Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que Le rappel, pour cause de grossesse, d’une diplomate en poste à l’étranger ne viole pas les droits de celle-ci : Napotnik c. Roumanie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 20/10/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 33139/13 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Roumanie [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Ambassade [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Conditions de travail [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Licenciement |
Résumé : |
La requérante, Mme N., est une ressortissante roumaine née en 1972 et résidant à Bucarest (Roumanie).
Mme N., une diplomate roumaine, fut affectée en mars 2007 à Ljubljana, où elle exerçait des fonctions consulaires qui consistaient principalement à prêter assistance aux ressortissants roumains se trouvant dans des situations d’urgence parce qu’ils étaient détenus par la police, qu’ils n’avaient pas de papiers d’identité, qu’ils étaient hospitalisés ou pour d’autres raisons. En avril 2007, la requérante épousa un ressortissant slovène dont elle eut deux enfants, nés en juin 2008 et en juillet 2009 respectivement. Au cours de sa première grossesse, la requérante s’absenta de son poste de novembre 2007 à février 2008, d’une part parce que son obstétricien lui avait prescrit du repos, d’autre part parce qu’elle avait pris des congés annuels. Les services consulaires furent suspendus pendant cette période, et les demandes d’assistance redirigées vers les pays voisins. La requérante fut temporairement remplacée lors de son départ en congé de maternité en juin 2008. En janvier 2009, aussitôt après que Mme N. eut annoncé qu’elle était à nouveau enceinte, le ministère des Affaires étrangères (« le MAE ») décida de mettre fin à ses fonctions à Ljubljana et de la rappeler à Bucarest, considérant qu’elle ne pourrait pas effectuer les tâches qui lui étaient assignées car elle devrait s’absenter pour des consultations médicales et prendre un congé de maternité. Mme N. demanda immédiatement un congé parental, puis elle sollicita un congé pour accompagner son mari, qui avait été affecté à un poste diplomatique à l’étranger. Elle réintégra ses fonctions à Bucarest en septembre 2015. Entre-temps, en septembre 2009, Mme N. avait engagé une action civile contre le MAE, alléguant que l’interruption de son affectation à l’étranger était discriminatoire en ce qu’elle était exclusivement fondée sur ses grossesses. Les tribunaux la déboutèrent de son action par un arrêt définitif rendu en novembre 2012, estimant que l’interruption de son affectation n’était pas une sanction disciplinaire mais une mesure qui visait à assurer le fonctionnement de la section consulaire de l’ambassade roumaine à Ljubljana. Invoquant l’article 1 du Protocole n° 12 (interdiction générale de la discrimination), Mme N. se disait victime d’une discrimination au travail, alléguant que le déroulement des événements montrait clairement que l’interruption de ses fonctions diplomatiques était due à ses grossesses. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 8 mai 2013. La Cour indique que les règles qu’elle a élaborées dans sa jurisprudence portant sur la garantie offerte par l’article 14 de la Convention (interdiction de la discrimination) trouvent à s’appliquer aux affaires portées devant elle sur le fondement de l’article 1 du Protocole n° 12. Elle rappelle notamment qu’aux fins de l’article 14, une différence de traitement est discriminatoire si elle « manque de justification objective et raisonnable ». Le Gouvernement reconnaît que la grossesse de Mme N. est entrée en ligne de compte dans la décision de mettre fin à ses fonctions diplomatiques. Dès lors que seules les femmes peuvent faire l’objet d’un traitement différencié fondé sur ce motif, force est à la Cour de constater que la requérante a fait l’objet d’une différence de traitement fondée sur le sexe. Toutefois, cette différence de traitement ne peut revêtir un caractère discriminatoire que si elle s’avère injustifiée. Or la Cour considère que les autorités internes ont présenté des raisons pertinentes et suffisantes pour justifier l’interruption des fonctions exercées à l’étranger par la requérante. En effet, la décision litigieuse était nécessaire pour garantir et maintenir la capacité de fonctionnement de la section consulaire de l’ambassade et, en définitive, pour assurer la protection des droits d’autrui, à savoir les Roumains ayant besoin d’une assistance à l’étranger. Eu égard à la nature des fonctions de la requérante et à l’urgence des demandes auxquelles elle devait répondre, les services consulaires de l’ambassade risquaient de pâtir de son absence, ce qui a clairement été le cas pendant une période de la grossesse de la requérante où ces services ont dû être suspendus et les demandes d’assistance redirigées vers les pays voisins. En tout état de cause, la décision critiquée n’a causé aucun inconvénient grave à la requérante. Celle-ci n’a pas fait l’objet d’un licenciement, mesure qui aurait été expressément interdite par les dispositions de la loi interne relatives à l’égalité des chances et contraire aux engagements internationaux contractés par la Roumanie. Comme l’ont expressément rappelé les juridictions internes, cette mesure ne constituait pas non plus une sanction disciplinaire. Au contraire, la requérante a continué à être promue par son employeur, d’abord en décembre 2007, alors qu’elle s’était absentée au cours de sa première grossesse, puis en septembre 2016, soit environ un an, après son retour au travail. En conséquence, la Cour juge qu’il n’y pas eu en l’espèce violation de l’article 1 du Protocole n° 12. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:1020JUD003313913 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Discrimination - Egalité |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-205222 |