Document public
Titre : | Décision 2020-223 du 19 novembre 2020 relative à des agissements commis par des collègues d'une salariée, suivis d’un licenciement pour absence perturbant le fonctionnement de l’entreprise, qu’elle estime constitutifs d’un harcèlement sexuel |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi, biens et services privés (2016-2023), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 19/11/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2020-223 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Entreprise [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Contrat à durée déterminée (CDD) [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement sexuel [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Licenciement |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative à des agissements commis par des collègues de la réclamante, suivis d’un licenciement pour absence perturbant le fonctionnement de l’entreprise, qu’elle estime constitutifs d’un harcèlement sexuel.
La réclamante indique avoir subi des propos et des gestes à connotation sexiste et/ou sexuelle de la part de collègues de travail et de responsables hiérarchiques. Une enquête interne est initiée par la société mise en cause, qui conclut à l’absence de discrimination et de harcèlement, faute de preuve. La société adresse un courrier à la réclamante, présentant les conclusions de l’enquête et lui reprochant d’avoir elle-même adopté un comportement ambigu et familier avec ses collègues. En parallèle, la société adresse un courriel demandant aux auteurs des faits qu’une telle situation ne se reproduise plus. La réclamante est placée en arrêt de travail pour maladie et une mesure de licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l’entreprise lui est notifiée. Au vu de ces éléments, le Défenseur des droits a décidé d’engager une instruction. Il ressort de l’instruction du Défenseur des droits que dans le cadre de l’enquête interne, certains faits dénoncés par la réclamante ont été reconnus par leurs auteurs, et en particulier un geste à connotation sexuelle commis par l’un de ses responsables devant d’autres collègues. S’appuyant sur un arrêt de la Cour de cassation, l’employeur rejette la qualification de harcèlement sexuel en raison de l’attitude de familiarité qu’aurait adoptée la réclamante. Or, il ressort du même arrêt de la Cour de cassation que l’existence d’une pression grave ou d’une situation intimidante, hostile ou offensante, permet de retenir la qualification de harcèlement sexuel. Enfin, l’instruction du Défenseur des droits permet de constater une dégradation de l’état de santé psychique de la réclamante. Or, en application de la jurisprudence de la Cour de cassation, lorsqu’un manquement à l’obligation de santé et de sécurité a eu des répercussions sur l’état de santé du salarié, le licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l’entreprise est nul. Le Défenseur des droits conclut à l’existence d’un harcèlement lié au sexe, d’un manquement à l’obligation de santé et de sécurité, et d’un licenciement nul. En conséquence et au vu des éléments recueillis lors de son enquête, le Défenseur des droits : Décide de présenter ses observations devant le Conseil de prud’hommes saisi. |
NOR : | DFDO2000223S |
Suivi de la décision : |
Dans un jugement de départage du 6 novembre 2023, le conseil de prud’hommes de Nanterre a tout d’abord affirmé, contrairement à ce que demandait l’employeur, que la présentation d’observations du Défenseur des droits à l’audience était conforme au droit à un procès équitable. Le conseil de prud’hommes a suivi les observations du Défenseur des droits en jugeant que la salariée avait présenté des éléments laissant présumer le harcèlement sexuel. Concernant un geste à caractère sexuel qui a été reconnu par son auteur, le conseil de prud’hommes rejette l’argument de l’employeur selon lequel ce geste n’était pas destiné à la salariée, et souligne que celle-ci s’est retrouvée placée dans un environnement dégradant, humiliant et offensant, cet acte étant qualifié par la juridiction de particulièrement grave, d’autant plus qu’il a eu lieu en public. Le conseil de prud’hommes considère également que la proposition faite à la salariée de travailler dans la mode ou les cosmétiques alors qu’elle travaillait dans le secteur du matériel technologique est un propos sexiste car correspondant davantage à des stéréotypes féminins sans considération pour ses compétences. Le conseil de prud’hommes relève que l’employeur a adressé un courrier de reproches à la salariée « laissant entendre qu’elle les aurait provoqués », ajoutant à l’environnement intimidant et hostile dans lequel elle se trouvait. L’impact considérable de cette situation sur la santé de la salariée est également pris en compte par la juridiction. L’employeur est condamné à verser 15 000 euros de réparation à la salariée pour harcèlement sexuel et 3 000 euros pour harcèlement moral. Le jugement relève, comme le Défenseur des droits, que l’employeur n’a pas interrogé tous les témoins des faits dénoncés par la salariée, et a pris à son compte les seules explications des auteurs des faits. L’employeur est condamné à indemniser la salariée à hauteur de 5 000 euros pour manquement à l’obligation de sécurité. En outre, le jugement souligne que suite à sa dénonciation de harcèlement sexuel, la salariée a été mutée à un autre département, celui du petit électroménager, ce qui n’est pas anodin dans un tel contexte et constitue une discrimination. La société est condamnée à une indemnisation de 3000 euros. Comme le Défenseur des droits, le conseil de prud’hommes juge que le licenciement de la salariée est nul car il faisait suite à son absence liée à son harcèlement. L’employeur est condamné à l’indemniser à hauteur de 6 mois de salaire, outre tous les salaires perdus jusqu’à ce que la salariée ait retrouvé son emploi, soit plus de 115 000 euros. Le juge prononce enfin l’exécution provisoire du jugement en raison de la particulière ancienneté du litige. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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