Document public
Titre : | Arrêt relatif à la discrimination et au harcèlement sexuel subi par une agent d’entretien et au caractère justifié de son licenciement |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 29/10/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 18/00201 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Entreprise [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Harcèlement sexuel [Mots-clés] Dommages-intérêts [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Mesures de rétorsion [Mots-clés] Licenciement |
Résumé : |
L’affaire concerne des faits de harcèlement sexuel et de discrimination dont ont été victimes quatre salariées, agents d’entretien, d’une entreprise de nettoyage ainsi que l’un de leurs collègues, ayant subi des faits de harcèlement moral après avait dénoncé ces faits.
Saisi par une association de réclamations concernant cinq salariés, dont quatre femmes, le Défenseur des droits a diligenté une enquête approfondie en procédant à une vérification sur place, à des multiples auditions, et à une rencontre avec l’inspection du travail. Il a décidé de présenter à la société plusieurs recommandations. Il a par ailleurs décidé de présenter ses observations devant le juge prud’homal. La société conteste les jugements de première instance qui ont reconnu l’existence des faits de harcèlement sexuel et de discrimination et condamné l’entreprise à payer les sommes de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et moral et de 10 000 euros pour discrimination. De même, elle a été condamné à verser au collègue la somme de 20 000 euros pour harcèlement moral, 10 000 euros pour discrimination et 30 000 euros pour licenciement nul. Le conseil de prud’hommes a retenu notamment que les faits de l’espèce pris dans leur ensemble, et qui s’inscrivent au surplus, comme l’a relevé à juste titre le Défenseur des droits, dans un contexte de hiérarchisation des fonctions, de division sexuée du travail, au profit des hommes, sur fond de précarité et de dépendance économique, caractérisent des faits de harcèlement sexuel et harcèlement moral au préjudice des salariés. De plus, au lieu de protéger les salariées victimes, l’employeur les a sanctionnées, et certains changements d’horaires ou des mutations qui leur étaient imposées, ont eu pour effet de les remettre ou les maintenir en contact avec les personnes qu’elles dénonçaient. Il a jugé notamment que les sanctions et pressions exercées immédiatement après la dénonciation de faits de harcèlement sexuel laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral, que les déclarations relatives au harcèlement sexuel n'étaient pas incohérentes et que la société n'avait pas pris de mesure réelle et efficace eu égard à la situation et les sanctions disciplinaires n'étaient pas justifiées. Il a considéré que les sanctions disciplinaires étaient constitutives d'une discrimination ; qu'il existait un doute s'agissant des faits reprochés à la salariée et que les éventuels incidents relevés s'inscrivaient dans un contexte de harcèlement moral et sexuel, et qu'en conséquence le licenciement de la salariée était nul. Le juge a condamné la société à verser à la salariée la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul. La cour d’appel confirme partiellement le jugement et diminue le montant des dommages et intérêts alloués en première instance. Contrairement aux premiers juges, la cour considère que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse. La cour reconnaît que la salarié était victime des faits de harcèlement sexuel et de discrimination. Elle considère que la salariée établit l’existence matérielle de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement sexuel, ayant assisté à la commission de gestes à caractère sexuel de la part de deux collègues masculins envers des collègues féminines, ayant été personnellement victime de la part d’un collègue de faits à caractère sexuel. En revanche, la salariée n'évoque pas d'agissements répétés de harcèlement moral, certains faits n'étant invoqués qu'à l'appui de sa demande tendant à voir reconnaître une discrimination. Elle ne produit aucune pièce relatant des menaces de licenciement proférées spécifiquement à son encontre, les accusations mentionnées par les autres salariées étant très générales. Concernant les faits de harcèlement sexuel dénoncés par la salariée, la cour considère que leur existence est établie, les déclarations étant circonstanciées et précises. Elle considère que la mise en œuvre par la société de mesures destinées à prévenir les faits de harcèlement moral et sexuel antérieurement à leur dénonciation n'a pas empêché leur survenance. Il y a lieu de noter que l'employeur a procédé à une enquête, mis à la disposition des salariés un dispositif d'écoute et de soutien psychologique et communiqué une note de service précisant qu'elle prohibait les faits de harcèlement sexuel et moral. Il justifie également avoir procédé au licenciement du salarié mis en cause. Il démontre enfin avoir affecté un autre salarié mis en cause sur un autre chantier dans l'attente des plaines pénales déposées par les salariées. Ces éléments ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause la commission de faits de harcèlement sexuel au sein de l'entreprise. La cour énonce que le préjudice subi par la salariée est évalué à la somme de 7 000 euros au regard des circonstances du harcèlement sexuel, de sa durée et des conséquences dommageables en résultant pour la salariée, telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, celle-ci ayant été directement victime de faits de harcèlement sexuel. Quant à la discrimination, la cour considère qu’à l’exception de la convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, la société a démontré que les décisions dénoncées par la salariée étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En revanche, elle ne démontre pas que cette convocation, même si elle n'a donné lieu à aucune sanction, était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le préjudice en résultant pour la salariée est évalué à la somme de 1 000 euros. Enfin, concernant le licenciement de la salariée, la cour considère que cette mesure est justifiée dès lors que les faits reprochés sont révélateurs du refus de la salariée de réaliser certaines prestations, des pressions exercées à l'encontre de certains salariés et de ses propos injurieux à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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