
Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité d'une requête d'un étranger en situation de handicap qui s'est retrouvé sans domicile : Dessources c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 20/10/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 11125/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Logement [Mots-clés] Droit au logement opposable (DALO) [Mots-clés] Mal logement [Mots-clés] Sans domicile fixe (SDF) [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Indemnisation [Mots-clés] Hébergement d'urgence |
Résumé : |
Souffrant d'une pathologie neurologique, le requérant, ressortissant haïtien, a été reconnu handicapé. En décembre 2014, la personne qui l’hébergeait lui ayant demandé de quitter son domicile, le requérant s’est retrouvé sans domicile fixe. Il a été pris en charge par le dispositif de veille sociale et hébergé dans un hôtel pendant une dizaine de jours, puis il s'est retrouvé à nouveau sans domicile, en raison de la saturation des centres d’accueil et de la nécessité d’assurer l’hébergement d’autres personnes sans abri, en fonction de critères de priorité.
Le requérant se plaint du rejet de ses recours dénonçant avoir de ce fait été à nouveau placé en situation de sans abri du 6 février jusqu’au 2 mars 2015, voire jusqu’au 13 avril 2015, date à partir de laquelle il a bénéficié de la continuité d’un hébergement d’urgence. Il soutient que la situation qu’il a subie a porté atteinte aux articles 3 et 8 de la Convention et que les procédures disponibles en droit interne pour y remédier n’ont pas garanti son droit au procès équitable et au recours effectif, au sens des articles 6 § 1 et 13 de la Convention. En août 2018, le requérant s’est vu proposer un logement social qu’il a accepté. La Cour européenne des droits de l'homme déclare la requête irrecevable. Elle rappelle qu'elle ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes et que dès lors que la violation continue dénoncée a cessé, un recours effectif ne doit avoir pour vocation que d’obtenir la reconnaissance et la réparation de la violation alléguée, à la supposer établie Elle a ainsi notamment jugé que le recours en responsabilité de l’État, à raison de sa carence dans la mise en œuvre du droit au logement (DALO), présente des perspectives raisonnables de succès et qu’il doit dès lors être exercé, et ce alors même qu’eu égard à son caractère purement compensatoire, il ne s’est avéré effectif qu’une fois le requérant effectivement relogé, après l’introduction de la requête devant la Cour. En l’espèce, la Cour relève que le requérant a effectivement bénéficié d’un hébergement d’urgence ponctuel à partir du 2 mars 2015, puis d’un hébergement continu à partir du 13 avril 2015 et enfin d’une offre de logement pérenne à la demande du préfet au mois d’août 2018. La violation continue qu’il dénonçait avait donc cessé à la date d’introduction de la requête devant la Cour ou, à tout le moins, à compter du 13 avril 2015. La Cour doit dès lors déterminer si un recours indemnitaire en responsabilité de l’État était disponible en l’espèce. Or, elle relève, avec le requérant, qu’il appartient aux autorités de l’État de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale. Toute carence fautive des autorités de l’État dans l’accomplissement de cette mission est de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Il s’ensuit que le requérant bénéficiait de la possibilité d’exercer un recours en responsabilité de l’État devant les juridictions administratives, afin de demander réparation du préjudice qu’il allègue avoir subi du fait de la période pendant laquelle il s’est retrouvé sans abri, à savoir du 6 février 2015, date de la décision litigieuse mettant fin à son hébergement d’urgence, au 2 mars, voire au 13 avril 2015. Dès lors, la Cour estime qu’il aurait dû exercer ce recours, et ce alors même que, eu égard à son caractère purement compensatoire, il ne se serait avéré effectif qu’après l’introduction de la requête devant la Cour. Par conséquent, la Cour considère que la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes. Adoptée par la Cour le 20 octobre 2020, la présente décision a été publiée le 19 novembre 2020. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:1020DEC001112515 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-206326 |