu à l’existence d’une discrimination en lien avec la grossesse, le sexe et/ou la situation de famille de la réclamante, confirmant le jugement du conseil de prud’hommes sur ce point. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Lanceurs d'alerte - Déontologie |
Cite : |
|
A pour visa : |
Documents numériques (1)
DDD_DEC_20200528_2020-024.pdf Adobe Acrobat PDF |